Le maire monsieur Raimon se renseigne auprès des communes voisines sur des cas éventuels, Ferrière la commune la plus proche est également touchée mais à un degré moindre, Nuaillé d’Aunis a aussi quelques cas, Saint Jean de Liversay, Courçon, Longèves , la Jarrie aussi mais vraiment en petite quantité.
La Rochelle a aussi de nombreux morts mais proportionnellement à Saint Sauveur ce n’est rien, le curé Fraignaud dit des messes pour préserver sa commune, mais les voies du Seigneur sont impénétrables et ses paroissiens continuent de mourir.
La catastrophe continue sur le mois d’aout on n’en finira jamais, le deux c’est l’apothéose , quatre décès sont déclarés, les médecins n’ont pas dormi de la nuit et le curé non plus.
La faucheuse est de nouveau chez la famille Gordien, c’est encore Emmanuel qui vient déclarer la mort de son beau père René Marchand.
Cela devient vraiment inquiétant et le maire doit mettre à l’ordre du jour du conseil l’achat d’un terrain pour un nouveau cimetière. Les fossoyeurs doivent creuser encore et encore et les ossements des morts anciens sont réunis en ossuaire.
Jean Robert le charpentier est encore touché , la mort frappe à l’huis de sa porte pour emporter sa jeune bru, la maison est affligée, la défunte a de nombreux enfants et des difficultés vont surgir rapidement.
D’autant que la mort ne se décide pas, elle traine encore dans la maison, les enfants sont malades aussi. Le docteur Junin se dévoue corps et âme pour sauver les petits. Mais le cinq aout c’est la petite Léontine qui cède la première. Âgée de 37 jours, privée du sein de sa mère enterrée depuis la veille, elle n’avait pas beaucoup d’atouts pour lutter, en quelques heures, la fragile poupée s’en est allée.
Les morts s’accumulent, s’amoncellent, pour un peu le père Fraigneau devrait faire des enterrements multiples.
Toutes les familles sont attristées par un deuil , mais il faut garder l’espoir, les hameaux sont moins touchés. Les docteurs espèrent toujours que l’épidémie va restée circonscrite sur le bourg.
Mais il est illusoire de croire que cette foutue bactérie ne va pas s’étendre, la Grossonerie à la sortie du village enterre ses premiers morts, plus loin en allant sur l’abbaye de Benon, la Robinière et la Fragnée comptent maintenant des décès.
Mais comme un malheur n’arrive jamais seul, le docteur Potet tombe malade, non pas du choléra mais plutôt d’épuisement, il doit cesser ses fonctions, il est consterné car il sait que la population a besoin de lui, ce sont ses clients, il les connait presque tous et s’en veut de ne pouvoir tenir son poste au plus fort de l’épidémie.
Le docteur Junin vétéran des armées de Napoléon où il exerçait en tant que chirurgien est bien plus vieux mais tient encore.
Chacun fait de son mieux mais l’épidémie n’est plus sous contrôle, aucune mesure ne peut plus endiguer le flot incessant de nouveaux morts.
Le 12 aout le maire insère des feuillets supplémentaires au registre d’état civil, on a jamais vu cela.
Depuis le 9 juillet il n’y a plus eu de mariage, ils sont tous reportés, personne n’a le cœur à faire la fête et il n’est pas recommandé de se regrouper.
Si les mariages disparaissent il n’en est pas de même pour les naissances, le 15 aout nait le petit Pierre Coudrin fils de Pierre et de Suzanne Drappeau.
Le curé se doit de faire le baptême mais il doit le caler entre trois enterrements et une visite chez la marie Principeau qui meure juste après l’extrême onction pratiquement dans ses bras.
Pour entrer dans le saint lieu le cortège doit traverser le cimetière, le champs de repos est bouleversé et on a l’impression qu’il a été labouré par d’immenses taupes. Les mines sont grises, les visages défaits, on s’inquiète bien évidemment sur les chances de survie d’un nourrisson dans de telles conditions.
Le curé a une dramatique expérience du choléra car il desservait autrefois la paroisse de la Couarde et il dut faire fasse à la terrible épidémie de choléra de 1832. Il se serait bien passé de cette méchante résurgence.
C’est donc dans cette ambiance mortifère qu’il fit entrer le fils Coudrin dans la famille chrétienne, au moins si le petit meurt il ne sera pas soumis aux affres des limbes.
A ce stade l’épidémie a déjà fait 59 morts et a touché la majeure partie de la population. Certains ont survécu d’autres non, c’est comme cela. C’est aussi comme cela que le docteur Potet épuisé doit jeter l’éponge. Ce n’est pas de gaité de cœur mais si il veut vivre il se doit de se reposer.
Le docteur Junin déjà âgé peine à remplir sa tâche et va certainement succomber si l’épidémie persiste.
L’heureuse solution vint de la ville de la Rochelle en la personne du docteur Pros. Jeune médecin gendre de l’adjoint au maire de la Rochelle monsieur Marquet, il n’hésite pas à quitter son domicile de la rue Gargoulleau pour venir braver le danger.
Il emmène avec lui également deux sœurs de la charité enlevées à l’hôpital général de la ville.
Dès lors ce secours providentiel va œuvrer pour le bien de tous, se démultipliant en portant leurs soins aux moribonds, en enseignant les gestes de prophylaxie élémentaire et en soulageant les familles qui doivent assurer aussi les travaux d’été
Le dix huit aout François Petit vient déclarer le décès de sa femme Magdeleine Vincent, il est désespéré de la voir partir à l’age si peu avancé de 34 ans mais de plus il est mort d’inquiétude car son fils Gabriel est également malade, l’une des sœurs de la charité le veille en permanence mais le petit s’affaiblit.
François qui a déjà perdu son fils René âgé de 3 ans il y a quelques jours, ne croit pas pouvoir surmonter cette dernière épreuve. Il faut pourtant qu’il s’y résolve car Gabriel 18 mois ne peut rien contre le choléra.
Désespoir supplémentaire il n’y a plus de place autour de la tombe de sa femme et de son premier fils il faudra donc l’inhumer le petiot loin de sa famille presque le long des murs sombres de l’église.
François eut préféré une place au soleil afin que son bébé n’ait moins froid.
CHOLERA MORBUS, Épisode 1, l’épidémie se déclare à Saint Sauveur d’Aunis
LE CHOLERA MORBUS, Épisode 2, l’épidémie se propage rapidement