LE TRÉSOR DES VENDÉENS, Épisode 47, la mort de Jean Proux

1859, la Crépaudière, commune de la Chapelle Achard

Champs du Maille

Jean Aimé Proux .

Mon dieu que j’aimais ces instants, Louise, ce matin fut câline, elle préférait l’amour matinal, moins fatiguée, plus fraîche, moi je ne voyais aucun inconvénient à cela, soir ou matin ou bien soir et matin.

Avant qu’aucun bruit ne vienne troubler la quiétude du foyer j’avalais ensuite ma soupe et je partais à l’étable pour mettre sous le joug mes deux plus beaux bœufs. Deux magnifiques bêtes de cinq ans dressées, fortes et dociles.

Le  » Maille  » était la plus grande pièce de l’exploitation j’aimais y venir, la terre était grasse, fertile.

Je me penchais et comme chaque fois en prenais une poignée que j’ humais. Dans cette senteur tout était dit, le parfum de la terre était pour moi aussi suave que l’odeur poivrée de ma Louise.

Je commençais mon labeur qui ce matin se révélait délicat, dessoucher les racines d’un arbre abattu par la tempête de la semaine précédente.

Mes gros comme je les nommais tirèrent et tirèrent encore, ils forçaient et commençaient à s’agacer. C’est en voulant les encourager par une tape sur la croupe que l’un deux dans un geste reflex lança sa patte en arrière. Le sabot m’atteignit en pleine poitrine, j’avais commis une erreur de jeune bouvier.

Suite à mes hurlements on vint à mon secours très rapidement, je souffrais atrocement et lorsque mon beau père et deux voisins me portèrent, ils m’arrachèrent un cri de souffrance venu du fin fond de mes entrailles. On m’examina, rien pas même la trace du sabot, aucune rougeur, ni gonflement.

Juste une douleur lancinante, on me cala avec des oreillers et tous repartirent pour effectuer leur labeur.

Sur le midi Louise revint me donner à manger, mais j’étais bien faible et je ne pris pas grand chose.

A peine avait elle passé la barrière qui la menait au verger que je rendais tous les aliments que j’avais ingérés, sans pouvoir bouger, souillé il me fallut attendre son retour.

Le soir curieusement j’allais un peu mieux, elle me nettoya, j’avais envie de faire mes besoins ce fut une aventure douloureuse. Marie Louise décida pour ne pas me gêner d’aller dormir avec les enfants.

Vivement demain que je puisse continuer ce labeur et poursuivre la mise en valeur de notre plus belle pièce. La nuit en son immobilité enveloppa notre demeure, j’étais seul avec moi même, un moment j’eus la prescience que j’aurais du mal à me lever le lendemain. J’avais maintenant chaud puis froid, j’appelais Louise mais assommée par sa journée, point inquiète elle dormait comme une enfant. J’avais l’impression de hurler, mais seul un faible son inaudible sortait de ma bouche. Un liquide chaud coula de mon nez avais je pris froid ? Je tentais à nouveau de bouger mais tel une enclume je restais immobile, je criais mais personne ne venait. Un liquide chaud et gluant sortit de ma bouche. Je suffoquais, je n’avais plus mal.

1859, la Crépaudière, commune de la Chapelle Achard

Marie Louise Barreau, veuve Proux

Le lendemain il était mort.

Du sang avait coulé de sa bouche et de son nez, un rictus déformait son visage, masque de souffrance et de désespoir. Sa couche était bouleversée. Le moribond dans un dernier moment de désespoir avait tenté de nous alerter mais moi pauvre égoïste qui aurait du le veiller, dormait d’un mauvais sommeil.

Jean Aimé n’avait que trente cinq ans et me laissait seul avec mes deux petits, heureusement la famille était  là.

La famille et les voisins accoururent, le curé fut prévenu ainsi que l’agent municipal qui vint constater le décès. Avec les femmes de la famille je fis la toilette du mort. Ce ne fut pas une belle affaire, mon Jean nu comme un ver, dur comme un bout de bois. Nous eûmes les plus  grandes peines du monde à le vêtir de ses beaux vêtements.

Entre nous j’ai toujours trouvé bizarre de laver quelqu’un qui ne se lavait jamais pour le jeter en terre. Mais le curé me l’expliqua  » Marie c’est un rite purificateur  ».

Bon d’accord si c’est pour purifier mon homme je veux bien mais je vous passe les détails du bouchage des voies naturelles.

Pour qui sonne le glas, le lendemain, dans un joli drap de lin que j’avais exprès en réserve mon bonhomme fut jeté en terre. Quelques pelletées, ainsi va la vie on retourna aux champs.

Une chape de malheur s’abattit sur la Crépaudière, 35 ans, mon homme partait bien tôt. Comment faire face au travail écrasant ? On fit appelle à mon petit frère Eugène qui se trouvait domestique de ferme non loin de là, il n’avait que 17 ans mais il était fort costaud, déterminé et travailleur. Il récupéra son lit dans la pièce principale et moi je dormis avec mes deux petits.

En Juin ce fut la noce de l’oncle Jean, belle fête malgré les malheurs, en ce temps nous devions faire fi de nos peines et aller de l’avant. Son épouse avait 18 ans je compatissais car cela me ramena quelques années en arrière.

La noce était à peine terminée que mon oncle François perdit son drôle âgé de 7 ans, une mauvaise fièvre et en peu de temps il était passé de vie à trépas. Nous étions malgré tout un peu habitués à la perte des enfants. Mais en juillet la belle épousée du mois de Juin était également fauchée. En trois semaines mon oncle Jean passait par trois statuts différents, célibataire , marié et veuf.

Le pauvre était inconsolable, comme il était chez ses beaux parents à la métairie de l’Emonnière il vint s’installer à la Crépaudière avec nous. Un adulte de plus à nourrir et à loger posa quelques problèmes de logistique, mais chez nous en Vendée personne ne restait sur le bord du chemin, la famille c’était sacrée.

Ce qui provoqua des problème fut la cohabitation de l’oncle Jean avec la jeune Victoire, fraîche domestique de 20 ans  parfaitement à l’aise avec le charme qu’elle dégageait. En fait la bougresse affolait les sens des trois hommes de la maison, mon père , mon frère et mon oncle. Se laissa t’ elle faire dans la grange je n’en saurai fichtre rien.

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