1904, La Cossonnière, commune de la Chapelle Achard
Victoire Cloutour, femme Proux.
Quand nous sommes arrivés à la Cossonnière nous étions passablement entassés les uns sur les autres, mais depuis mon frère Auguste s’était marié et avait fait souche.
La maison s’était vidée un peu et nous retrouvions un peu d’une intimité perdue, certes nous avions encore les parents et le couple de ma sœur, mais cela ne nous était jamais arrivé, nous avions une chambre seule. Enfin quand je dis seuls c’est sans adulte car nous avions les deux filles qui dormaient pas très loin. Si je dis cela c’est pour expliquer qu’avec Barthélémy nous avons comme qui dirait un regain d’activité, lui n’avait que cinquante ans et moi quarante deux. C’est bizarre mais j’avais envie de lui comme jamais je n’avais eu, alors je le titillais, je jouais avec lui, je l’excitais, peut être l’age ou le sentiment d’être enfin presque seule. Alors pour sur quand on augmente sa fréquentation avec un homme le risque d’être marquée augmente.
Je n’avais plus été enceinte depuis treize ans et là la nature reprit ses droits, je ne savais pas si je devais rire ou pleurer.
En tout cas Barthélémy cela ne le fit pas rire, avoir un bébé alors que son premier partait au service. Mon père se moqua mais ma mère qui vieillissait se fit une joie d’élever encore un petit, je t’aiderai me dit elle.
Gustave arriva le dix sept juin 1904, c’est monsieur Lemonnier un ami marchand et mon beau frère Auguste qui furent témoins. Contrairement aux autres fois Barhtélémy ne fêta pas la naissance. J’eus le lait abondant mais mes seins me firent atrocement souffrir. Je me jurais de ne plus être touchée par Barthélémy. D’autant que je dus faire les moissons affaiblie avec mon drôle dans les pattes, je le laissais à l’ombre des arbres à proximité du champs que nous moissonnions.
Je ne m’arrêtais que le temps nécessaire pour le nourrir. Les hommes goguenards, harassés et en sueur se posaient un peu et me disaient alors Victoire tu les sors tes mamelles qu’on se régale des yeux. Tous rigolaient, pendant ces durs labeurs, l’ambiance était joyeuse mais aussi un peu égrillarde.
En fin d’année mon fils Jean Marie passa son conseil de révision, un beau gars mon fils, solide un bon mètre soixante et un, yeux bruns et cheveux châtains. Bon pour le service, les conscrits firent une fête, musique en tête ils traversèrent le village, firent un tapage énorme, bousculèrent les filles en les attrapant par la taille, en leur pinçant les tétons et en leur touchant les fesses. Bon c’est pas très beau mais il faut leur pardonner nos bons drôles étaient fin saouls.
Nous n’avions plus qu’à attendre une feuille de route qui viendrait dans le courant de l’année suivante. Nous espérions que son incorporation viendrait après l’été.
Un matin Auguste mon beau frère qui je le rappelle était le demi frère de mon mari et qui avait épousé Marie ma propre sœur, nous annonça qu’ils allaient voler de leurs propres ailes et prendre une métairie à la Méronnière.
Nous étions heureux pour eux mais Barthélémy était fort ennuyé, la Métairie de la Cossonnière était étendue et il fallait des bras. Jean Marie s’en irait à l’armée, papa n’était plus qu’un vieillard décharné qui se faisait plus traîner par la charrue qu’il ne la guidait lui même et maintenant l’Auguste qui partait.
Il nous fallait parer au plus pressé et embaucher des domestiques, ce fut Clément Proust un rude gaillard de vingt quatre ans et qui portait le même nom que mon fils et le petit Adolphe âgé de quatorze ans. On leur installa une pièce dans la grange, deux paillasses une caisse de bois et un pot de chambre.
Barthélémy se tuait au travail, mon Jean Marie folâtrait un peu, il venait de recevoir sa feuille de route et il partait pour le 14ème hussard à Alençon. La terre ne le portait plus il serait cavalier, lui qui n’avait que monté sur des chevaux de trait, il se gaussait auprès des filles. Je crois même qu’une journalière du Girouard lui a ouvert généreusement sa porte enfin c’est ce que dit Alexandre son frère. Celui ci grand et costaud parlait même tant il était jaloux de son frère et de son affectation chez les hussards de s’engager dans l’armée. Il fallait l’accord du père et Barthélémy ne l’aurait jamais laissé partir.
Lucienne et Florestine avaient quinze et seize ans, elles étaient joliettes et étaient de vraies femmes, je les surveillais comme du lait sur le feu. Au village ces demoiselles paradaient , jouaient de la croupe, excitaient le mâle, leurs frères jouaient au chaperon mais je n’avais guère confiance en eux.
Alors souvent les mots volaient et les taloches aussi, non pas qu’elles jouaient les dévergondées mais bon. Je pense que j’avais été comme cela aussi alors je m’efforçais parfois à être indulgente. Barthélémy voyait cela d’un autre œil et leur promettait la ceinture. Jamais il ne la décrocha car les petites jouaient simplement leur jeunesse.
Nous étions une belle petite famille et la Cossonnière était prospère. Dans le village nous ne pouvions faire un pas sans tomber sur de la famille, Pascal le petit frère était domestique juste à coté de chez nous chez Chaigne, physiquement il ressemblait à Barthélémy et il me le rappelait étant plus jeune, il allait bientôt se marier et j’avais hâte de faire une petite noce. Ensuite au bourg il y avait Eugène Ferré avec sa femme Armance et quatre de leurs enfants, il était lui aussi domestique de ferme chez Lhériteau. Il avait placé leur ainé comme domestique chez Bironneau à la Barre, le petit Eugène onze ans me faisait bien de la peine, il aurait été mieux à l’école qu’à faire l’esclave. Pour compléter le tout il y avait François Ferré lui aussi frère de mon mari, il tenait une ferme avec sa femme sur le hameau de la Chaigne. Nous nous rencontrions souvent et on partageait le cochon.
Barthélémy avait donc quatre frères dans le village, ça faisait beaucoup de cousins et cousines et le curé s’emmêlait dans les noms et les prénoms, sans compter que les homonymes pullulaient et que pour en rajouter, mon mari appelait tout ceux qui portaient son nom, cousin.