LA VIE TUMULTUEUSE DE VICTORINE TONDU, Épisode 5, la blanchisseuse de la Voulzie

J’avais quoi quinze, seize ans, pas plus, lorsque je commençais mais je ne me plaignais pas d’autres travaillaient bien plus jeunes.

Avant de rincer dans la rivière il nous fallait bien le laver ce linge. Le travail était rude, le linge mouillé pesait lourd et la chaleur des cuviers l’été était  presque insupportable.

Nous allions chercher le linge chez les clients, dans des paniers ou des brouettes, j’aimais faire cela, nous étions au contact de différentes personnes, des bourgeois, des gros artisans et beaucoup de militaires. Moi avec ma jeunesse et mon jeune corps j’affolais les beaux messieurs et les tas de vêtements que je ramenais, étaient sans doute proportionnels à la rondeur de ma poitrine.

Le groupe de femme avec qui je travaillais,formait comme une communauté, une forte solidarité mais aussi une jalousie larvée entre certaines. Les engueulades étaient fréquentes et les crêpages de chignon aussi, une forte femme aux hanches démesurées, au cul proéminent et aux seins énormes faisait régner une sorte de terreur, elle voulait le meilleur emplacement et le linge le moins sale. Son langage imagé faisait rougir un charretier et chaque bonhomme qui passait dans la rue de l’autre coté de la rivière en prenait pour son grade. Nous savions nous que cette forte femelle qui tenait le pavé dans nos lavoirs se prenait des volées mémorables par son mari, un petit colporteur qui heureusement pour elle partait souvent pour vendre sa marchandise. Ses retours d’ailleurs outre les horions sur la face rougeaude de la mégère se marquaient d’une nouvelle grossesse.

Ce fut face à cette furie que je forgeais mon caractère, la première fois que je m’opposais à elle j’avais bien failli me retrouver le cul à l’air au milieu de toutes pour une fessée au battoir mais devant mon air résolu elle avait reculé en ricanant. Une autre fois elle avait tenté de me foutre à l’eau,mais une coalition de nouvelles l’en avait empêchée.

Peu à peu je pris ma place et elle me laissa enfin tranquille reportant sa haine sur une plus jeune et plus fragile que moi.

J’étais donc parfaitement heureuse dans ma jolie ville de Provins, ce que je gagnais en temps que lingère je le donnais à maman, ainsi le spectre de la misère s’éloignait un peu. Certes nous étions encore de pauvres hères car ma mère n’était pas forcément employée tous les jours surtout à la mauvaise saison. Mais un beau jour un événement modifia le cours des choses.

Il faisait beau ce jour là et avec mon panier je ramenais le linge chez une riche propriétaire du clos Notre Dame. Elle me fit entrer, tout respirait l’aisance, de beaux meubles, des miroirs, de doux tapis mais surtout de la lumière qui pénétrait par de vastes ouvertures, contraste évident entre mon taudis et ce beau palais. La brave dame pour faire œuvre de charité me donna une de ses vieilles robes. Pour elle rebut mais pour moi nippe de reine je reçus ce présent avec un bonheur non dissimulé.

Je repartais donc chez moi presque en courant pour montrer ma merveille à maman.

Ce n’était pas très loin, je montais les escaliers quatre à quatre et je pénétrais chez moi.

Mes yeux ne mirent que quelques minutes à visualiser la scène et mon cerveau mit je crois encore moins de temps pour comprendre.

Sur une chaise pendait négligemment un pantalon qui n’était pas celui de Victor, au sol une robe et un jupon froissé.

Sur le lit ma mère entièrement nue les jambes relevées muette de surprise. Un homme d’un age certain en chemise mais les fesses libres de tous oripeaux la besognait sans se rendre compte de ma présence. Elle le repoussa et le pauvre me vit enfin, mes yeux furent témoin de sa piteuse débandade. Il attrapa son pantalon pour couvrir sa nudité, mais moi j’avais déjà filé abandonnant ma belle robe que je me faisais plaisir à montrer.

De rage je montais à la ville haute pour y ruminer ma haine, la montée du trou au chat me calma un peu et à la porte de Jouy je m’asseyais et réfléchissais.

Ma mère recevait chez nous un homme, la question que me taraudait l’esprit, était ce une relation tarifée pour nous nourrir et nous vêtir où bien une relation normale avec un homme. Maman n’ayant d’ailleurs que trente neuf ans il était peut être normal qu’elle pratique ce genre d’activité.

Mais pourquoi ne s’était elle jamais remariée, la pratique était courante et elle était toute jeune lors de la mort de papa. Cela nous aurait épargné sans doute la honte de l’indigence et l’ignominie de se laisser prendre par quelques soudards en sabot qui toutes hontes bues laissaient qu’une maigre obole sur le ventre souillé de la jeune veuve.

Il faudrait bien qu’un jour elle m’explique ces choix mais bon je n’étais pas sensée savoir ces choses et une fille ne discutait pas de cela avec sa mère.

Le soir elle nous expliqua qu’elle voyait un homme depuis quelques temps, cela je le savais mais mon frère tomba des nues, qu’allait il se passer.

En fait rien, jamais plus je ne revis le bonhomme et de toutes façons je n’aurais pu le reconnaître car il faut le dire je n’avais eu d’yeux que pour son postérieur blanc et ses affûtiaux.

En fait il s’avéra que ma mère continua à le fréquenter, ils se firent simplement plus discrets ce qui vous vous doutez bien affectera ma vie.

Nous n’en n’étions pas là et moi je me disais naïvement que puisque ma mère le faisait il serait plaisant que moi aussi je me livre à ce genre d’activité.

Voila seulement nous étions sous le règne d’une société dominée par les mâles et une jeune fille ne devait pas se livrer à un quelconque début de rapprochement avec un homme.

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