LE TRÉSOR DES VENDÉENS, Épisode 88, les violences conjugales

 

1896, Puy Gaudin commune du Girouard

 Clémentine, femme de Charles Auguste Guerin.

Nous venions de déménager sur Puy Gaudin, c’était un petit hameau, presque un village je dirais, nous étions légèrement plus près du Girouard.

Auguste mon homme trouvait à s’employer partout, il était bon travailleur et on avait encore besoin de bras, bien que dans certaines fermes des exploitants entreprenants introduisaient des sortes de machines qui fauchaient les blés ou les foins. Cela allait plus rapidement mais enlevait du travail aux journaliers

Moi j’étais enceinte, j’en étais heureuse, bien que très fatiguée, les grosses chaleurs m’accablaient, j’avais calculé que le bébé arriverait fin août. J’étais à peu près sure de moi . J’avais donc fait les moissons avec un ventre déjà énorme et croyez moi le soir je m’endormais comme une masse, heureusement Marie ma grande âgée de neuf ans jouait les femmes d’intérieur et servait Auguste à table.

Heureusement la délivrance vint et ma troisième fille arriva, on la nomma Élisabeth Armantine, c’était la mode des prénoms bizarres, mais pour sur on ne l’appellera Élisabeth.

Je n’avais plus ma mère pour garder ma petite, alors on fit cela à l’ancienne on la laissa seule à la maison, que voulez vous qui arrive, le chien restait dehors et nos deux matous également. Puis arriverait ce qui arriverait, de toutes les façons il fallait bien que je ramène un peu d’argent. Je travaillais au tour de Puy Gaudin alors je venais surveiller de temps en temps.

Un bébé qui ne marchait pas se gardait facilement mais moi j’avais Eugène né l’année d’avant, lui il ne demandait qu’à bouger, alors je l’emmenais un partout, ou alors ses sœurs le gardaient. Nous avions toutes ce problème, grossesses, enfants, garde des enfants et de nouveau grossesse.

Moi au moment de la conception d’Eugène je n’étais pas prête et je l’aurais bien fait passer ce drôle, j’ai tout essayer, les plantes, les coups sur le ventre, un travail acharné, une ceinture qui me serrait et même une position amoureuse assez animale qui me déplaisait fortement, rien n’y fit et je ne voulais pas prendre le risque d’avoir affaire à une faiseuse d’ange. C’était puni par la loi et beaucoup de femmes en mouraient.

Bon je me résous à parler de mon père, il buvait de plus en plus et travaillait de moins en moins, sa consommation de vin était phénoménale. Les fermiers rechignaient maintenant à l’embaucher d’autant qu’il vieillissait, hors chez nous pas de travail pas d’argent, ils étaient à la limite de l’indigence.

De plus mon père était, disons le assez fertile et Etiennette marquait presque à chaque coup. Cela semblait se stabiliser un peu mon dernier petit frère avait trois ans.

Certes chez François  c’était une noria permanente, un enfant naissait, un autre était placé comme domestique. Mon père dans son délire ne savait même plus en détail où se trouvait ses enfants. Sur les dix sept qu’il avait eu, trois étaient morts en bas age, six étaient mariés et avaient charge de famille, cinq étaient domestiques dans les fermes environnantes et seuls les trois petits couraient dans les jupes d’Étiennette.

Moi je secourais un peu tout le monde, quand je croisais au hasard de mes travaux l’un de mes petits frères ou l’une de mes petites sœurs, je leurs donnais un œuf, un bout de fromage, un bout de pain ou un fruit

Je tentais de les gâter comme j’aurais pu le faire avec mes enfants.

Etiennette était une brave fille et chaque soir la même comédie recommençait, mon père ivre avait toujours un sujet de récrimination, soupe trop froide, soupe trop chaude, pas assez de sel, les enfants bruyants, alors le ton montait, ma belle mère faisait profil bas mais rien n’y faisait il cherchait le conflit, cherchait à dominer une vie où par ailleurs il ne dominerait rien. Aux violences verbales succédaient inexorablement les violences physiques, des gifles, puis souvent des coups de poings.

Etiennette faisait gros dos ne disait rien résignée détournant les coups qu’auraient pu recevoir les enfants. Les marques des exactions de mon père étaient visibles par tous, la pauvre avait toujours une lèvre fendue, un œil poché,ou la marque des doigts de mon père sur les joues. Cette violence conjugale était révoltante, mais hélas partagée par bon nombre de femmes. Toutes en leur intérieur faisaient le gros dos, personne ne se souciait de ces problèmes.

Un jour je vis arriver ma belle mère qui trainait derrière elle les trois petits , Florimond, Sidonie et Pascal, elle n’était pas belle à voir. Sa tête avait doublé de volume et son nez n’arrêtait pas de saigner. Après avoir nourri et couché mes trois frères, je me suis occupée de ma belle mère, meurtrie et incapable de faire un mouvement je l’ai doucement déshabillé, son ventre et ses seins étaient couverts d’hématomes.

Auguste nous avait laissées et attendait dehors, Etiennette d’un coup se lâcha et me raconta ses avanies. Il n’y avait pas que les violences visibles, d’autres plus intimes marquaient les femmes encore plus insidieusement. Mon père ce salopard exigeait chaque soir son dû, ivre mort il lui fallait qu’elle lui ouvre les portes de son intimité, mais même si elle se laissait faire il employait quand même la violence. Il lui fallait la faire souffrir ou bien l’humilier. Elle essayait par tous les moyens de le satisfaire afin qu’il la laisse tranquille, mais jamais il n’était content. Si elle se couchait sur le dos soumise il exigeait qu’elle se retourne, si elle semblait ne pas réagir à ses assauts il la giflait, si elle était gênée par ses menstrues, il empruntait une autre voie que la décence m’empêche de nommer. Il exigeait de son corps ce que les beaux messieurs des villes exigent des putains tarifées.

Etiennette me raconta tout, le lendemain tout le canton des Achard fut au courant des méfaits de François , cette fois il était allé trop loin. Auguste voulait aller lui foutre une trempe et mon frère Auguste âgé de seize ans et le plus vieux des fils d’Etiennette l’aurait bien tué. Nous étions au bord du drame. Le maire et le curé intervinrent avant que la maréchaussée n’intervienne, tout le monde rejeta mon père et plus personne ne l’embaucha.

Il fit repentance mais enfin il avait le vieux code Napoléon pour lui et il fallut qu’en chef de famille il récupère son bien, sa poupée sanglante, sa servante, sa femme , sa catin, la mère de ses enfants.

A t’ il eu peur ou prit il conscience du mal qu’il faisait à la femme qu’il aimait malgré tout, il changea un peu ou plus malin berna son monde en restreignant ses violences et en les faisant rentrer dans des limites plus raisonnables ou du moins, moins visibles.

Moi je plaignais cette pauvre femme et en venait à penser qu’une mort prompte pourrait seule la débarrasser de cette ignoble individu qu’était mon père.

 

 

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