1870 – 1872, la Bourie, Commune de Girouard
Victoire Epaud, épouse Cloutour.
Pierre trouva du travail aux environs du lieu dit la Bourie, la promesse d’être garder un peut plus longtemps fit que l’on pensa à nous rapprocher un peu, non pas que le trajet fasse peur à mon mari, mais enfin ce serait plus commode d’autant qu’on nous fournissait une maison moins délabrée que celle que nous occupions à la Bucholière.
Nous nous réinstallâmes, moi j’espérais que cela serait pour un petit moment.
Je vous ai aussi parlé d’une impression fugace qui m’était venue pendant la fête de la moisson et bien je crois que mes craintes étaient bien fondées. Il était plus facile pour un homme de tromper sa femme, la population s’en gaussait un peu, » le Pierre vous vous rendez compte il baise la Louise », » mais oui la servante celle qui autrefois habitait au bourg ». Bref tout le monde savait que le Cloutour il montait des cornes à sa femme, ils n’en n’avaient pas confirmation, ne savaient pas précisément qui était l’heureuse fille mais enfin tous le savaient.
Bien sur mon père, mon propre père le savait également, quand je lui fis le reproche, il me répondit « c’est pour te protéger ».
Je fis mon idiote un moment, mais un soir alors que je savais que mon bonhomme était aller la rejoindre je fis mon entreprenante dans le lit. Le Pierre d’habitude aurait réagi immédiatement, là rien, un vieillard, un valétudinaire, il se tourna comme si je n’existais pas. Alors je devins comme folle, je hurlais et alarmais toute la maison, Victoire et Marie se levèrent effarouchées à m’entendre gueuler à pleins poumons. Mon père le lâche le traître ne bougea point de sa chambre. Ce fut une belle envolée de gros mots, tout mon vocabulaire y passa , les petites pleurèrent. A un moment Pierre en eut marre de se faire hurler dessus, il m’envoya une paire de gifles devant les filles. Cela me coupa dans mon élan, il renvoya les petites se coucher et en fit de même. Je me retrouvais comme une idiote en chemise assise sur une chaise à regarder les cendres mourir. J’avais beau tourner cela comme je voulais, je ne trouvais pas de solution immédiate et je m’en retournais me coucher auprès de mon seigneur et maître.
Le lendemain mon père discuta avec Pierre, le ton monta rapidement, je ne sus exactement ce qu’ils se dirent, toujours est il que la semaine suivante mon père nous quitta pour aller vivre avec mon frère Jean.
Comme je le savais Pierre n’eut plus à faire attention, moi j’étais le centre des discutions et lorsque j’allais au bourg j’avais l’impression que mes cornes ne pourraient passer l’entrée de la nef.
Les femmes sont méchantes entre elles, et l’on me fit comprendre que c’est parce que je tenais mal mon mari qu’il allait voir ailleurs.
En somme la catin avait le beau rôle, un jour que je m’en allais avec Victoire et Marie sur le village pour aller au lavoir, je croissais ma rivale. Elle était accompagnée par quelques jeunettes domestiques, sur le dessus de mon panier une chemise au Pierre trônait , je ne pus me retenir et elle se la prit en pleine figure. Ce fut une bataille générale, gifles, morsures, griffures, j’eus le dessus et coinçait fortement la poule, j’avais mon battoir à linge et inspirée je pus lui soulever le jupon. Autant vous dire que mon instrument lui ait retombé plus d’une fois sur le cul.
C’est le métayer de la laudière qui est venu à son secours, elle s’en alla en courant sous les rires des petites servantes qui n’avaient pas bougé d’un pas pour l’aider.
Autant vous dire que mon mari ne pourra pas lui caresser les fesses avant un bon moment. La bagarre et la fessée firent la une du canton, je suis remontée aussitôt dans l’estime des mères de famille.
Par contre le Pierre qui passait pour un idiot me fit peur, car le soir j’eus la terreur qu’il ne se venge en me faisant la même chose.
Mais je crois qu’au final, il fit bien pire, il ne m’adressa plus la parole. Je crus un moment qu’il ne me quitta moi et mes trois petits pour cette voleuse d’homme.
Dans les jours qui suivirent j’eus ma victoire, la servante fut renvoyée et quitta la région pour se faire bonniche à la Roche sur Yon.
Nous étions bien débarrassés, mon bonhomme me battit froid un bon moment mais je savais que tôt ou tard il me reviendrait.
Un soir il rentra bien gai car il avait conclu la vente d’un veau et avait fait un beau bénéfice. Le vin aigrelet de Pissote l’avait un peu chamboulé et je sentais bien qu’il était amoureux. Je m’empressais d’envoyer tout le monde au lit.
Ce ne fut pas vraiment une douce balade amoureuse. Mais enfin il retrouvait le chemin qu’il n’aurait jamais du quitter.
J’aurais bien scellé nos retrouvailles par un petit, mais rien ni fit j’avais le ventre sec et je fis même des prières à notre bonne mère pour devenir féconde. Je me fis faire aussi des tisanes d’orties, de trèfles, de feuilles de framboisier, je me gavais de miel mais rien ni fit. Mais rien de rien, le pierre y devra se contenter d’un seul garçon.
En juillet 1870 le tocsin se mit à sonner sur les cloches de tous les villages, nous avions entendu par les gens qui savaient lire les journaux que l’empereur Napoléon avait quelques dissensions avec le roi de Prusse.
Nous la Prusse on savait pas trop où cela se trouvait, la tête du Bonaparte on la connaissait un peu car elle se trouvait sur les pièces et les timbres ainsi que sur les almanachs mais la tronche du roi prussien vous vous doutez bien ….
Tout le monde se précipita au village et on apprit que la France avait déclaré la guerre aux allemands. Après explication de l’instituteur du village, on sut que c’était les mêmes qui nous avait battus ,le Napoléon premier admit que cette fois l’affaire serait réglée en quelques semaines à notre avantage.
Moi cela m’inquiétait fort peu, je ne connaissais personne qui était soldat et par ailleurs nous étions fort loin des frontières.