LE TRÉSOR DES VENDÉENS, Épisode 104 , Épilogue

EPILOGUE

Victoire Cloutour,

Lorsque Jean Marie commença ses tractations pour s’exiler en Charente je ne croyais pas trop à la réussite d’un tel projet. Je n’en voyais d’ailleurs pas l’intérêt, certes la Cossonnière avait du mal à nourrir notre famille, et le propriétaire parlait de se séparer de ses terres.

Nous aurions aimé lui racheter mais nous n’avions aucun fond disponible, entre vouloir et pouvoir il y avait un pas que beaucoup de paysans ne purent franchir. Certains plus malins s’en doute réussirent à bénéficier de la baisse du prix des terres agricoles, nous non.

Il faut dire aussi que Barthélémy n’était point trop accommodant avec ses deux fils, les engueulades se succédaient entre eux, pour tout et pour rien, opposition classique entre les vieux et les jeunes. Cela pesa sûrement dans la balance, mais de toutes façons Jean Marie depuis qu’il était revenu de la guerre il n’était vraiment plus le même.

Enfin moi je me trainais depuis quelques temps, la vieillesse si elle apporte la sérénité à quand même le désavantage de nous apporter la décrépitude physique, le seau d’eau se fait plus lourd, les bûches de bois deviennent impossible à déplacer. Vos pauvres mains sont toutes justes bonnes à écosser les mogettes, même les noix vous résistent. Ernestine et Rosela mes belles filles pourtant toutes les deux gentilles commençaient à me considérer comme un poids. Mon Barthélémy n’était plus guère vaillant en rien et ne me touchait plus depuis longtemps, remarquez moi à mon age cela m’arrangeait plutôt.

Puis fin juillet 1927 je m’écroulais sur une botte de paille pour ne plus me relever.

Victoire Cloutour, mourut le 31 juillet 1927 à la Cossonnière commune de la Chapelle Achard

Barthélémy Proux ,

Après le départ de ma Victoire ce fut très dur mais le travail ne manquait pas et je m’y plongeait . Je continuais à suer sang et eau sur les terres de la Cossonnière. Comme prévu Jean Marie nous avait abandonné, j’avais bien tenté de l’en dissuadé mais rien n’y fit . Il me restait mon fils Alexandre et on s’évertua à faire tourner l’exploitation ensemble. On n’eut pas le bonheur de racheter les terres et on resta donc métayers, j’aurais aimé léguer une belle ferme à mes enfants mais j’étais né pauvre comme Job et je finirais de même. La Cossonnière ne bruissait plus des bruits d’une nombreuse progéniture, seul Léon mon petit fils semblait vouloir reprendre le travail à nos cotés. Moi je voulais mourir dans mes champs comme ma pauvre femme, m’écrouler la tête dans la terre et partir en sentant une dernière fois les flagrances de celle qui nous avait nourris et sur laquelle nous avions souffert de mille mots.

Autour de moi mes connaissances disparaissait à tour de rôle, ma sœur Marie était partie la même année que ma femme. De loin en loin nous avions des nouvelles de Charente, ma petite fille préférée, l’effrontée , celle qui me répondait tout le temps s’était mariée et avait eut une petite fille qu’elle avait appelé Marcelle. J’ étais donc arrière grand père et j’ eus un grand sourire quand j’appris que le mari n’était qu’un gars du Girouard qui lui aussi était parti avec ses parents pour voir si l’herbe était plus verte qu’ailleurs.

Barthélémy s’écroula le 2 août 1936 dans la cour de sa ferme, il alla rejoindre sa Victoire au cimetière de La Chapelle Achard.

Charles Auguste Guerin,

Lorsqu’on est vieux et qu’on doit travailler de ses mains la problématique est de trouver de l’ouvrage. L’expérience vous l’avez mais sur le marché du travail vous ne valez pas tripette. Les jeunes commençaient maintenant à capitaliser pour se constituer une retraite et à ne pas avoir à travailler jusqu’à la fin de leur vie. Mais pour nous les anciens c’était marche ou crève. Nous vivions donc assez chichement, heureusement mes deux filles Élisabeth et Angèle nous aidaient énormément. Nous avions aussi les gages de Gustave, pas intelligent pour deux sous mais travailleur. Nous l’avions à charge de ménage car jamais il ne se marierait mais lui nous assurait au moins une rentrée d’argent.

Nous avions une flopée de petits enfants qui tour à tour nous invitaient à leur mariage. Nous avons même été en Charente au mariage d’Ernestine, ce fut notre dernier voyage. La bas nous avons eu le plaisir de revoir Marie notre fille aînée, elle habitait avec sa famille dans un petit village bordé par la Charente qui s’appelait la Chapelle.

Ma petite fille s’est mariée avec un Martineau du Girouard, le monde est quand même petit, mais l’origine géographique rassemble souvent les exilés. Pour sur les deux ils se sont bien rassemblés, car je crois que la Ernestine avait bien le ventre un peu rond.

Nous sommes restés quelques jours la bas, mais notre maison de le Gendronnière nous manquait. Nous étions aussi un peu inquiets du Gustave.

Quand nous somme rentrés il nous a annoncé qu’il voulait se marier, il était temps à quarante trois ans. Mais nous avions espoir de le garder un peu car voyez vous aux femmes il leur faisait un peu peur.

