UNE VIE PAYSANNE . Épisode 7, de jeune fille à femme

Marie Louise Cré

Nous sommes dans une nouvelle ère, plus de royauté mais une république. Nous devons nous y conformer.  l’an 1 de la république à ce qu’il parait.

Mais assez bizarrement l’année commence le 22 septembre 1792, vous parlez si on va s’y retrouver, de plus les avocats de Paris qui nous gouvernent ont décrété qu’on aurait un nouveau calendrier.

Bien poétique, mais pour nous autres qui ne savons pas lire ces mois étranges résonnent mystérieusement à nos oreilles. Personne n’y voit un quelconque intérêt et à la campagne ce foutu calendrier a du mal à s’imposer. Vendémiaire, pour le mois des vendanges, brumaire pour la brume automnale et frimaire pour le froid. C’est parait-il un député, poète, nommé Fabre d’Églantine qui nous a concocté cette merveille de simplicité.

Mon père pour se moquer dit que le Fabre il est bien gland. Bref on n’a plus de dimanche et les jours portent des noms bizarres.

Mais ce qui fait le plus de mal ce sont les problèmes qui ont été causés à notre curé Lallemand. D’abord ce n’était plus lui qui notait les naissances, les décès et les mariages mais un officier du ministère public et d’autres parts on lui ferma son église, enfin c’était aussi la notre.

Ce fut  Louis Béchard un gros laboureur qui prit cette charge à son compte. Mon père ne l’aimait pas mais là ce sont des histoires d’adultes.

En attendant révolution ou pas il faut bien manger,  mon père continue à garder ses moutons et ma mère de se crever dans les champs. Moi, je pousse un peu comme une mauvaise graine, plutôt grande, je dépasse déjà maman qui me dit quand même, ce n’est pas parce que tu me dépasses que je ne peux pas te mettre une volée. Je commence à avoir une belle poitrine, deux petits tétons que chaque jour j’observe à la dérobée. Si ma mère m’avait vue me s’yeuter comme cela , elle aurait hurlé à l’indécence. Un peu plus bas je vois aussi une évolution notable, un petit tapis peu à peu se fournit et le soir dans la solitude de ma couche je pars en exploration vers cette zone inconnue de ma féminité.

Puis comme toutes les femmes, j’ai eu ces fameuses menstrues, cela indique que nous sommes femmes et que nous pouvons avoir des enfants. Je ne sais encore pas comment techniquement cela se passe mais comme Maman me dit, les hommes c’est comme des bêtes, je fis rapidement le rapprochement en voyant un taureau monter une vache.

Par contre je ne comprenais pas le rejet et le relent d’impureté qui environnaient ce moment. Avec Maman on ne devait quasiment pas sortir, ne pas baratter le beurre et ne pas aller au lavoir.

Quand cela nous arrive, on se met des espèces de serviettes entre les jambes pour que cela ne nous dégouline pas le long des cuisses. Si cela est moins abondant une brassée d’herbe nous suffit.

Parfois avec Maman nous les avions ensemble, mon père visiblement n’aimait pas cette période et disait que cette foutue femelle ne lui servait à rien. Maman souriait en coin, apparemment cela lui faisait comme une période de carême.

Je ne suis donc plus une petite fille et les hommes m’observent maintenant à la dérobée, je suis bien loin de faire une mariée mais j’attire le regard des mâles, comme une génisse attire le regard du maquignon et une belle châsse celui du curé.

D’ailleurs moi aussi je me surprends à regarder les hommes un peu différemment.

En janvier 1793 on apprend que l’on a coupé le col au gros roi, Maman pleura toutes les larmes de son corps et le soir à la veillée les femmes firent une prière. Cela valut une belle engueulade à ma mère, mon père était furieux car il avait peur en cette période de terreur naissante que l’on prenne sa maison pour un foyer de contre révolution. Il y avait eu déjà des arrestations et des indicateurs malveillants dénonçaient à tout va les ennemis supposés de la république.

