LA VIE TUMULTUEUSE DE VICTORINE TONDU, épisode 25, prise la main dans le sac

Un peu après je me rendis compte avec surprise que Charles buvait beaucoup moins, était il devenu raisonnable?  Par contre il était toujours aussi peu présent, je ne m’inquiétais pas outre mesure car il travaillait comme un forçat à sa chaîne pour que les enfants puissent avoir le nécessaire.

Mais un jour à l’embauche je perçus sur le visage d’une jeune vachère l’esquisse d’un sourire moqueur. Mes sens de femme en éveil je me promis de faire attention. Je découvris le pot aux roses ou plutôt on me le fit découvrir. C’est ma petite nièce Eugénie qui me révéla que le Charles folâtrait avec une servante de ferme. Les bras m’en tombèrent , que faire m’en prendre à ma rivale ou à mon traître de mari? Pour sur je n’allais pas passer sous silence cette trahison, en faisant abstraction que j’avais déjà fauté moi même.

Le soir ce fut une belle fête, je gueulais, tempêtais, trépignais, menaçais, pleurais, me jurais d’aller trucider cette jeune salope et à lui de lui couper les c…

Le Charles tête basse repenti, n’en menait pas large et pliait comme un roseau du Morin. Il finit par partir mais je savais qu’il reviendrait .

Le matin sa place était vide, j’envoyais les garçons pour le chercher, ils le trouvèrent à l’ouvrage comme chaque jour, il revint le soir on n’en parla plus mais je me jurais que je lui rendrais la pareille avec bon qui me semblerait, quand à sa pouffiasse je me fis serment de lui faire bouffer son jupon qu’elle levait trop facilement devant les pères de famille.

Évidemment je ne tenais plus la comparaison avec cette jeune fringante mais est ce une raison?

Finalement les choses rentrèrent dans l’ordre, Charles ne revit plus la jeunette du moins je crois et moi je fis montre de clémence.

En 1880 mon premier né Auguste dut tirer au sort, oh ce n’était plus comme au temps de nos grands parents où la chance vous permettait d’être exempté, depuis 1872 chacun partait mais le tirage décidait de la durée, de cinq ans à six mois. Pour sur ce n’était pas la même chose.

Tirage au sort, conseil de révision et une beuverie, mon fils est rentré à l’aube en faisant un bruit pas possible.

Il reçut sa feuille de route quelques semaines plus tard, affectation cinquième section des commis et ouvriers, casernement Orléans. Pas vraiment une affectation guerrière mais bon pour qu’une armée marche il fallait bien une intendance.

Mon Auguste cela ne l’arrangeait pas car il avait rencontré une jeune fille du hameau, complètement fou amoureux de cette fille aux mains blanches. Cette gamine n’était pas une paysanne et jouait les élégantes, couturière de métier, il est vrai qu’elle portait des jolis habits. Elle était en outre jolie et tous les gars lui tournaient autour. Allez savoir pourquoi la beauté choisit notre Auguste.

Le père était gendarme à cheval à Coulommiers, d’origine Alsacienne il avait un drôle d’accent. Mon mari disait qu’il ne voulait pas de boche dans la famille, alors il fit un peu la tête. Mais bon, même si Auguste devait avoir l’assentiment de son père pour se marier, il pouvait aussi s’en passer.

Le mariage fut prévu en juin , Auguste devait partir en fin d’année.

Maintenant il est temps de vous conter ma nouvelle mésaventure.

Début mars 1880, je passais devant une boutique de vêtements rue du faubourg de Melun, moi qui n’était pas coquette je m’arrêtais pourtant devant un joli corsage plein de dentelles. Je n’avais pas le premier franc pour l’acheter alors un coup de folie je l’attrapais et le fourrais sous mon corsage.

Pour sur ce n’était pas malin et je n’étais visiblement pas très douée, l’employée du magasin me vit et hurla . Je détalais rapidement, tout le monde criait à la voleuse, je fus rapidement arrêtée, ceinturée et ramenée de force dans la boutique. On me força à rendre le corsage mais on voulut vérifier si je n’avait rien pris d’autre, le propriétaire voulait me mettre à poil et me filer une correction, sa femme opta pour la police.

Je fus conduite derechef au poste de police et je traversais tout Coulommiers les mains liées avec des menottes. Le honte s’abattit sur moi, mon dieu qu’avais je fait ?

Ce ne fut pas long le 2 mars je me prenais quinze jours de prison, mais fini la gloriole de ma première incarcération ou j’avais défié l’autorité. Maintenant je n’étais qu’un simple voleuse de rue.

Je me retrouvais de nouveau le cul à l’air pour la fouille ignominieuse et fut ensuite jetée dans une cellule. Elle était encore plus sinistre que la première, sale, puante, graffitée d’obscénité.

Cette fois pas de putain mais une pauvre femme à moitié démente qui râlait en permanence blottie dans un coin, c’était terrifiant. Je n’étais pas la seule voleuse, une mère de famille qui avait volé un pain et une autre qui avait chipé des fruits dans un verger. La justice était dure avec les femmes et le vol n’était pas très bien vu. Mieux valait être un homme, eussiez vous tripoté une gamine que vous n’auriez pas été condamné plus que nous avec nos fruits, notre pain et notre corsage.

Bon je me suis morfondue, la crasse, la soupe dégueulassasse, la folle de la cellule, mes menstrues au mauvais moment, la corvée de tinette rien  qui ne soit pire que la pensée de ma sortie.

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