Moi ce qui m’inquiétait le plus c’était la situation internationale, au cabaret ça discutait fort sur ce fameux Adolf. Certains disaient qui si les Allemands nous attaquaient on leur foutrait une volée comme en 14, d’autres disaient que si on les laissaient rentrer cela serait un peu moins le bordel en France. Ah oui je vous dis avec l’alcool, il y en a qui se battaient et je vous dis tout y passait, les Anglais, les Nazis, les juifs, le front populaire, le vieux Pétain, Blum, Daladier, Renaud, Gamelin, l’Autriche, la Tchécoslovaquie, le corridor de Dantzig.

Moi je les écoutais et cela me faisait sourire, j’espérais toutefois qu’aucun de mes petits enfants n’auraient à souffrir de ces foutues désaccords.

Puis un jour de février 1938, j’eus du mal à respirer, ma vieille m’appliqua des cataplasmes de moutarde, on demanda à mon fils de prévenir le médecin et d’aller chercher mes filles. En général quand on prévient tout le monde c’est pas bon signe. La maison se remplit peu à peu, je les entendais chuchoter et à travers un brouillard je les voyais se mouvoir. C’est donc le moment de vous quitter, j’espère qu’Ernestine et Marie feront le voyage de Charente pour me mettre en terre.

Charles Auguste Guerin mourut le 16 février 1938 à la Gendronnière.

Clémentine Ferré,

A la mort de mon mari Charles je suis restée seule avec mon fils Gustave, nous avions un peu le cérémonial d’un vieux couple, il avait plus de cinquante ans. Il prenait soin de moi et moi je lui faisais sa lessive et ses repas. Pour la lessive j’avais un peu de mal et Angèle ma fille venait me donner un coup de main. Nous avions maintenant l’eau courante dans les maisons, mais on ne change pas les habitudes et cette abondance ne m’en faisait pas dépenser pour autant une goutte superflue. Il était aussi prévu qu’on nous amène l’électricité, mais les événements firent qu’on dut attendre.

Mes filles aînées étaient donc en Charente et Ernestine me fit dire qu’elle pouvait me prendre, moi je ne voulais pas abandonner mon Gustave alors je suis restée à la Gendronnière.

La Vendée était tout pour moi, j’y était née et j’y mourais.

Puis ce fut la guerre, les Allemands envahirent le pays, ce n’était plus mes enfants qui partirent se battre mais la génération suivante. Ce ne fut pas glorieux bien que je crois que cela n’était pas la faute des soldats mais plutôt de leurs chefs.

Le mari de ma petite fille Ernestine se fit tuer pendant la retraite, c’est quand même idiot c’est le seul à avoir été tué dans sa commune.

J’appris par courrier que mon gendre Jean Marie était décédé de maladie en mars 1940, la mère et la fille étaient donc veuves.

J’espérais donc que ma fille revienne en Vendée mais bon elle s’était fait une nouvelle vie là bas à Coulonges. Je dis pas le pays était joli, j’ai pu le constater moi même quelques années auparavant quand nous sommes allés au mariage de ma petite fille, mais ce n’était pas notre pays.

Angèle et Elisabeth  s’occupèrent de moi en mes derniers instants, mon pauvre Gustave ne pouvait décemment le faire. Quand je me couchais pour la dernière fois en novembre 1944, la libération de la France était en bonne voix. Mais le monde allait changer diamétralement et moi je n’y avais plus la place. Je devais aller rejoindre les os blanchis de mon bonhomme.

Clémentine Ferré mourut à la Gendronnière commune du Girouard le 13 novembre 1944

Nos Vendéens exilés en Charente continuèrent leur vie malgré les deuils, car en effet Jean Marie Proust s’éteignit à la Malbatie le 12 mars 1940 , Ernestine vécut chez sa fille Albertine qui elle s’était marié avec un Allemand du cru, et oui c’était son nom de famille .

Elle mourut en 1970 et repose avec Jean Marie dans le petit cimetière de Coulonges.

Marie Guerin femme Raffin décéda à La Chapelle petite commune de Charente.

Ernestine qui deviendra pour nous mémé Titine se remariera après son veuvage guerrier, après avoir eu deux filles Marcelle et Ginette de son premier mariage avec son vendéen, et elle aura  deux autres enfants avec un charentais pure souche.

J’eus le bonheur de la faire danser une dernière fois lors de mon mariage avec sa petite fille, elle s’éteignit le 30 mars 2006.

Je ne sais ce qu’il advint des assignats porte bonheur, trésor de mes vendéens, peut être une réalité ou bien peut être une légende familiale inventée par un écrivaillon. Mais je pense que le fameux trésor des vendéens c’est finalement moi qui l’ai trouvé en me mariant avec une des descendantes de mes huit personnages.

Évidemment il découle de tout cela de nombreuses branches, tant Vendéennes que Charentaises et c’est toujours avec émotion que nous allons nous recueillir au petit cimetière de Coulonges ou dorment cote à cote Mathilde Ernestine Guerin et son mari Jean Marie Proust ainsi que notre mémé Titine allongée elle entre ces deux maris ce qui n’est somme toute pas très banal.

5 réflexions au sujet de « LE TRÉSOR DES VENDÉENS, Épisode 104 , Épilogue »

  1. Un très grand merci pour votre histoire … que nous avons suivi avec grand intérêt. Vendéens du haut bocage et passionnés de généalogie, nous avons pu identifier les nôtres au travers de vos personnages. Encore merci 😊 pour votre partage … on a adoré. Bonne continuation …

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  2. Bonjour;
    Je viens de lire l’épilogue et je suis triste! Ça me fait toujours cet effet là quand je lis des romans « saga familiale « . C etait tellement réalistes vos écrits que je faisais partie de la famille…alors je me sens un peu orpheline…
    Merci à vous a bientôt a6 vous lire
    Amicalement
    Marie Pierre

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