1861-1863, la Corberie commune de Sainte Flaive des loups
Charles Guerin, époux de Marie Anne Tessier.
Moi à la Corberie j’avais deux paires de bœufs, cela correspondait en fait aux terres que je devais cultiver, ni plus ni moins, les bestiaux il fallait les ménager et lors des gros labours je faisais un roulement. En perdre un et tout était déséquilibré, tout était à refaire. Nous avions en plus de cette force de travail quelques vaches et quelques veaux qui nous servaient de taureau avant qu’on les affranchisse. D’autre part j’avais deux bœufs que j’éduquais et qui étaient destinés à prendre la succession de mes grands bœufs de charrue.
Il fallait évidemment nourrir tout ce petit monde et une grande partie de nos terres leurs était destinée, prairies, prés et cultures de plantes fourragères. En retour leurs excréments nous amendaient nos cultures.
Ils faisaient donc partie de notre vie et nous leurs apportions des soins journaliers, pas de dimanche ni de jours chômés pour eux.
Moi le soin aux animaux et le dressage c’est ce que je préférais, pour sur les femmes s’occupaient de la traite et les gamins nettoyaient l’étable.
Je n’avais pas de cheval, celui que nous possédions était mort avant notre déménagement et nous n’avions aucune liquidité pour en acheter un à la foire. Car voyez vous la richesse et nous ce n’était pas une histoire d’amour. Avec un tel système nous ne cultivions réellement qu’un tiers des terres.
Nous étions en métayage la plus part du temps donc la moitié partait au propriétaire. La prochaine fois que je prendrais une exploitation je tacherais de la prendre à ferme, il paraît que la pratique se développe.
Heureusement la main d’œuvre n’était pas chère, à la Corberie mon fils aîné Pierre âgé de treize ans, m’assistait dans mes gros travaux, pour les labours je guidais la charrue, lui dirigeait les bœufs.
Clementine en petite bonne femme aidait Marie Anne, bon elle rechignait et il fallait user de persuasion et de calottes. De toute façon si elle continuait à jouer les rebelles c’est sur je la placerais comme servante.
Alors que tout allait pour le mieux, Marie Anne était enceinte c’était sa sixième maternité, cela lui allait fort bien les rondeurs.
Une fin d’après midi alors qu’avec petit Pierre on terminait le troisième labour de notre plus grosse pièce j’ai eu un gros coup de chaleur alors bêtement j’ai retiré mon paletot. Mon fils me regarda désapprobateur car en général je lui interdisais de pas trop se découvrir. Quelques nuages plus loin, j’eus froid.
Le soir j’avais de la fièvre, le repas ne m’intéressa guère, le lendemain je fus dans l’impossibilité de me lever, les jambes ne répondaient plus et maintenant une toux grasse me brûlait la poitrine. La maladie chez nous était un ennemi redoutable, moi j’étais le seul adulte sur mes terres.
Nous étions à l’époque des semailles d’hiver et il ne fallait pas attendre car la météo pouvait se gâter.
Pierre mon brave garçon devait devenir un homme rapidement, avec Marie Anne et son gros ventre, ils allèrent au champs pour me suppléer. Benjamin six ans me garderait, Clémentine s’occupa des animaux. Il fut convenu que Marie Anne en rentrant irait vérifier, nous ne pouvions nous permettre une perte quelconque.
J’eus du mal à me remettre et il nous fallut nous résoudre à prendre un valet pour quelques mois, Marie Anne à force de s’épuiser aurait pu perdre le bébé et mon fils je dois dire qu’il n’en pouvait plus. Nous eûmes du mal à trouver des bras, la foire aux journaliers avait lieu vers la Saint Jean et tous évidemment étaient déjà gagés. Ce sont mes beaux frère de l’Auroire qui ont fini par me venir en aide. A l’aide de médication et de cataplasmes je finis par me remettre, mais avouons le je n ‘ai jamais retrouvé la même force qu’avant ma maladie.
Heureusement je n’avais que quarante deux ans, mais croyez moi je fis désormais attention au chaud et froid.
Marie Anne accoucha de Victor en mars 1863, l’accouchement fut difficile et elle souffrit beaucoup, avec les enfants nous nous sommes réfugiés chez nos voisins. Les femmes aidèrent et moi avec les hommes je bus quelques verre d’eau de vie . Mon Pierre qui avait conduit l’attelage était considéré comme un homme, sauf qu’il ne tint pas la barrique et que nous fumes obligés de le coucher dans la paille de la grange. Heureusement sa mère n’en sut rien du tout.
Déclaration en mairie, puis le curé c’était du rabâché. Seulement voilà un autre problème nous tomba dessus, la Marie Anne tellement épuisée avait les mamelles plates, rien pas une goutte. La solidarité familiale se fit encore une fois prégnante et c’est ma sœur Louise qui donnait encore le sein qui vint nous chercher le bébé. Du fait elle le sauva, Marie Anne pleurait à chaudes larmes de savoir son fils loin d’elle. Fusse t ‘ il retourné à l’Auroire. Le destin est bien bizarre car le frère de lait de Victor portait le même prénom.
Ma femme eut elle aussi du mal à reprendre le travail, j’avais besoin d’elle, car elle assurait sa part comme l’aurait fait un homme. Notre fille n’était vraiment pas à la hauteur, les vaches étaient mal traites, l’étable mal nettoyée, et une fois les volailles furent oubliées. Moi je vous garantis que je n’ai pas oublié de me munir d’une brassée d’ortie. Le cul de la Clémentine fut copieusement fouetté et les poules désormais furent rassasiées de grain.
Tout rentra finalement dans l’ordre, Marie Anne passait les quarante ans et les maternités allaient commencer à lui peser.
Il faudrait que l’on pense à faire autrement pour éviter les grossesses. Mais bon cela était un véritable problème pour tous.
Ma femme décida que pour être sur de ne pas avoir d’enfants il fallait ne plus faire l’amour, effectivement c’était radical, mais je crois qu’elle rêvait. J’avais appris au cabaret que des soldats de la garnison de la Roche sur Yon se couvraient le sexe avec des bouts de latex pour ne pas attraper de maladie avec les catins et que cela empêchait aussi qu’elle se fasse engrosser par les clients. Vous parlez qu’entre deux verres on avait bien rigolé de ces machins. Je me voyais mal, dire à Marie Anne, attends, je mets un chapeau.