Dieu merci, enfin je lui fis un garçon le 10 septembre 1833 après un accouchement sans problème, la sage femme m’a dit » c’est normal la voie est faite », vous parlez d’une ânerie, nous avions toutes dans notre entourage des femmes qui, à leur six ou septième avaient des problèmes, perdaient le bébé et la vie.
Léon resta digne jusqu’au baptême après il se vengea en allant nocer, jamais je ne l’avais vu comme cela, plein comme une barrique, il tanguait comme une noix sur la Voulzie, le chemin n’était pas assez large. Il dormit dans la grange en un sommeil peuplé d’une foule de buveurs s’abreuvant à un fleuve de vin en crue.
Moi j’avais dormi presque vingt quatre heures, heureusement Rosalie avait pallié à tout et en vraie mère s’était occupée de ses sœurs.
Louis Nicolas , mon aîné s’appelait Louis aussi c’était d’un pratique. Léon encore une fois n’avait rien voulu savoir et nous aurions deux enfants portant le même prénom, il est vrai que le premier n’était pas son fils et que de toute façon il était parti de la maison.
Rosalie Désirée Ruffier
Depuis quelques temps Léon me regardait bizarrement, d’ailleurs tous les hommes me regardaient maintenant ainsi.
Je n’avais pas trop conscience que je devenais une femme mais un après midi quand elles ont coulé pour la première fois j’ai su malgré mon ignorance que je n’étais plus une petite fille.
J’avais déjà vu maman en ces périodes, pas à prendre avec des pincettes et à toujours s’essuyer sous les cotillons. Ma mère ne croyait pas à toutes ces fadaises d’impuretés, elle continuait de faire ce qu’elle avait à faire. L’église ne s’écroulait pas, la beurre se barattait normalement.
J’étais montée en graine, longue brindille, contrastant avec mon allure de petit pot lorsque j’étais petite fille . Pour être élancée je n’en étais pas moins fournie au niveau de la poitrine, bien moins que l’opulence mammaire de maman mais tout de même. Mes fesses par contre étaient assez plates et Léon en rigolant disait » t’es plate du cul comme la plaine de Brie. »
De quoi il se mêlait ce vieux saligaud, toujours à me lorgner, à tenter de m’apercevoir en chemise, de tenter de me surprendre à la toilette, d’aller faire ses besoins aux même moment que moi. Non vraiment je ne me sentais pas bien en sa présence et instinctivement j’évitais de rester seule avec lui.
Un jour en allant au lavoir, j’osais le dire à maman. La solidarité mère fille ne marcha pas et je me pris une paire de calottes en plein milieu du chemin et devant tout le monde en plus.
« T’as qu’ a pas le provoquer » me dit elle. Facile à dire quand vous avez un mâle qui vous suit comme un chien de chasse et qui est de plus votre beau père.
Heureusement à la maison on parlait déjà de me mettre servante dans une ferme, je ne savais pas les dangers que j’y courais mais du moins je n’aurais pas Léon dans les jambes.
Marie Anne Ruffier
Ma fille m’a avouée qu’elle avait le sentiment que son beau père lui tournait autour. Je crois qu’elle prend ses envies pour des réalités, ce n’est pas parce qu’elle a un peu de poitrine et du duvet sur le bas ventre qu’un homme va s’intéresser à elle. Je lui ai mis une torgnole devant tout le monde cela lui calmera les ardeurs.
Rosalie Désirée Ruffier
Aujourd’hui je suis de corvée à l’étable, je connais ma date de départ à Augers chez les Charbonniers des gros cultivateurs. On me logera, on me nourrira et moi je ferai la domestique de ferme.
Je n’étais pas plutôt installée au cul d’une vache que je vis le Léon entrer, visiblement échauffé par l’alcool. Il me cajola avec la parole, en me disant des grivoiseries, je rougissais et je ne comprenais pas tout. Puis il passa derrière moi et me saisit les seins, j’étais tétanisée et il me fit mal. Cela le faisait rigoler, il me fit tomber et me jeta sur la litière de paille. Je me souviens de son odeur, forte, mêlée de terre, de senteurs animales, de sueur, de crasse d’homme mal lavé. Tout cela se mélangeait à l’âcreté de la fumure des bêtes. Il baissa son pantalon, je n’avais jamais vu d’autre sexe d’homme que celui de mon frère quand il faisait l’imbécile en se tripotant. Sa grosseur me stupéfia et m’apeura, mélange de grotesque et de crainte que ce gros bonhomme la culotte en bas des jambes.
Il se jeta sur moi, je me débattis, mais il était plus fort que moi, l’une de ses grosses mains me ferma la bouche pendant qu’avec l’autre il me soulevait ma robe. Il avait presque partie gagnée, , il m’étouffait, j’étais presque dénudée et je sentais déjà son gros vit s’approcher de ma demoiselle du milieu. Quand d’un seul coup ma mère entra, le Léon cela lui coupa la chique, penaud, idiot, le machin pendouillant. Il reprit rapidement de l’aplomb et déclara que je l’avais attiré dans l’étable, que je m’étais mise toute nue devant lui et que c’était moi qui l’avait déculotté. Quel culot que ses menteries, mais ma mère les crut. Elle entra dans une fureur indescriptible et attrapa une corde qui pendait. Elle m’infligea une correction que jamais je n’oublierai, les coups pleuvaient, la corde pénétrait dans mes chairs, bientôt j’eus le corps d’un flagellant, je me protégeais le visage, c’est mes cuisses qu’elle visait, je me protégeais les cuisses, elle s’acharnait sur le haut de mon corps.
Elle m’eut tuée si Léon prit peut être d’un remord soudain n’arrêta sa main justicière. Ils me ramenèrent à la maison en m’injuriant et en me mettant des coups de pieds. Tout le voisinage bientôt mis au courant applaudissait à la raclée qu’en sacrée garce j’avais méritée.
On me jeta sans manger dans l’appentis puis je passais là une nuit à me lamenter, je pleurais de honte , d’injustice. Ce qui me faisait le plus de mal c’est la réaction de ma mère, qu’elle ne cherche même pas à me croire, qu’elle pense que Léon était blanc comme neige. Un homme de quarante ans avait visiblement plus de poids qu’une gamine de treize ans et personne ne semblait penser que même dans l’éventualité où je l’avais provoqué, il eut pu résister à la tentation.
Nous les jeunes femelles en chaleur nous étions suppôt de Satan.
Le lendemain j’étais conduite à Augers dans ma nouvelle demeure, j’y serai donc domestique mais je l’étais déjà à la maison.
Pour un peu la patronne n’aurait pas voulu de moi, mais elle se promettait de me dresser.
Les femmes ont toujours été les proies des hommes lubriques et de matrones indéfectibles.
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que c est triste ..pauvre petite..personne ne l a crois ..comme quoi rien ne change…..
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J’ attends la suite impatiemment, quels destins pour ces pauvres femmes, le combat n’ est pas terminé, ni ici dans nos pays dits européannisés où des inégalités subsistent, mais ailleurs où des fillettes sont vendues, mariées , battues, ne vont pas à l’ école ..pour elles c’ est encore l’ enfer…
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Comme vous racontez bien ! Bravo
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Bien des années plus tard ,c’était toujours les adultes qui avaient raison ,pas question de se plaindre ….hélas !
Monique
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