Nous étions presque organisés lorsque un événement imprévu vint troubler la quiétude de la maison, mon beau père commença à se plaindre de maux de ventre, on ne put rien faire pour le soulager il entra en agonie et la pièce où il reposait se trouva pleine de tous les enfants venus lui porter hommage et l’assister dans son départ. Le 19 avril 1859 le morvandiau mourut, au fond de lui même il aurait voulu retourner à Dun les Places pour être inhumé avec ses parents mais bon il n’était point roi que l’on puisse déplacer son corps.
Je fis ma première toilette des morts avec mes belles sœurs, j’appréhendais de déshabiller mon beau père et de laver son corps nu, mais curieusement cela ne me fit pas plus d’effet que si j’avais récuré un vieux plancher. N’allez pas croire que je sois insensible mais je n’aimais guère ce vieux bonhomme toujours gueulant, pas très propre et qui voulait régner en maitre sur sa famille comme un bourgeois sur sa domesticité.
Le lendemain et oui il ne fallait pas traîner car il faisait déjà un peu chaud le corps de feu mon beau père, premier Trameau à mourir en Seine et Marne fut conduit en terre d’Argentières.
Pour qui sonne le glas la famille éclata. On déménagea à Guignes et la veuve partit sur Coubert avec Germain et Félicité.
A Guignes il y avait l’ensemble de la fratrie et c’est avec plaisir que j’emménageais à coté de chez Prosper au hameau de Vitry. Ces quelques mois que j’allais passer seule avec mon mari seront uniques, d’abord je lui annonçais qu’il allait être père, il fut content mais sans plus, je crois que ce qui le préoccupait c’est qu’il n’allait plus pouvoir me toucher. Elisabeth m’expliqua la position à prendre pour le faire encore un peu, Jean Charles fut surpris de cette incongruité portant un nom de chien mais mesura tous les charmes qu’il pouvait en tirer et apprécia mes courbures sous un autre angle visuel. Je crois même qu’il y prit goût. Le 17 septembre 1859, je commençais un long travail, j’étais entourée, Honorine, Virginie, Élisabeth et Victoire et pour sûr la sage femme ne me quittèrent pas d’un moment. J’ai souffert, hurlé, pleuré, poussé et enfin fut délivrée en un terrible et dernier effort, un garçon rond comme un petit pois, rouge et flétri comme une vieille pomme me glissa entre les jambes.
L’enfant fut promptement lavé et emmailloté et moi heureuse je dormis comme une bien aimée.
A mon réveil, le fruit de mon corps se nommait Jean Charles, je ne fus pas très satisfaite car je voulais le prénommé Victor. Je me rappelais les conseils de ma belle mère et gardais mes forces pour d’autres luttes.
Je sus tout de suite que je ne serais pas une mère bien aimante, je ne ressentais pas le grand frisson de l’amour en prenant dans mes bras ce braillard morveux et puant. De plus ce carnassier dévorait à pleine bouche ma belle poitrine de vingt ans, goulu je devais sans cesse livrer à la vue mes opulentes mamelles, le spectacle était bien joli, Élisabeth et moi assises sur le pas de la porte de concert et en bavardant nous comparions les dégâts occasionnés par les petite bouches dévastatrices.
N’allez pas croire que je fus une mauvaise mère, non je faisais simplement cela comme un devoir, une obligation.
La vie des hommes était je pense plus simple que celle de nous autres, les femmes,nous avions notre journée ménagère, notre journée de mère, notre journée de travailleuse et notre journée de femme.
Vous parlez d’un emploi du temps, moi je ne fus parfaite dans aucune.
La situation n’était pas très bonne pour l’emploi dans la région de Guignes et un soir Jean Charles m’annonça qu’il avait trouvé à ce gager pour un salaire nettement supérieur à l’actuel, je m’en réjouissais car même si on s’habitue à la précarité, la perspective de vivre mieux m’enchanta immédiatement.
Nous allions partir sur la ville de Coulommiers au nord est du département, enfin je retournais dans une ville.
Ce soir là mon grand dadais de mari eut le droit au grand jeux tant j’étais heureuse de quitter cette plaine sinistre.
J’étais nue sur le lit, sa tête reposant sur ma poitrine, nous étions exténués d’amour et en cet instant j’eus l’impression de frôler le bonheur. Quelques maisons plus loin Prosper qui avait accepté le même emploi n’eut pas les même prévenances de la part d’Élisabeth. Elle ne voulait pas partir, se trouvait bien ici au milieu de sa famille, ils s’engueulèrent copieusement et au lit elle se tourna résolue à faire la grève de l’amour.
Les deux frères partirent en repérage, et revinrent quelques jours plus tard très satisfaits d’eux même.
Il était temps de faire les adieux, d’ailleurs de mon coté, ma mère et mon frère avaient quitté la région pour s’installer à Villeneuve Saint Georges près de Paris. Maman avait choisi de vivre amante et de suivre de loin les déplacements de celui qui prenait son corps mais pas sa vie. Mon frère bénéficia, il est vrai de cette conjoncture et eut la possibilité de devenir tonnelier pour son propre compte, comme une sorte d’appui occulte.
Sans pour l’instant être très loin l’un de l’autre la tribu Trameau dès lors se dispersa, Coubert, Guignes, Quiers, Coulommiers, Fontenay en Brie, Rosay en Brie. Mon mari ne savait pas qu’il ne reverrait plus certains d’entre eux.
Merci recit toujours aussi passionnant.
J’aimeJ’aime
bonjour..votre recit me passionne enormement…etant passionnee de recherches et de genealogie j ai trouvee cette petite Victorine Tondu sur geneanet …j attend la suite avec impatience.
J’aimeJ’aime
Quel plaisir de lire les nouvelles de Victorine ! Merci beaucoup pour vos recherches !
J’aimeJ’aime
Toujours un plaisir de suivre les aventures de vos personnages.
J’aimeJ’aime