Brinquebalés sur notre charrette nous arrivâmes, mon dieu quelle déception, Mormant était un gros bourg rural, rien n’y était intéressant , des maisons briardes en pierres meulières, des toits faits de petites tuiles carrées rouges. Subsistaient mêmes quelques maisons à toit de chaume qui appartenant à un passé révolu. Les tas de fumiers se trouvaient encore sur le pas des portes, les cochons et les volailles y vagabondaient sans vergogne. L’église était toutefois très belle mais sans commune mesure avec Saint Ayoul. J’avais aperçu en arrivant un château qui s’avéra se nommer les Bisseaux, peut être y verrais je de beaux cavaliers.
En attendant nous logeâmes rue de Paris, toujours pas trace de l’amant pour qui nous déménagions. Ma mère ne s’attarda pas sur ce sujet scabreux, son amoureux était marié et à part quelques joutes, ne lui avait d’ailleurs rien promis.
Je passerais sur notre habitat qui n’était pas mieux ni plus mal que celui de notre vétuste appartement Provinois. Seul l’environnement changeait, la route qui menait à la capitale passait devant nos fenêtres. Des charrettes passaient sans cesse pour ravitailler la grande ville, des diligences amenaient des voyageurs et au relais changeaient de chevaux. La malle poste en un éclair toujours pressée filait le long de la voie royale et des convois de militaires transitaient par le village.
Moi attirée par l’aventure je baillais d’aise en voyant toute cette transhumance, je me voyais emmener en croupe par un cavalier et oui je n’étais pas guérie et je serais bien montée au hasard sur une voiture qui m’aurait mener dans les méandres de Paris.
Je trouvais bientôt à travailler comme lingère, mais le ru d’Avon n’était pas la Voulzie et l’ambiance chatoyante des gouailleuses Provinoises me manqua rapidement.
Maman se loua dans les fermes et se donna à son amant marié, elle prenait des risques conséquents car la société n’était point tendre avec les voleuses de mari, lui ma fois si il ne fautait pas au domicile conjugal ne risquait qu’une dispute avec sa légitime. Ma mère risquait l’opprobre et la prison d’autant que Mormant n’avait pas le caractère intime de la grande ville. Tout se savait et tout se voyait.
Mon frère se fit donc tonnelier, il aimait cela et devint rapidement très doué il se promettait de devenir patron pour que nous les femmes nous n’ayons plus à travailler, quelle belle attention mais en attendant il nous fallait trimer.
Moi je ne voulais pas devenir paysanne, l’odeur des animaux me répugnait et le travail de la terre ne me fascinait pas plus. Le métier de lingère me convenait parfaitement, mais il me fallut déchanter à Mormant les paysannes lavaient leur linge et les clients ne se bousculaient pas. Je fus donc obligée de devenir comme les autres une domestique de ferme.
J’espérais simplement qu’une opportunité se ferait un jour et que je partirais à la ville, que je fusse accompagnée ou pas.
Je rêvais donc au prince charmant mais je n’étais guère entourée que de frustres paysans ou de voyageur pressés qui remontaient sur Paris. Il fallait pourtant que je me trouve un galant pour effacer le souvenir de ma défloration par trop décevante. Les fêtes ne manquaient guère et nous n ‘hésitions pas à marcher de longues heures pour aller danser, Guignes, Courpalay, Grandpuits étaient nos annexes dans la recherche du plaisir.
Maman qui avait fort à faire avec ses amours cachés me fichait une paix royale, j’avais dix sept ans et j’étais plus libre que l’air.
Imprudemment je butinais, j’embrassais les garçons à bouche que veux tu, je les aguichais et les provoquais. Un jour en revenant du hameau de Lady un garçon que j’avais chauffé au cours d’une danse me rattrapa, lui aussi ne fit guère preuve de tendresse mais visiblement il manquait d’expérience et sa précipitation juvénile lui fit manquer son objectif et tacher mon jupon. Contrit il me donna rendez vous pour le dimanche suivant en me jurant une meilleure contenance. La semaine suivante c’est un autre qui me fit tournoyer. N’allez pas croire que je me donnais facilement, contrairement à la réputation que je commençais à avoir. Non ce fut un valet du château qui m’initia aux joies et aux subtilités amoureuses. Confiante je me donnais à lui et je devins sa chose. Il me promettait monts et merveilles et surtout de me sortir de ma condition.
Vous parlez à force d’abuser des bonnes choses je me retrouvais avec un diablotin dans le ventre. Orpheline de père, fille d’une journalière adultère, âgée de dix sept ans enceinte d’un valet de ferme sans le sou vous parlez d’un changement de conditions. Je fus obligée de le dire à ma mère, et nous ne sûmes quoi faire, heureusement dame nature fit bien les choses, la graine mal accrochée tomba je fis une fausse couche. Cela me calma un peu et je me dis que le prochain devrait être mon mari.