Le vieux en aurait pleuré, il accepta cette demande comme un cadeau venu du ciel. Enfin il allait être débarrassé de cette encombrante furie. Nous bûmes un bon nombre de chopines, j’étais ivre et lui aussi. Il donna à sa fille comme dot une pièce de vigne qui avec la mienne nous permettraient d’être presque autonomes. C’était inespéré pour moi, non seulement j’avais une bien belle fille dans mon lit et en plus j’obtenais à bon compte une belle terre. Je crois que j’aurais pu lui demander sa chemise.
Marie était moins contente, elle espérait plus et en fit une affaire. Son père ne lâcha rien de plus et moi j’estimais que le contrat était bon.
Le mariage se fit le 21 janvier 1829 à Ferrières, nous étions mercredi et il était quatre heures du soir. Le maire monsieur Antoine Delavaud nous maria.
Ce fut quand même assez solennel, ma mère faisait mauvaise fortune bon cœur, le Henri reniflait et larmoyait et moi fier je tenais fermement ma belle mariée.
C’est François Boucard et Jean Genaud qui me servirent de témoin. Jean m’avoua plus tard qu’il avait connu intimement la mariée bien avant moi.
Marie prit son beau frère Jousselin et François Momory son cousin comme troisième et quatrième témoin. On passa devant le curé mais la cérémonie fut bâclée, le bon prêtre considérait que ma femme n’était pas de bonnes mœurs et ce n’était sûrement pas avec ce qu’elle lui avait raconté en confession qu’il aurait pu changer d’opinion.
On fit un bon repas à l’auberge de Ferrières, nous n’avions pas voulu alerter le ban et l’arrière ban de nos familles et nous fîmes cela en petit comité
Nous eûmes quelques mois d’un enchantement certain, bien que la problématique fut la cohabitation entre ma mère , ma sœur, et ma femme. Trois poules pour s’occuper d’un même coq c’était trop, aucune ne voulait lâcher. La cuisine s’était transformée en un lieu d’affrontement ma mère comme du haut d’un donjon entendait y régner, Marie faisait tout pour la contrarier, changeait les ustensiles de place, salait trop, mettait trop de lard. Moi je m’enfuyais, ne prenant pas position. Avec ma sœur la lutte était terrible, car voyez vous on dormait dans la même chambre qu’elle. Marie lors de nos ébats en rajoutait un peu, criait, râlait, geignait, en redemandait. Chaque matin les gros mots fusaient d’autant que Marie et Anne étaient les deux opposés. Ma femme était impudique, se trimbalait en chemise, pissait en société alors que ma sœur, trou du cul pincé s’offusquait à la moindre apparition de chair.
Du coté des Simonneau , ma Marie n’entendait pas lâcher prise quand à une part plus grande de l’héritage, elle faisait des scènes à n’en plus finir à son père et l’insultait de bon cœur.
La crise couva tout l’été, Marie était tous les jours à Ferrières a insulter son père. Ce que me révélait Marie concernant sa personnalité me faisait peur, elle était vindicative avec tout le monde, en voulait à la terre entière.
Un jour au cours d’une énième dispute avec ma mère je pris position pour cette dernière, mal m’en a pris, elle ameuta tout le quartier et sortit comme une folle pour retourner chez son père.
Elle en avait également et sans que je sache pourquoi, après son jeune frère Jacques. Elle avait pris un réel ascendant sur lui, mais je crois surtout qu’il en avait peur. Elle le tourmentait, le battait et l’insultait à tout propos. Le pauvre petit n’avait que les pleurs pour refuge.
Une journée de juillet Marie apprit que son père voulait vendre six brebis à Sylvain Laroche l’aubergiste chez qui on avait nocé. Elle voulut s’y opposer en disant que les bêtes étaient à elle.
Une vive discussion s’engagea et dégénéra et Marie voulut fendre le crane à son père avec une pierre.
Elle y renonça mais saisissant les cheveux de son père elle lui en arracha une grosse touffe. Le vieux Henri la chassa en lui demandant de ne jamais revenir.
Je n’avais plus prise sur elle et maintenant je la redoutais aussi. Mais j’étais faible et le soir se donnant volontiers elle chassait toutes mes velléités d’intervenir.
Ma mère et ma sœur qui n’avaient rien perdu de nos ébats me disaient tous les matins, elle te mène par le bout de ton vit , tu devrais plutôt lui coller une bonne trempe.
L’été passa donc, nous avions beaucoup de labeur et je pensais que Marie se rendait moins à Ferrières, j’étais dupe car en fait elle s’y rendait fréquemment.