UNE VIE PAYSANNE, ÉPISODE 46, Une bien belle possession

Félix Narcisse Médéric Groizier, fils de Marie François Isidore et de feue Rosalie Joséphine Cré

Commune de Verdelot

1851

Mon dieu qu’elle était belle ma sauvageonne de Marie Louise, je l’avais obtenue de longue lutte.

Des années que nous nous étions tournés autour, à nous agacer, nous titiller. Je lui avais volé un baiser lorsque nous étions petits, elle m’avait vu tout nu lorsqu’elle m’épiait à la baignade. Je lui avais en cachette rendu la pareille en la mirant lorsqu’elle retroussait sa robe pour satisfaire quelques besoins naturels. Me satisfaisant d’un simple morceau de chair blanche j’en restais prostré dans une béate admiration. En vieillissant je l’avais fait danser à toutes les fêtes du village. Pour l’opinion nous étions fait l’un pour l’autre. Seulement voilà sa mère la veuve Perrin sans que je sache pourquoi se refusait à me donner la main de sa fille. La mienne n’était pas plus sale que celle d’un autre, mes callosités montraient que je n’étais point feignant au labeur. Mon père était respectable et puis nous habitions l’un près de l’autre depuis toujours.

Ma promise joua aussi quelques fois avec mes nerfs se refusant pendant de longs mois à seulement même me voir. Je fus patient et un jour cela se fit. Une grange abrita nos amours, elle était pucelle j’étais puceau. Nous n’étions donc guère dégourdis mais la nature et l’instinct nous guidèrent et maladroitement nous nous unîmes,ce fut pour moi un bonheur indicible.

Mais pour que cela dure, pour que nous n’ayons plus à nous cacher il fallait que la vieille accepte de me la laisser. Ce ne fut pas facile mais mon père s’arrangea avec elle, mon grand père Cré quand je lui parlais de cela, curieusement se muait dans un silence complet.

Lorsque mon père m’annonça que l’accord était conclu je dansais de joie, je pris dans mes bras ma belle mère et je lui déposais un baiser sonore sur les joues.

Elle qui n’avait guère eu droit à de tels épanchements de ma part en fut toute retournée. Notez bien que cette très chère femme qui effectivement ne nous avait pas donné le jour remplissait son rôle de mère adoptive avec constance, abnégation et il faut bien le dire avec amour.

C’était donc ma maman et il était vrai aussi que je n’avais plus mémoire de ma défunte mère car je n’avais que deux ans quand elle nous avait quittés.

La noce fut prévue le 8 décembre 1851, en attendant ,me dit ma cruelle, tu ne me toucheras point.

Immédiatement je l’avais soupçonnée de m’avoir offert son corps que pour mieux me marier , mais non c’était idiot.

Ce fut en vérité une bien belle noce respectueuse de toutes nos traditions briardes, toute la famille était là, on fit bombance. Ce fut le nouveau maire monsieur Édouard Gramagnac qui nous maria.

J’avais mis mes plus beaux habits et pour la circonstance je me fis faire des souliers.

Moi qui n’avais porté que des sabots j’eus toutes les peines du monde à marcher avec. Comme le voulait la loi on passait à la mairie avant l’église. Le curé n’était pas dans son assiette et il nous fit un serment sur l’inceste et les amours entre les membres d’une même famille. Nous étions outrés et surpris qu’il nous parle de telles choses un jour pareil, mais bon avec la calotte nous ne savions jamais à quoi nous en tenir.

Le soir pour la nuit de noces nous fîmes comme si nous ne nous étions jamais connus charnellement.

Ce fut un moment délicat car j’avais beaucoup bu et je n’étais pas au mieux de ma forme. Mais l’attrait des magnifiques courbes de Marie Louise me fit retrouver vigueur.

Je retournais bien vite à mes travaux agricoles nous étions aux labours d’hiver et comme j’étais charretier de labour, l’ouvrage ne me manquait pas.

Louis Alexandre Patoux

commune de Gault département de la Marne

Année 1852

Que de changement dans notre vie, nous avions quitté Chatillon sur Morin pour revenir à Gault notre village, j’avais réussi à acheter une petite maison avec quelques arpents , rien de bien grand mais cela constituerait un petit héritage pour les enfants. D’ailleurs ces derniers étaient tous partis de la maison.

Mon aînée était maintenant veuve, son idiot de mari avait eu l’indécence de mourir, nous gardions leur petit car Henriette était redevenue une domestique et ses patrons ne voulaient pas qu’elle soit à charge de famille.

Mon garçon était aubergiste à Fontaine sous Montguillon, j’étais fier de sa réussite, la Julie habitait à Chatillon sur morin avec son mari et elle avait eu le malheur de perdre sa petite de onze ans l’année dernière. Perdre un enfant de cet age là est bien plus dur que les perdre la première année, on les croit tirés d’affaire mais la moindre maladie vous les fait ensevelir.

Clémentine vivait dans la maison à coté de chez moi, ce n’était pas que j’aimais beaucoup le berger qui lui servait de mari mais bon je ne vivais pas avec. Ma fille était sur le point d’accoucher de son troisième.

Ma dernière fille Zoé s’était mariée l’année dernière et avait mis au monde une fille il y a quelques mois. Elle vivait avec son homme à Mécringes mais avait pour projet de revenir à Gault.

Le village en ce moment était assez agité comme d’ailleurs l’ensemble du territoire. Le Bonaparte venait de tordre le cou à la deuxième république et s’était fait empereur. Les uns disaient que c’était une pâle copie de son oncle, peut être mais en attendant le pouvoir c’était lui qui l’avait.

Notre fils de roi avait réussi le tour de force de se faire élire premier président de la république Française en 1848 et cela au suffrage universel, moi à l’occasion c’était la première fois que je votais. Pour cette première j’avais choisi Cavaignac sans d’ailleurs savoir réellement pourquoi.

Seulement voilà le Bonaparte il était gêné aux entournures par l’assemblée constituante qui apparemment votait les lois. Là j’étais, je dois le dire un peu perdu, mon gendre vint à mon secours en m’expliquant que c’était un peu comme dans un couple il fallait que les deux avancent dans la même direction.

C’était une assemblé un peu curaillonne, conservatrice disait Joseph, qui fit voter la loi Falloux. C’était une loi sur l’école avec obligation d’avoir une école de garçons pour les villages de 500 habitants et une école de filles pour ceux de plus de 800 habitants. C’était plutôt bien mais les esprits contestataires disaient que l’église avait repris le pouvoir sur l’enseignement. Là aussi c’était flou pour nous autres dans les campagnes.

Cette assemblée conservatrice avait limité aussi le suffrage universel, il faudrait savoir. Le problème ne se situait pas là, le Louis Napoléon voulait faire un deuxième mandat mais la constitution ne le permettait pas. Malgré tous ses efforts, il ne parvint pas à faire réviser cette partie gênante pour lui. Alors pourquoi s’embêter lui et son demi frère bâtard avec quelques affidés, ils firent leur coup. Ce ne fut l’affaire que de quelques milliers de morts, absolument rien. On en emprisonna quelques milliers d’autres, certains s’exilèrent et le tour fut joué. On vota le 21 décembre et comme presque tout le monde je votais oui. Vive l’empereur et vive l’empereur, je lançais mon chapeau en l’air, alors que mes gendres tiraient la gueule, sauf le Joseph qui avec son prénom de Napoléon aurait bien refait Austerlitz.

Ce fut le jour du vote que la Clémentine nous lâcha son petit, on fit une belle fête, un empereur et une pisseuse qu’on nomma Joséphine.

 

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