LE TRÉSOR DES VENDÉENS, Épisode, 89, les vieux

 

1896, le Chaon, commune du Girouard

Marie Anne Tessier, veuve Guerin

J’avais maintenant mes soixante treize ans et les années passaient fort lentement, j’étais lasse de la vie. Beaucoup de femmes de mon age que j’avais côtoyées, étaient passées de l’autre coté. Moi j’aurais aimé rejoindre mon bonhomme, mais nous ne commandions pas notre destin.

Alors j’étais assise sur ma chaise, à écouter cette foutue pendule et à regarder les braises se consumer. Mes mains seules étaient actives, je filais un peu, je cousais beaucoup car heureusement mes yeux allaient encore. Des femmes du village m’amenaient quelques bricoles à faire, cela me faisait quelques sous qui alimentaient le ménage de mon fils c’était ma contribution. Je cuisinais encore un peu mais la station debout me fatiguait rapidement mais j’épluchais les légumes et écossais les mojettes. Je jetais aussi un œil à mes diables de petits enfants, Eienne trois ans et Adelphine vingt trois mois, cela me suffisait mais souvent la Marie me ramenait petit Pierre un an . Quand je les avais tous je ne fournissais pas et c’était une belle pagaille.

Ce qui m’embêtait le plus était de ne pouvoir aller tous les jours au cimetière, j’y allais le dimanche car mon fils m’emmenait en carriole à la messe. Quand j’étais la bas je parlais à mon vieux au moins j’étais sur qu’il m’écoutait. Mes petits me disaient  » mémé tu radotes à parler à un mort. » Ils avaient sans doute raison mais que voulez vous moi dans ma solitude de vieille je m’adressais à mes connaissances ,fussent elles mortes.

Il serait mentir de dire que je n’avais pas de bon moment, les soirées étaient forts animées et j’entrevoyais la vie par l’intermédiaire de mes fils et de mes belles filles.

J’avais aussi ma petite Mathilde quatorze ans qui s’était mise en tête de m’apprendre à lire. Elle a vite abandonné mais j’aimais qu’elle me lise les histoires de l’almanach que nous achetions au colporteur.

Ma fille Clementine qui habitait à Sainte Flaive venait me voir de temps en temps m’apporter une friandise, c’était un rayon de soleil.

Charles qui habitait à Puy Gaudin me saluait toujours quand il passait, il était toujours pressé mais il venait. Ses enfants étaient adorables, sauf Mathilde qui refusait de m’approcher en disant que les vieux cela puaient, je lui aurais bien mis un coup de canne à elle aussi.

Ce qui me navrais c’est de ne pas voir ma cadette elle habitait Olonne pas très loin de la mer cela faisait une rude promenade mais tout de même pas le bout du monde. Elle viendra bien quand je serais raide morte.

1896, La Gatière, commune de Grosbreuil

François Ferré, époux de Étiennette Blanche, veuf de Rose Caillaud

Nom de dieu j’y avais cru à cette histoire de trésor, mais ces foutus billets étaient justes bon à ce que je me torche le cul, c’est bien la peine de se donner tant de mal .

Il faut aussi que je vous raconte, moi ce que j’aime par dessus tout c’est boire un bon coup avec les copains, alors dès fois je rentre un peu saoul, oh trois fois rien, certes je titube bien un peu et parfois je chante.

La Étiennette il faut à chaque fois qu’elle la ramène, si j’avais su je n’aurais pas épousé une emmerdeuse pareille. Toujours à réclamer des sous, une fois pour le manger, une fois pour les sabots des enfants, une fois pour une culotte. Elle pouvait pas se débrouiller, comment faisait ma mère.

Donc elle m’énervait en permanence alors moi qui aspirait au repos et bien je lui mettais une volée. Les enfants hurlaient, elle aussi. Après toujours la même chose j’avais le droit à l’hôtel du cul tourné, moi qui voulait me rabibocher avec elle je voyais rouge. Alors parfois j’étais amené à prendre ce qu’en droit j’avais l’autorisation de faire. Vous parlez que c’est agréable une femme qui se refuse.

Autre sujet de dispute, j’avais obligation de mettre mes enfants à l’école, c’est à dire de les garder plus longtemps à la maison. Moi je voulais placer les derniers comme j’avais placé mes premiers. Domestique était la meilleur école de la vie et aussi la plus rentable pour moi qui ne possédait pas de terre et qui n’avait pas de métayage.

Il m’a bien fallu céder, avec toutes ses lois on était plus maître chez soi. Après qu’ Étiennette eut alerté le canton et qu’elle se fut réfugiée avec les enfants chez ma fille Marie, ma réputation déjà pas très bonne était forte atteinte, on ne répondait plus à mes saluts et j’avais du mal à me faire embaucher. Certes quelques exploitations mécanisaient, mais j’étais victime d’un ostracisme.

J’ai cru un moment que ma femme voudrait divorcer, saloperie de loi qu’était faite pour la ville, ici à la campagne on crevait ensemble même si l’on ne pouvait plus se sentir.

Mais à force tout rentra dans l’ordre je m’étais promis de m’amender un peu, Etiennette fit aussi des efforts, elle devint même plus coquette, mais il faut dire à sa décharge que je lui donnais maintenant tout ce que je gagnais. C’est elle qui fixait mes limites, j’avais le droit de boire un canon le dimanche en jouant aux palets ou à l’alluette mais pas plus. Après des années de dérive je redevins un homme à peu près normal.

Ma hantise du moment était de finir à l’hospice, car voyez vous la coutume était de garder ses vieux mais moi qui ne les avais guère élevé je savais qu’ils ne m’étaient redevables de rien. Sur les quatorze qui vivaient, je ne pariais sur aucun. Pourvu qu’Étiennette me survive. Je prévoyais aussi de changer d’endroit, une ferme des environ d’Aubigny recrutait pour des gros travaux de déboisement ,de défrichage et de nouvelles mises en culture. Je connaissais le recruteur et je saurais bien le convaincre de mon restant de force physique. Puis comme cela je me ferais une nouvelle virginité et je ne passerais plus pour un pestiféré, de plus je crois que j’avais des enfants la bas.

 

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