1861,Moulin du Beignon, commune de Sainte Flaive
La fille aux yeux vairons
Maman était morte depuis quelques années, j’avais hérité de son caractère bizarre et renfrogné, c’est du moins ce que disait mon père.
Ma mère il est vrai était sujette à la mélancolie, elle pouvait s’asseoir des heures à regarder vers l’horizon. Le travail s’accumulait autour d’elle mais absente , elle le dédaignait. Mon père levait les épaules soufflait mais ne lui disait rien résigné. Il prenait alors le travail à son compte ou bien le reportait sur les frêles épaules des petites servantes.
J’avais compris que ma mère ne regardait pas une ligne imaginaire mais plutôt que son pauvre regard se portait sur les ruines de son ancienne ferme.
Elle y retournait parfois et errait dans les ronces, les pierres et les vieilles poutres calcinées. Elle en revenait comme suspendue dans le temps, Père ni pouvait rien, cela lui passerait.
Mon père plus âgé était un bon père pour moi et mon frère, était il un bon mari, oui s’en doute. On sentait bien qu’il la vénérait , la protégeait, c’était tacite entre eux. Formaient ils vraiment un vrai couple au sens biblique du terme. Je n’en étais pas sur malgré ma présence et celle de mon frère.
Jamais un baiser, jamais un enlacement, jamais une allusion grivoise sur une nuit tourmentée, non rien, juste une admiration béate et une chape protectrice.
Un jour je l’ai suivie dans ses errements, elle m’a vue et assise sur une antique margelle de pierre, elle m’a d’un trait raconté son passé. Sans faiblir, ni trembler, elle me confia son viol, son humiliation face à des soldats déchaînés par la haine et l’alcool, puis elle passa au massacre des siens.
Je restais suspendue à son récit, le temps filait, plus rien n’avait d’importance. Je prenais tout à mon compte, c’était curieux comme ci j’avais été là.
« Soudain j’entendais le cri lointain de ma sœur et des chants joyeux, je vis mon père qui s’inquiétait, ma mère qui posait son linge, et ma grande sœur qui se touchait son gros ventre. Étonnant ces visions, ce massacre qui avait eux lieu depuis plus de vingt ans je l’avais revécu.
Puis ils vinrent, tuèrent rapidement mon père, chaque groupe de soldats s’occupa d’une occupante.
Je fus saisie et bloquée le long d’un muret, deux soldats me tenaient, un jeune encouragé par les vieux soudards me leva soudain ma robe. Je le revois encore subjuguer par mon cul blanc, mes fesses grassouillettes d’enfant, j’étais impubère cela décupla leur envie. Le gamin ni arriva pas et un vieux lui montra le chemin, je sens encore son sexe qui me déchira, puis les coup de boutoirs qui résonnaient dans tout mon être. Je ne sais combien de soldats me souillèrent, puis le petit qui visiblement avait appris à les voir fut encouragé à me prendre par un autre orifice. Cette fois si la peur du ridicule lui découpla ses forces et il me prit. Je n’avais plus mal, mon esprit m’avait quitté lorsque je sentis des mains qui entouraient mon cou ».
Ma mère sentit qu’elle m’avait bouleversée et me prit dans ses bras. Elle m’avoua ensuite que j’étais la réincarnation physique de sa petite sœur, même particularité dans les yeux, un noir et l’autre bleu. De plus j’avais la même morphologie et les mêmes cheveux.
Cette annonce me bouleversa encore d’avantage, j’étais maintenant dans le corps et l’esprit de la petite morte.
Il va s’en dire que cela me gâcha la vie, jamais je ne me suis mariée, aucun garçon ne m’a touchée.
A chaque fois que je voyais un homme autre que mon père et mon petit frère je ressentais de la haine et de la peur. Je m’imaginais forcée, étranglée. Je sentais même leur coup de reins comme si ils étaient réellement en moi. A chaque présence masculine j’étais comme violée, il va s’en dire que mon père étant meunier, il recevait du monde, moi je passais le plus clair de mon temps dans les taillis et les bois aux alentours. Je devins la sauvageonne du moulin, la diablesse, celle qui faisait peur aux enfants.
Moi solitaire j’allais m’asseoir à l’écart dans un endroit que seule je connaissais, une grosse pierre bizarre me servait de siège, je méditais.
Ma mère seule ressentait la même chose que moi, nous étions deux pauvres âmes, elle avec des démons bien réels et moi avec des démons que j’avais pris à mon compte.
Puis mon père mourut, mon frère devenait chef de ménage et il n’avait point la même mansuétude à mon égard.
La présence de ma mère retenait encore sa main mais je sentais qu’il ne pourrait longtemps consentir à ma présence passive.
Il arriva ce qu’il devait arriver, ma mère femme sans age en avait quand même un.
Un jour qu’elle errait près de la clairière où reposait ses parents elle s’écroula comme foudroyée.
Morte, j’étais maintenant seule.
Mon frère qui lui aussi n’avait pris de conjoint, sans d’ailleurs que ne ne sache pourquoi ne me jeta pas dehors. Nous formâmes une espèce de vieux couple, sans doute un peu grotesque.
Un jour un homme qui avait déjà conclu une sorte d’accord avec nous revint nous voir, il s’appelait : Charles
Même année, même endroit
Charles Guerin
Non de dieu, depuis que je m’étais installé à la Corberie sur la commune de Sainte flaive des Loups, mon esprit était obsédé par cette histoire de trésor. Cela résoudrait toutes mes difficultés, fini les jours difficiles, le travail exténuant, à eux la belle vie des messieurs.
Je retournais donc sur les lieux après des années d’interrogation, j’étais de la commune et ma présence au moulin n’était plus insolite.
La vieille dame était morte, restait sa fille aux yeux inquiétants et le fils toujours un fusil à la main.
Ils me reconnurent et nous partîmes une ultime fois à la recherche chimérique du trésor de mes ancêtres.
Nous inspections chaque parcelle , chaque pierre était retournée, mais bizarrement rien.
Je trouvais que l’attitude de la diablesse était bizarre , elle semblait nous détourner d’un endroit précis. Mais non sans doute une fugace impression, elle cherchait comme nous.
Je revins plusieurs fois, mais rien, rien et encore rien.
1861,Moulin du Beignon, commune de Sainte Flaive
La fille aux yeux vairons
Je ne savais rien de ce fameux trésor, on fouillait partout, mais moi je ne voulais pas que l’on touche à mon sanctuaire, à chaque fois que l’on approchait de ce que j’appelais ma pierre de réflexion j’arrivais à faire dévier les fouilles sur un autre lieu.