LA VIE TUMULTUEUSE DE VICTORINE TONDU, épisode 23, la prison

En juin 1876 je me suis rendue sur le marché de Coulommiers pour y vendre des œufs et quelques légumes, nous étions nombreuses à faire cela et le mercredi jour du marché les chemins qui menaient à la ville étaient fort empruntés.

Je m’installais au même endroit que d’habitude et j’attendis le client, le premier à se présenter fut le placier, car vous vous doutez bien que les emplacements n’étaient pas gratuits. Je n’avais nullement l’intention de ne pas payer mais voilà je n’avais encore rien vendu et je n’avais pas un sou vaillant. Il me demanda de partir et je lui répondis qu’il n’en était pas question, le ton monta et les femmes prirent mon parti. Il menaça de me verbaliser, alors évidemment je dus céder, mais en partant je ne sais ce qui m’a pris j’ai remonté mon jupon et je lui ai montré mon cul. Une belle tranche de rigolade pour l’assemblée, les femmes applaudissaient et les hommes sifflaient, un beau tumulte. L’homme avait la loi pour lui je me retrouvais bientôt au poste. Je faisais moins la fière et l’on m’avertit que j’allais être poursuivie pour outrage à agent administratif et que je passerais en correctionnelle le lendemain.

Je m’apprêtais à passer une première nuit en cellule, lorsque la femme du concierge du tribunal entra pour vérifier si je n’avais rien de dangereux sur moi. Elle me demanda de lever les bras et fit courir ses mains sur tout le haut de mon corps. Je sentais bien qu’elle éprouvait du plaisir à faire cela s’attardant sur ma poitrine. Je dus ensuite remonter ma robe pour lui prouver que je n’avais rien de caché sous mon jupon. Je lui dis, tu veux quand même pas que je me foute à poil, elle me répondit d’un air menaçant on verra cela plus tard ma belle, on verra cela plus tard.

Le lendemain j’avais pas très bonne mine, pas peignée, sale, la tête de quelqu’un qui n’avait pas fermé l’œil de la nuit.

Dans la salle je cherchais désespérément l’un des miens, mais personne. On m’appela à la barre, Victorine Tondu femme Trameau née le 11 mai 1840 à Lizines département de Seine et Marne, je répondis un oui mal assuré.

Les faits sont les faits, j’avais tort et cela ne fut pas long, huit jours de prison plus le paiement des frais de justice. Le coup fut très dur et je me mis à pleurer, j’avais deux filles aux seins qui allait les nourrir?

Je me retrouvais de nouveau face à la femme du gardien de prison, elle avait un grand sourire, fouille à corps qu’elle me dit, déshabillez vous entièrement. Je tentais bien de refuser mais quand elle fit mine d’en appeler à la garde j’obtempérais aux ordres. Je n’étais pas pudique mais là c’était vraiment humiliant, nue comme un vers mes habits en tas à mes pieds. Cela ne s’arrêta pas là car de ses doigts sales elle fouilla aussi mes deux intimités. Elle me fit mal et j’étais couverte de honte.

On me jeta dans une cellule infâme déjà occupée par plusieurs femmes, la pièce était étroite, assez haute éclairée seulement par une haute fenêtre grillagée. Plusieurs paillasses sur des lits à étage, formaient le seul mobilier. Dans un coin un baquet avec une planche, une grosse femme sans plus de gêne y faisait ses besoins, l’odeur épouvantable ne semblait guère l’incommoder, elle continuait de converser avec une qui semblait son amie. Ces deux n’étaient point des saintes femmes, condamnées pour racolage sur la voie publique elles parlaient un langage cru et imagé, encore vêtues des atours de leur spécialité, robe de couleur criarde, corsage qui ne retenait guère leur opulente poitrine,jupon froufrouteux et bas noirs.

L’une était grosse l’autre maigre, l’une était jeune l’autre beaucoup plus vieille, elles auraient pu être mère et fille.

Comme je m’asseyais sur une paillasse libre la grosse aboya qu’elle ne voulait pas de moi à cet endroit. Je ne bougeais pas, elle extirpa son cul du baquet et vint me souffler au visage qu’en prison une hiérarchie existait et qu’il fallait s’y contraindre. Je ne voulais surtout pas déclencher une esclandre et je pris un autre lit qui malheureusement était à proximité des lieux d’aisance.

Une vieille femme, petite , ratatiné comme une poire séchée, vêtue à l’ancienne de noir, bouche édentée, peau parcheminée, mains enfantines mais tordues et flétries par des décennies de vilains labeurs. Elle semblait terrorisée par les deux mégères tarifées. Elle avait été arrêtée pour mendicité, la pauvreté était un délit sous notre belle république naissante.

Face à mon grabat une paysanne, visage rougeaud, cheveux en bataille, poitrine nourricière tombante, mains abîmées, robe terreuse, bas crottés et malheureusement un tablier ensanglanté.

La pauvresse en attente de transfèrement avait entaillé sévèrement son mari. Ce dernier, salopard patenté la battait comme plâtre et la trompait effrontément. Ce n’était que justice mais hélas ce n’était pas la justice. Elle risquait gros, peut être la peine capitale. Nous avec nos délits mineurs nous faisions office de farceuses.

C’est dans cet univers que je dus passer mes quelques jours, je restais à rien faire sur mon lit, je rêvassais mais aussi me tracassais pour mes petites. Qui allait les nourrir, comment Charles allait il faire et puis à ma sortie comment réagirait il, autant de questions sans réponses. La pitance était horrible mais bon quand on a faim. Le plus dur pour moi fut ces fameuses tinettes, chier en société n’avait jamais été mon rêve mais la nature vous pousse à certains avilissements. Finalement les deux putes devinrent mes amies, elles me faisaient rigoler et aussi un peu fantasmer en me racontant leurs pérégrinations professionnelles. Pour un peu elles me recrutaient. La pauvre grand mère restait désespérément silencieuse et la meurtrière guère causante.

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