Maman s’échinait et faisait son maximum, elle rayonnait de nouveau et tels des grolles au dessus d’une carcasses des hommes tournoyaient en son parage. Il y avait de tout, veufs chargés d’enfants qui cherchaient une mère et un ventre, jeunes cherchant à s’émanciper de la tutelle paternelle, mâles en rut qui trouvaient confortable de baiser une femme qui n’avait plus de compte à rendre à personne et enfin vieux barbons déjà grabataires qui se seraient bien vus assister de cette belle maitresse pour ressusciter leurs ardeurs d’antan.
Pour être franc jamais je n’ai vu ma mère accepter la moindre des avances, une sainte femme dont l’esprit était occupé à la mémoire de François Petit feu mon père, c’était peut être trop beau.
Non la merveille des merveilles à la maison, c’était ma sœur Anne, une reproduction de la beauté de ma mère mais en plus sauvage. En apparence vous eussiez cru voir une madone, toujours impeccablement mise, proprette, au première loge pour vous satisfaire en le moindre de vos désirs, non vraiment un modèle de petite fille. Tout le monde s’y trompait, ma mère qui la première avait de la merde dans les yeux, le curé qui était béat devant une si belle créature du bon dieu et bien sur la cohorte familiale, et voisinale.
Pour ma part j’étais plus circonspect, un brin de méfiance, je la connaissais sous d’autres optiques que ceux communément adoptés.
Vous voulez la vérité, ma sœur était le pire serpent de la création, fausse, méchante, toujours à épier à écouter et surtout à rapporter.
Je ne sais comment elle s’y prenait mais le moindre ragot du village n’avait de secret pour elle, évidemment personne ne se méfiait. Elle avait ensuite le don de distiller ses renseignements aux bons moments et il suffisait d’observer son petit rictus de contentement quand ses mots susurrés déclenchaient une catastrophe.
De plus cette créature au sang froid avait le don d’ubiquité et se trouvait toujours à l’endroit où on ne l’attendait pas. Elle semblait tout connaître de moi, mon intimité, mes pensées dont elle pénétrait les moindres recoins.
Maman me chargeait de la surveiller et en fait c’était bien le contraire qui se produisait. N’ayant connu que le travail depuis mon plus jeune age je ne souffrais guère d’un manque de loisirs, le dimanche était chômé ainsi que de nombreuses fêtes religieuses, nous avions donc du temps entre notre labeur pour nous amuser, chercher des filles, danser et parfois boire.
Je me souviens de ma première cuite, je m’échinais sur les terres du château de Beauregard de l’autre coté du chemin royal qui menait à Paris entre Ferrières et Nuaillé d’Aunis. Eh oui le travail se défie des frontières communales et j’œuvrais souvent chez le baron Gustave Charles Alexandre Martin de Chassiron. Pour sur on ne le voyait presque jamais occupé qu’ il était à Rochefort ou à la Rochelle mais son régisseur croyez moi lui on l’avait sur le dos.
Bon un jour sous le coup de dix heures une petite faim se faisant sentir chacun sortit un quignon de pain, moi j’avais un morceau de fromage d’autres du lard et certains juste un oignon. Il y avait un vendéen avec nous, un traine sabots venu du bocage, un surplus de famille nombreuse qui cherchait dans la plaine d’Aunis de quoi se faire une situation et pourquoi pas nous voler une fille du pays. Il sortit de sa besace un litre d’eau de vie et chacun à tour de rôle nous y puisâmes de généreuses lampées. De gorgée en gorgée la bouteille fut vidée et l’on passa à du vin de la région. Je ne sais ce qui me piqua la gorge le plus, ce foutu vin aigrelet ou cette eau distillée, toujours étant je devins gai comme un pinson. Mon ivresse me fit dire des conneries, la tête maintenant me tournait, les autres riaient mais étaient inquiets pour la tournure éventuelle des évènements.
Je ne sus pas au juste comment j’avais pu terminer la journée, mais comme notre soif n’avait pas été étanchée par les premiers bouteillons nous avions continué. Les autres m’avait ramené et ma mère m’avait accueilli comme il se doit, de toutes façons j’étais trop saoul pour me prendre une engueulade. A l’aide de Anne elle m’avait jeté sur ma paillasse.
Le lendemain j’eus droit à tout, les réprimandes, la gueule de bois et le mal de tête. Pourtant je dus retourner sur les pièces de beau vallon, curieusement le régisseur m’avait mis dans une autre équipe.
Ma mère possédait en toute propriété une parcelle de vigne qui pour sur par sa petitesse ne nous permettait pas d’en vivre mais enfin nous avions quand même l’impression d’être propriétaire.
Notre parcelle ou plutôt notre mince lanière se trouvait presque au niveau du hameau du Treuil, cela faisait beaucoup de chemin pour si peu de pieds, mais nous y tenions comme à la prunelle de nos yeux.
La majeure partie des paysans du coin avait un peu de vigne, certains en vivaient mais l’immense majorité non.
Nous faisions souvent fouloir commun et l’on se partageait ensuite les fruits de notre maigre récolte.
Évidemment des négociants vivaient largement du négoce d’eau de vie et les pieds de vigne plantés à tout va remplaçaient les autres cultures.
L’eau de vie était le trésor des Incas pour nous Aunisien.