UNE VIE PAYSANNE, ÉPISODE 25, Oncle ou père?

 Rosalie Cré, fille de François Isidore Cré et d’Augustine Coffinet

commune de Verdelot département de Seine et Marne

1817

J’avais 14 ans et au regard des femmes qui m’entouraient j’étais des leurs. Je n’étais pas idiote et je savais de quoi il en retournait. Augustine ma mère me mit en garde sur mon attitude, je ne devais plus me comporter comme une fillette, je devais également cesser de jouer avec les garçons et me comporter comme leur égale.

En résumé, je devais travailler, faire le ménage, aller à la messe, au lavoir et attendre encore quelques années pour qu’un garçon me courtise et me demande en mariage.

Le tout sans avoir aucune mauvaise pensée, être une bonne fille et être une bonne chrétienne.

Tout en moi s’insurgeait, si Maman croyait que j’allais rester tranquille sans m’amuser, moi ce que j’aimais c’était courir la campagne avec les garçons et avec mes copines. Je grimpais aux arbres et adorais affoler ses balourds de garçons en offrant mon cul blanc à leur regard.

On jouait parfois aussi aux adultes, on s’embrassait et on faisait aussi pas mal de bêtises que la bienséance réprouvait. Un jour ,je me souviens nous étions à observer les garçons qui se baignaient tout nus dans le petit Morin. Avec un groupe de filles, on s’approcha et on vola les habits des baigneurs pour les déposer sur la place devant l’église. Vous pensez bien que le spectacle des nigauds les fesses à l’air, marchant en tentant de cacher leur minuscule anatomie nous fit beaucoup rire.

Ce fut d’autant plus rigolo que parmi les piégés se trouvait François Isidore Groisier, mon voisin, lui cela ne le fit pas rire car il dut remonter sur Pilfroid en tenue d’Adam et croyez moi lui, il était déjà apte à manger la pomme.

Sa mère en le voyant s’étrangla et tout le hameau sut le fin mot de l’histoire.

Ce qui fut moins marrant pour moi c’est que quelqu’un me dénonça. Un jour, il me rattrapa sur le chemin et il se jura de se venger à moins que je lui offris le même spectacle qu’il m’avait involontairement donné.

Vous parlez si c’était la même chose, je me disais qu’il allait falloir que je fasse attention à lui mais ce n’était guère facile car il habitait la maison à coté de la mienne.

A la maison nous vivions Papa, Maman et mes trois frères en compagnie de la tante Marie Louise la sœur de mon père , de son mari Nicolas Perrin et de leurs enfants.

Cela faisait une belle tablée, bien que je percevais que cette sainte table n’allait pas durer une éternité et que les deux couples allaient devoir se séparer ou bien s’écharper

Moi je n’avais des problèmes qu’avec ma tante Marie Louise, disons même clairement qu’elle ne pouvait pas me sentir. A moi les plus dures corvées, les réflexions, les engueulades. J’étais une souillon, une garce qu’il allait falloir dresser à coups de ceinture.

J’avais passé l’age des corrections mais toutefois je faisais quand même profil bas car avec une telle saleté on ne pouvait savoir. Ma mère plutôt indolente ne prenait guère ma défense, comme si elle avait abandonné à sa belle sœur, les droits qu’elle avait sur moi .

Mon père n’était jamais là et d’ailleurs que je sache, ce ne sont pas les hommes qui étaient chargés de l’éducation des enfants. Il se moquait de tout et aimait plus ses moutons que nous autres.

Le plus affectueux était oncle Nicolas, je l’aimais beaucoup et je pense que c’était réciproque.

D’ailleurs c’est bizarre j’avais les mêmes yeux que lui, un bleu translucide, qui vous perçaient de part en part. Maman disait les Cré et les Perrin vous devez bien avoir un peu de sang en commun.

Jusqu’à maintenant rien ne m’avait paru bizarre mais lorsqu’en examinant avec attention les hôtes de notre tablée, je m’aperçus que je ressemblais plus à mes cousins qu’à mes frères.

Une autre fois alors que j’arrivais au lavoir, une vieille édentée cria tout fort, tient voilà la fille au Nicolas.

C’était parti, je ne savais plus où me mettre, le Nicolas c’est qu’un trousseur de filles. J’étais confrontée à toutes les médisances paysannes et ces bonnes femmes coincées du cul à l’église, devenaient ordurières quand elles avaient les mains dans l’eau, le battoir à leur coté et les fesses en l’air. De respectables mères de famille, elles se transformaient en sorcières pleines de fiel.

De ce jour j’eus un doute sur ma naissance, l’adage maman sûr, papa peut-être, s’appliquait-il à moi?

D’autant qu’un jour en rentrant à la maison j’avais trouvé ma mère en présence de l’oncle et son attitude était un peu confuse. Rouge comme un coquelicot, les cheveux défaits et la robe un peu froissée. Nicolas me regarda d’un air impénétrable, me sourit et sortit sans plus de manières.

Oncle ou père, un terrible secret que peut-être je ne percerais jamais.

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