1836, La Vignolière, commune de Nieul le Dolent
François FERRE
Papa se nommait Pierre, j’aurais pu me nommer ainsi, mais quand je suis arrivé le prénom était déjà pris par mon frère aîné, chez nous le premier fils prenait souvent le prénom de son père. Je ne l’ai loupé que de peu car mon frère était mort en décembre 1830 et moi j’ étais arrivé en Juin.
Je me prénommais donc François, comme mon oncle Boisliveau, c’était mon parrain et il vivait avec nous.
A moins que cela ne soit le contraire et nous qui habitions chez lui, enfin peu importe nous vivions tous ensemble.
Maman s’appelait Marie Boisliveau elle avait 45 ans, elle était superbe et s’occupait de nous avec amour malgré son travail à la métairie, elle essayait de nous préserver des travaux trop durs, bien que mon père considérait que quelque que soit l’age il ne devait pas y avoir de bouche inutile à nourrir .
J’avais trois frères et quatre sœurs, une belle famille malgré les décès prématurés de deux de mes frères. J’avais entendu mon oncle dire que ma mère ne pourrait plus avoir d’enfant et que le Pierre allait s’amuser sans risque. Je voyais pas bien ce que cela veut dire mais la famille ne s’agrandirait plus.
Nous habitions à la Vignolière sur la commune de Nieul le Dolent, la métairie était grande et nécessitait le travail acharné de plusieurs hommes.
L’exploitation appartenait à madame Dombreuil, elle habitait loin d’ici dans une ville que l’on nommait Niort, nous la voyons une fois l’an, elle venait toucher la moitié de ce que mon père et mes oncles avaient gagné. Je trouvais particulièrement injuste que ceux qui se cassaient le dos ne perçoivent pas l’intégralité du fruit de leur travail.
Le bail appartenait en fait à mon grand père, un bonhomme vieux comme les chagnes du chemin de la Remonière. Tellement ancien qu’il avait participé à la grande guerre contre les patauds, il se vantait d’avoir tondu quelques bleus, mais ma mère modérait ses propos d’ivrogne en disant qu’il avait plus souvent fuit devant les colonnes républicaines qu’il n’avait marqué ignominieusement la tête des tueurs de la convention.
Âgé maintenant il ne faisait plus de gros travaux et laissait son fils François diriger l’exploitation. Mon oncle était veuf il avait 42 ans et je ne sais pourquoi il ne s’était jamais remarié, son fils François qui avait 18 ans vivait avec nous aussi.
Mais il y avait aussi l’oncle Louis et sa femme Jeanne qui partageaient notre toit avec leurs trois enfants.
Ma tante Jeanne était une fille Chaillot, c’était la sœur de la défunte femme de mon oncle François Marie Jeanne Chaillot.
Puis pour finir la composition de la maisonnée, nous trouvions la tante Marie Jeanne Potier, veuve de mon oncle Jean. Elle aussi était avec ses enfants, deux filles dont une aux seins et un garçon.
Comme on peut le voir cela faisait du monde, deux couples, un veuf, une veuve, un célibataire et bien sur notre grand père.
Pour couronner le tout nous étions quinze enfants ce qui représentait un grand nombre de bouches à nourrir pour une même métairie.
Les problèmes d’intendance n’auraient sans doute été rien si les problèmes de promiscuité ne s’étaient pas rajoutés. Comme je vous l’ai dit, ma tante Marie Jeanne était veuve. Elle avait trente sept ans et était bien saillante, grande, mince mais parée d’une poitrine fort avantageuse elle promenait avec grâce sa silhouette dans toute la Vignolière. De plus, elle donnait la tétée à la petite Marie et dévoilait ses seins de façon naturelle quand la petite vorace le réclamait. Il va sans dire que tous les hommes de la maison étaient aux arrêts. Ils se faisaient houspiller par les femmes qui les chassaient en rigolant. Moi j’étais jeune alors on ne me chassait pas, je me délectais à la vue de ses tétons charnus et je dois dire que j’en éprouvais déjà quelques voluptés.
L’oncle Henri, le célibataire de 26 ans lui tournait autour comme mouche sur le miel, il rignochait sans cesse, la frôlait, ne la quittait pas du regard, la suivait partout. A chaque fois qu’elle allait à l’étable il proposait ses services.
Le grand père cela le faisait rigoler et disait crûment à son fils » va t’en la basculer dans la paille oh crois ben qu’elle demande que cela. »
Puis goguenard rajoutait si tu y vas pas je m’en vais la trousser moi même, il allait sans dire que ma mère et ma tante Jeanne se récriaient en faisant le signe de croix.
Mon oncle François lui ne disait rien, mais se serait bien vu aussi dans la couche de la veuve, il était tout de même le chef de ménage dans cette métairie et le cul de sa belle sœur pourrait de droit lui appartenir. On voit bien qu’il se contenait devant les roucoulades de Henri et les boutades du vieux.
Cela créa de la tension dans l’exploitation, entre les deux femmes mariées qui soupçonnaient la veuve d’exciter le deux célibataires et aussi leur mari. Ma mère un jour avait failli se battre avec Marie Jeanne lorsque celle ci ayant eut une envie pressante ne s’écarta pas assez de la vue de mon père pour se soulager. » T’es toujours à montrer ton cul la Marie, il faut que ça cesse ». Tante Jeanne les sépara avant que les gifles et les horions ne viennent.
François et Henri faillirent aussi en venir aux coups lorsqu’un jour ce dernier sortit de la grange en même temps que la veuve désirée.
Tout cela pour dire qu’il faudrait bien prendre une décision et que l’éloignement de la » catin en chaleur »comme disait ma mère ferait du bien à toute la famille. Mais justement de la famille, elle en faisait partie et on ne pouvait la chasser avec ses petits qui portaient le noms de Boisliveau
Tout de même moi qui voyais cela avec des yeux d’enfant, je pensais que ma tante ne provoquait personne qu’elle restait digne dans son récent veuvage et que toutes ces querelles venaient de cette promiscuité presque animale.
A l’issue de toutes ces disputes il fut entendu que Marie Jeanne retournerait avec ses drôles à Ordreville chez son frère Pierre. Jamais à la mort de son mari elle n’aurait du venir nous rejoindre, ce fut une erreur.
C’est mon père qui les conduisit avec sa carriole, un lit et sa paillasse, un coffre, de la vaisselle et son trousseau constitua son maigre avoir.
Il n’était plus question pour Henri et François de la courtiser et moi plus jamais je ne verrais ses seins.
Bien sur elle restait un peu de la famille et serait invitée à toutes les futures noces