J’ai maintenant 16 ans et la famille s’apprête à vivre un grand moment.  Mon frère qui fréquentait depuis un bon moment une fille de Mondauphin allait se marier. Je me souviens exactement de tout car hormis le plaisir que j’éprouvais à voir mon frère heureux je sentis en ce 1er février 1796 mes premier émois de femme. Un frère de ma belle sœur, nommé Jean Louis Coffinet me servit de cavalier et me fit danser toute la noce. Tout le monde en cette fête se lâcha un peu, les pires heures de la terreur jacobine étaient terminées et bien que la situation économique ne fut guère reluisante, nous avions tous le cœur à nous amuser. Même ma mère semblait un peu prise d’alcool, elle rigolait, chantait, dansait et surtout ne me surveillait pas. De danse en danse, nous nous grisions l’un l’autre, on se frôlait, se caressait et instinctivement nous nous rapprochions. Au cours de soirée on profita de la visite du guillonneau pour nous éloigner un peu.

Tout de suite on s’embrassa, la nuit éclairée par sa lune pleine servit d’écrin à ce premier amour. Sa langue trouva la mienne et dans une bizarre alchimie j’y éprouvais du plaisir. Ce fut intense, la découverte se mêlait au jeu subtile de la peur d’être surprise. Mon corps me témoigna des phénomènes pour moi inconnus, je m’étais alanguie, mes seins durs pointaient sous mon beau corsage, je voulais que mon amoureux les caresse mais en même temps je lui en interdisais l’accès. Une douce chaleur humide envahissait mon moi secret, je désirais qu’un homme s’y noie mais Jean Louis n’eut droit qu’à la simple primeur de la naissance de ma cuisse.

Je n’étais pas prête et la peur des conséquences me glaçait d’effroi, je savais le sort réservé aux filles qui avaient fauté.

Il n’empêche que cette soirée alimenta mes rêves et qu’au fond de ma pensée Jean Louis ne fit pas que remonter ma robe jusqu’aux genoux.

La femme de mon frère vint s’installer à Pilfroid, cela posa des problèmes de place et d’intimité conjugale, mes parents étaient discrets mais mon frère le fut moins. Ma belle sœur Augustine devint comme mon initiatrice, ce que je ne savais pas, ce fut elle qui me l’apprit, loin de la gêne de ma mère elle m’initia en grande sœur aux choses féminines de la vie. Elle avait 4 ans de plus que moi et lorsqu’elle devint grosse je ressentis la chose comme si moi aussi j’avais été enceinte.

Lorsqu’elle accoucha en juillet 1797 ce fut comme une révélation, je n’avais jamais vécu cela. Cette chose si naturelle, mais aussi pleine de danger et de douleur me bouleversa et je n’eus de cesse de me marier pour pouvoir ressentir la même chose et la même joie qu’Augustine lorsqu’on lui posa cet être tout fripé sur le ventre.

Mon frère et mon père à la vue de ce premier petit mâle de la famille ne se tenaient plus de joie, avec l’alcool bu ce jour là mon père excité comme un jeune loup pinçait les hanches de ma mère en lui disant qu’il allait lui refaire un enfant. Maman ne riait pas du tout car elle se savait encore fertile  et n’avait au fond qu’une hâte c’est que sa vie de femme s’arrête pour éloigner le péril d’une maternité fort tardive.

Nous les femmes étions bien occupées par ce petit, bien que ma mère cette rabat joie nous disait qu’un enfant ne devait pas être trituré et bisé tout le temps. Effectivement pour les embrassades ma mère, elle ce n’était pas une spécialiste.

Nos hommes à la saison n’étaient guère présents mais je me souviens qu’un jour ils sont revenus avec un berger de Hondevilliers nommé Nicolas Perrin.

Ce dernier cherchait à s’employer, il revenait des armées où il avait fait son temps, Valmy, Jemmapes, il nous conta ses aventures, sa voix un peu trainante, douce et mélodieuse me subjugua.

Il avait des yeux bleus presque transparents et lorsqu’il les dardait sur vous, vous étiez sans défense. Tout dans son histoire n’était que mélopée, même les pires massacres, même les pires duretés.

Immédiatement, irrémédiablement, je tombais amoureux de ce rude militaire, de ce berger conteur.

Je le voulais comme mari et je lui réserverai ma virginité. Je m’en ouvrais à Augustine qui visiblement ne fut pas étonnée de mon émoi, car elle aussi était tombée sous le charme enjôleur de l’ancien soldat.

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