LE TRÉSOR DES VENDÉENS, Épisode 34, Jeune femme à la Mancelière

1852, la Mancelière, commune de Venansault

Victoire Epaud

Nous étions  dimanche et c’était  à nous paysans notre jour de repos. Ma mère toujours la première levée s’activait depuis un bon moment, elle avait  été chercher du bois dans la remise et s’activait à nous fournir un bon feu. La soupe du père était encore chaude, conservée sur les braises.

Je devinais également que maman avait  fait un brin de toilette, c’était  mouillée le visage, frottée les mains, enlevée sa chemise pour se laver le haut du corps, remis une chemise propre. Puis suivant un rituel bien établi avait soulever robe et jupon pour se nettoyer son intimité. Jamais nue, jamais exposée au regard, ma mère n’était pas une adepte du lavage à grandes eaux et disait volontiers qu’il n’y a que les catins qui se lavaient le cul.

Moi je me prélassais en attendant qu’elle finisse, cela m’arrangeait. Ma sœur Léontine dormait à coté de moi, c’était une grande et belle femme un peu plus âgée que moi. Le soir pour l’embêter je mettais mes pieds froids sur ses jambes, elle me repoussait et c’était  un jeu sans fin qui énervait mon frère Jean.

Le matin je me nichais dans son corps chaud et j’en tirais une volupté assez trouble, curieusement elle ne me repoussait pas et semblait même savourer ce moment troublant d’intimité fraternel.

Puis c’était la cohue, chacun se levait sur les injonctions maternelles. Le Jean nous faisait rire et nous intéressait vivement car tous les matins il semblait gêné par une protubérance sous sa chemise. Il voulait se cacher et l’on ne voyait que cela. Il était un peu honteux et de sa faiblesse masculine alors on en profitait.

Si ce moment d’intimité était à notre avantage, il était d’autres situations où la promiscuité était quand même un peu embarrassante pour deux jeunes femmes. Jean était enfin parti rejoindre la pièce principale, moi j ‘utilisais le pot de chambre et ma sœur s’habillait. Notre chambre était la seule car mes parents dormaient dans la pièce principale ainsi que ma petite sœur Clarisse. Auguste mon autre frère avait une paillasse dans la grange, il était  tranquille et je crois qu’il en profitait un peu.

Autrefois nous étions encore plus à l’étroit, Pierre et Louise avaient quitté la maison.

Jean allait bientôt convoler, il était temps car le nigaud avait plus de trente ans. Il fréquentait depuis deux ans une fille de Saint George du Pointindoux , autant dire une étrangère. Mon père se moquait de lui en lui disant mon pauvre gars, à force d’attendre elle va bin se faire culbuter par un autre.

Le Jean je ne sais si il avait essayé sa Justine mais ce qu’on peut dire c’est que les négociations avaient duré longtemps. C’était toujours la même ritournelle chez nous autres, le nouveau couple irait t ‘il chez les parents du marié ou de la mariée. Manque de chance ce fut chez nous, la Justine Craipeau je ne la sentais guère. On décida d’agrandir la maison d’une petite pièce, avec l’accord du propriétaire évidemment et avec frais partagés. Un matin nous vîmes arriver Martin Bourget le maçon, il avait un plein tombereau de pierres, avec l’aide de Jean ,de mon père et d’Auguste ils commencèrent l’ouvrage. Lorsque cela fut terminé Alexis Ordonneau vint placer une charpente qui fut couverte en chaume peu de temps après. La Justine amènera ses meubles et le couple partagera le couvert avec nous. Moi cela me convenait, mais qui se souciait de mon avis.

Bon le Jean convola le 11 février à Saint Georges de Pointindoux, tout se passa là bas mais dès le surlendemain l’intruse arrivait avec ses hardes et sa paillasse. Je la verrais toujours arriver juchée sur la carriole arrogante et croyant commander la métairie. Mère saura y mettre les holà ainsi que ma grande sœur. Le Jean un peu niais faisait le beau et se pliait en quatre pour satisfaire les besoins de la furie.

Il faut croire qu’il s’aimait un peu et qu’ils durent se réchauffer mutuellement dans leur petite pièce sans cheminée car Justine clama bientôt qu’elle n’avait plus de menstrues et qu’elle promenait. Pour sur l’impudente presque mère se crut la patronne. Il y eut des projets de départ mais nous dûmes patienter encore longtemps.

Moi avec la Léontine nous étions bonnes à marier, surtout elle d’ailleurs et nous faisions preuve d’artifice pour nous rendre les plus belles possibles. Je n’avais que seize ans mais ma tournure en marquait plutôt vingt, comparativement ma sœur âgée de vingt un ans faisait plus jeune que moi.

Tout dans notre comportement attirait le regard des garçons, nous étions l’objet des plus belles attentions.

Je n’avais plus goûté aux garçons depuis la mémorable volée que j’avais prise, mais voilà le diable me tenaillait et la vue d’un garçon bien tourné me faisait un drôle d’effet.

Avec Aimé Trichet je recommençais là ou j’avais été arrêtée, seulement ce dernier âgé de vingt trois ans avait d’autres vues que ma bouche et j’ eus un jour grand mal à ce qu’il ne me force pas. Croyant probablement que ma résistance n’était qu’un jeu pour attiser sa soif de me posséder .

J’en fis par à ma sœur, qui en parla à toutes les femmes, le bonhomme eut une sacrée réputation après cela. On ne doit pas toucher à l’honneur des filles, même si comme le dit mon père elles ont le derrière qui les démange.

Nous les jeunes filles nous ne rêvions que de nous marier et d’avoir des enfants, enfin pas trop, tout en nous concourait à ce but et dès notre plus jeune age nous mettions tout en œuvre pour nous faire remarquer des garçons. Ces derniers voulaient aussi se marier mais souhaitaient aussi consommer avant pour voir ce qu’il en retournait. Tout tournait autour de cela, faire une bonne union, ne pas tomber sur un feignant ou bien un soûlard qui nous mettrait des volées. Les liens étaient indissolubles par chez nous et les dispositions concernant un divorce éventuel très peu usités. Il convenait donc de ne pas se tromper au risque de voir sa vie virer au cauchemars.

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