Elle n’aimait guère Élisabeth Monnery la sœur de son père et cette dernière le lui rendait bien. Présente ce soir là pour faire du levain elle essuya tout de suite une salve d’insultes.
Le ton monta très vite et Marie se saisit d’une poêle pour faire sortir sa tante de force. Henry s’y opposa et Marie lui asséna un violent coup sur la tête.
Le vieux tomba par terre, je tentais de la calmer et le petit frère s’interposa aussi pour protéger son père.
Ma femme hurla se débattit, elle était comme folle.
Le tintamarre avait alerté la population du village encore nombreuse dans les rues en cette fraiche soirée.
Jean Brizard et Pierre Bret deux cultivateurs qui rentraient de l’auberge n’en perdaient pas une miette.
Je tentais de faire sortir Marie mais ce fut moi qui me retrouva dehors, pour sûr j’ aurais dû l’assommer mais c’était ma femme.
Marie Anne Jousselin la femme au René Renaud par la fenêtre commentait les faits en compagnie d’André Monnory.
Pas un n’intervint , j’étais seul et je n’arrivais pas à la maitriser. Elle redoubla de violence, jeta son père au sol lui asséna des coups de poings, la tante arriva à s’enfuir.
Tout le village était en alerte, monsieur Delavaud le maire fut prévenu.
Tout était bousculé à l’intérieur, chaises renversées, pot cassé, vêtements éparpillés, elle tirait maintenant son père par les cheveux, le malheureux était comme mort, inerte il ne pouvait que subir.
La folle se saisissait maintenant d’une fourche pour embrocher son géniteur, je m’efforçais de la retenir, elle devenait vraiment dangereuse.
Puis enfin j’eus le dessus je lui pris son arme et la jetais dehors, il y avait du monde , Jean Pouvreau le jeune menuisier nous regardait de son air idiot, Brizard et les deux Bret étaient toujours là.
Pierre Michaud arriva aussi, tout le canton allait être au courant pour sûr. On s’éloigna sur le chemin royal pour rentrer à Saint Sauveur.
Puis mue par un remord elle fit demi tour pour retourner chez son père, pour s’excuser ou arranger les choses je ne sais, mais sur place le maire du village avait ordonné à Henry de ne pas lui ouvrir.
Alors on retourna à la maison, Marie ne montrait plus trace de fureur, comme si rien ne s’était passé.
Mais malheureusement Monsieur Delavaud prévint le Juge de paix du canton de Courçon Monsieur Charles Bastard.
Une procédure se mit en route, un juge d’instruction de La Rochelle fut saisi, l’affaire était criminelle et par commission rogatoire Monsieur Bastard fut chargé de recueillir des témoignages.
Pendant ce temps Marie fit comme si rien ne s’était passé et vaquait à ses occupations, le 30 aout alors que nous nous trouvions à Ferrieres des gendarmes de la brigade de Nuaillé se saisirent d’elle.
Elle avait perdu de sa morgue, son bonnet tomba, ses cheveux se mêlèrent à ses larmes. Des cris fusèrent, des insultes aussi, la foule gronda devant celle qui avait bafoué l’autorité parentale sacrée. La maréchaussée se pressa de l’emporter.
Ce fut la dernière fois que je la vis. Elle fut conduite sous bonne garde à la maison d’arrêt de La Rochelle. Tout alla très vite, ceux qui s’étaient agglutinés devant la maison ce soir là furent interrogés à Courçon. La messe était dite, ce sera la cour d’assise et j’appris de source sure qu’elle serait conduite à la prison de Saintes dès le 2 octobre.
J’errais comme une âme en peine, on me regardait de travers, c’était ma faute, je n’avais pas été capable de dominer ma femme . L’un me dit qu’il lui aurait bien fait rougir le cul à coup de ceinture, un autre m’expliqua que quelques calottes lui auraient fait du bien. Les femmes se moquaient que je n’eusse pas porté la culotte dans mon ménage, que j’étais une lavette.
Ma mère pleurait sans arrêt et ma sœur ne me parlait plus. De plus j’avais les deux mouflets de Marie, j’en étais embarrassé, ma mère ne voulait plus sans occuper et voulait les foutre à la rue.
Le neuf novembre 1829, elle fut condamnée à 5 ans de prison pour violence sur ascendant. La sentence étatt sévère et dure, le juge Armand Spéry avait eu la main lourde et monsieur Limat son avocat n’avait rien pu faire
J’en étais peiné pour elle, car voyez vous je l’aimais encore et elle me manquait. J’apprenais aussi qu’elle avait subi pendant une heure le carcan, exposée sur la place du tribunal avec un panneau autour du cou indiquant son nom, son age, sa peine, et le motif de sa condamnation.
On l’emmena ensuite à la maison centrale de Limoges pour qu’elle fasse sa peine.
J’étais désespéré de son absence et aussi honteux d’être montré du doigt, le soir dans le lit je croyais percevoir son odeur, cela me rendait dingue.
Il y eut une sorte de conseil de famille au sujet des enfants de Marie, moi je n’étais en rien tenu par eux, ce n’était pas les miens et mon travail m’empêchait de les garder. Ma mère ne voulait rien savoir à leur sujet et me disait de me débarrasser des petits bâtards. La sœur de Marie les récupéra j’étais enfin tranquille.
Nous verrons bien quand elle sortira quelle attitude adopter.