LA VIE TUMULTUEUSE DE VICTORINE TONDU, épisode 13, la trouble tentation

Nous avions déménagé et logions dans un appartement rue du faubourg de Melun lorsque mes premières douleurs arrivèrent.

Charles courra prévenir Elisabeth, cette dernière bien que fâchée après moi vint m’assister, la sage femme présente me rassura, l’enfant était bien placé et aucun problème n’était en vue. De fait le petit Victor nous arriva. Un beau petit en vérité, mais comme pour les deux autres cela me laissa sans joie particulière. Encore une bouche à nourrir et avec trois petits j’étais bloquée à la maison. Nous n’avions pas nos parents à proximité et pour cause ma mère vivait avec mon frère aux portes de Paris et la mère de Charles toujours à Coubert. Non ma seule aide venait d’Elisabeth ma belle sœur mais elle avait cinq enfants à s’occuper alors vous pensez bien qu’elle ne faisait que ce qu’elle pouvait.

D’autant qu’elle portait le deuil de sa petite fille et que sa peine incommensurable rejaillissait sur son quotidien.

Donc je me retrouvais avec mes trois petits dans mon nouveau logement, c’était un appartement situé au dernier étage d’un petit bâtiment en comportant deux, on passait sous une porte cochère qui donnait sur une cour, où se trouvait un atelier de typographie et inévitablement les latrines.

Nous avions deux pièces,l’une pour les enfants et l’autre ou tout se passait. Dès que je pus sortir, la cour fut mon univers, en haut j’étouffais.

Charles partait pour des journées de quatorze heures alors j’étais bien seule, car la compagnie de mes mouflets n’en n’était point une.

Charles et Auguste gambadaient partout et je les retrouvais souvent à l’atelier du bas. Soyons franche j’aimais aller les récupérer car un ouvrier me faisait une cour assez prononcée.

Ce n’était pas qu’il soit très beau mais il émanait en lui une tranquillité, une douceur et un vif intérêt pour moi. Il ne se passa rien pour l’instant mais comme on dit, le ver et dans le fruit.

Charles était toujours aussi méchant quand il rentrait me reprochant toujours la même chose et surtout ne me pardonnant pas d’avoir voulu me supprimer.

Les choses se stabilisèrent un peu, mon mari n’était pas souvent à la maison et le soir pour avoir la paix je connaissais mon métier de femme.

Le dimanche moi j’allais encore à la messe avec Élisabeth, nous étions accompagnées des enfants mais pas des deux frères Trameau qui eux allaient au cabaret jouer aux cartes. Ensuite nous mangions ensemble, j’aimais ces moments, aux beaux jours nous installions une table dans la cour et chacun s’y installait, l’un des ouvriers de l’imprimerie avait un accordéon et au bout d’un moment nous virevoltions sur les pavés. Les hommes buvaient beaucoup et l’ambiance était bien chaude. Puis le soir, avec Charles et les petits on raccompagnait la famille jusqu’à Mont Plaisir, ainsi se passait le dimanche. Un dimanche soir Charles piqua une crise car il estimait que j’avais trop dansé, il était rond comme une queue de pelle et la querelle s’envenima.

Encore et toujours ces foutues problèmes d’argent, avec ma progéniture je ne pouvais pas faire grand chose, un peu de linge, du ménage et quelques menus travaux dans une petite ferme. Je me serais bien vu nourrice, mais la vétusté de mon chez moi et ma tenue qui sentait bon la pauvresse n’engageait personne à me confier leurs enfants

Charles et Prosper il est vrai se tuaient au travail, une longue marche pour se rendre dans les fermes et une journée de travail interminable. Les deux frères étaient différents, l’un rentrait directement et déversait son argent dans le tablier de sa femme et l’autre le donnait à pleine brassée à cette catin de Véronique Profit la femme de l’aubergiste. Cette espèce de maquerelle s’y entendait pour faire boire les hommes, un sourire, deux trois paroles graveleuses et sa poitrine généreuse qu’elle ne cachait guère suffisaient à faire disparaître les gages de ces humbles qui venaient pour oublier leur fatigue et leur misère.

Ernest le typographe me racontait que les ouvriers devraient s’unir avec les paysans pour se révolter et demander plus d’argent et moins de travail. Il lisait un journal qui apparemment pouvait le conduire en prison.

Notre empereur n’aimait guère l’opposition et le développement de la France ne pouvait être sacrifié à l’autel de revendication de prolétaires.

Donc vous l’aurez compris le Ernest, menteur, hâbleur, beau parleur, bon danseur me fascinait et me permettait de m’envoler vers d’autres infinis.

Puis un jour, le hasard ou pas fit qu’en me rendant à ces fameuses latrines de fond de cours je me trouvais nez à nez avec mon ouvrier, il me demanda si je voulais visiter l’atelier, il était seul , les autres étaient partis. Moi le petit dernier dormait et Charles et Émile jouaient avec une portée de petits chats.

Avais je conscience de franchir un interdit je ne sais, mais la visite prit tout de suite un caractère intime, peu m’intéressait les caractères d’imprimerie, j’étais prise dans ses rets. Il me prit par la taille et m’embrassa, mon dieu quel bonheur, mon corps entier frissonnait et il me sembla qu’une chaude humidité inondait mon intimité. Le long de mon ventre je sentais sa verte puissance. J’aurais pu me laisser prendre là sur la table mais un sursaut de bonne conscience me fit m’échapper et rejoindre mes petits.

Le soir un autre homme me prit, c’était le mien, pendant son étreinte je m’évadais et pensait à Ernest, c’est lui qui me pénétrait, c’est lui qui bougeait en moi et c’est lui qui me fit jouir. Charles fut surpris de tant d’amour et content s’endormit en s’attribuant le mérite de mon bonheur.

Les opportunités de m’isoler avec mon typographe se firent rares et ce dernier dut partir sur Paris quelques temps afin d’y rencontrer des étrangers qui pensaient comme lui.

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