LE TRÉSOR DES VENDÉENS, Épisode 40, mort et naissance à l’Auroire d’Aubigny

1856 , L’Auroire , commune d’ Aubigny

Marie Anne Tessier épouse Guerin.

Dire que j’étais fertile est un euphémisme en dix ans j’en étais à ma quatrième grossesse, bon d’accord il y en a qui faisait beaucoup mieux, mais moi je trouvais cela suffisant.

Je commençais à peiner et il me restait encore un peu à faire, je savais par expérience que les derniers mois seraient pénibles.

Avec Charles nous avions eu notre premier assez rapidement je dirais même très rapidement, mais bon c’est du passé.

Le deuxième nous était arrivé trois ans plus tard, là aussi vraiment rien à dire, j’avais arrêté d’allaiter Charles, que aussitôt après j’étais pleine. Rien de bien extraordinaire un deuxième enfant était encore une joie, nous assurions la pérennité de notre famille, mon Charles fut aussi heureux qu’avec l’arrivée du premier et moi comme j’étais moins ignorante je fus un peu plus détendue. Pour sur la douleur fut la même, mais Pierre naquit sans problème pendant les moissons de l’année mille huit cent quarante neuf.

A l’Auroire je n’avais pas le monopole des naissances, ma petite belle sœur Marie Anne faisait preuve aussi de fertilité en mettant au monde son premier. Le troisième couple de la métairie, eut aussi la joie de voir poindre une petite fille, qui prit le joli prénom de Louise.

Tel un métronome trois années plus tard une fille arriva dans notre foyer, je la nommais Rose Clémentine. Marie Anne pour cette fois m’avait devancée d’une année ainsi que Louise.

Je vous dis que les journées étaient animées à l’Auroire.

Après toutes ces naissances il sembla que nous ayons toutes décidées de ne plus engendrer, nous marquâmes une pause en quelque sorte.

A la campagne le cercle de la vie était immuable, une naissance attirait un décès, nous avions eut sept enfants à nous trois et point encore de mort.

La grande faucheuse avait elle perdu le chemin de l’Auroire ou était elle devenue magnanime.

Nous y avons cru un moment, nos parents vieillissaient tranquillement et nos petiots montaient en graines.

Alerte encore, le père Guerin finissait avec son fils et ses gendres les labours d’hiver. Gestes immuables, inchangés, depuis sa jeunesse, il n’aurait manqué pour rien au monde cette activité. Ses bœufs qu’il menait, il les avait élevés, dressés, leurs avait donné un petit nom, il les aimait et les soignait avec amour. Sa femme lui disait souvent t’aime mieux tes bœufs que ta femme, il lui répondait c’est qu’ils ont une plus belle croupe que toi.

Mais malgré sa vigueur, il n’abattait plus autant de travail que son fils et que ses gendres, Charles lui disait, il va falloir passer la main. Immanquablement il répondait plutôt crever.

C’est ce qui arriva, un matin ma belle mère ne voyant pas se lever son mari alla le secouer, rien n’y fit évidement, le pauvre bonhomme s’en était parti. Ce fut l’abattement, la pauvre répétait il était pourtant pas malade. Bah non pas malade , mais vieux et usé.

Il eut un bel enterrement le Pierre Guerin, la famille, les amis, tous l’accompagnèrent en terre.

A la métairie ce fut Charles qui devint le patron, sa mère était comme rétrogradée et moi je fus promue femme du chef. Bien sur nous devions par contrat le gîte et le couvert à la veuve, pour sur nous n’avions pas l’habitude d’abonner nos vieux.

Mes belles sœurs se seraient bien vues à la tête de l’exploitation, mais ce ne furent pas les gendres qui gagnèrent mais le fils aîné.

Presque un an après ce fut la mère qui s’en alla, pourtant pas très âgée. Il faut dire que depuis le départ de son mari elle n’était plus que l’ombre d’elle même. Elle partit moins facilement que son mari, une maladie de ventre la tint alitée un bon moment. Faible, se faisant dessus ne mangeant plus seule et régurgitant tout, nous les femmes ont se relayaient, garde malade en plus des autres taches, non de dieu que ce fut long cette agonie.

Ce n’est pas très chrétien ce que je vais dire, mais je fus soulagée de sa mort. C’est juré je me signe.

Débarrassés de la vieille garde nous étions enfin entre jeunes. Charles me dit un soir fatigué, et dire qu’on a un trésor et que ce couillon de père ne se souvenait pas où il l’avait mis, vraiment c’est consternant de trimer comme des bêtes alors qu’on pourrait feignanter sur un tapis d’or.

Que les vieux partent c’est marqué, chacun son tour, nul est immortel, mais que nos petits se meurent , ce n’était point la même chose.

Oh certes la mort des enfants était encore fréquente, mais quelques progrès avaient été faits, les sages femmes remplaçaient peu à peu les matrones et la variole était contenue par un vaccin qu’un médecin venait administrer au village.

Nous notre premier il était parti en 1852, il avait six ans, un matin alors qu’il traînait dans mes jambes je m’aperçus qu’il était couvert de boutons. Lui assez turbulent semblait ce jour complètement amorphe. Son visage était brûlant et je le mis au lit. Il fallait que j’effectue mon travail et je le laissais au soin de sa grand mère. Le soir les boutons étaient purulents, la fièvre avait augmenté, le pauvre délirait. Nous étions démunis nous autres, prières en notre Dieu, rien n’y fit, il passa. Charles Auguste, quelques pelletées de terre une croix de bois, il nous fallait passer à autre chose ainsi va la vie.

Donc avant noël de 1856 le quatrième de ma lignée arriva, beau, gras, gueulard, il ne me déchira pas trop. Je pus même faire mes relevailles avant la nativité. Ce fut la grande discussion, mais j’obtins qu’il se prénomme Benjamin André.

Avec cette arrivée le cycle de la vie reprenait sur notre belle métairie, les enfants couraient partout, faisaient les quatre cents coups, bientôt ils pourraient fournir un peu de travail . Les aînés avaient sept ans ma foi je crois que je travaillais déjà à cet age.

Moi j’avais les tétons comme des vrais pastèques, les montées de lait me faisaient souffrir le martyr, un moment j’ai même penser devenir la nourrisse d’un petit de la ville de la Roche, mais j’ai abandonné l’idée je suis la femme du patron.

Si moi j’avais les mamelles fort développées, mais deux belles sœurs avaient un ventre qui trahissait . Marie Anne avait un peu d’avance sur Louise mais avait elle compté correctement.

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