MA VIE DE MARÉCHAL FERRANT, Épisode 16, les dernières naissances

Les bains Marie Thérèse  à La Rochelle

Je pris sa place en tout.

Je récupérais sa forge, son appartement, ses outils et aussi un peu de son âme qui restait en ces lieux

Sa clientèle resta fidèle à un Sazerat et beaucoup me reconnurent. Cela me fit bizarre de me réinstaller dans l’appartement où j’étais né, de dormir dans le lit où mes parents avaient fait l’amour et où il étaient morts.

Chaque centimètre m’était familier, mais Marie exigea que quelques travaux soient effectués, plâtre, peinture et changement du lit.

Nous avions déjà des meubles, ceux de mon père furent vendus pour une poignée de pain à une famille de famélique.

C’est donc dans cette maison respirant le neuf que Joseph notre gros garçon potelé arriva. Marie ne souffrit pas trop et à 9 heures du soir de ce 5 janvier 1824 fut délivrée.

Le lendemain tout heureux je me rendais déclarer l’enfant à la maison commune, l’Etienne Casseigne, portier et l’ami Joseph Souffaché préposé aux douanes m’accompagnaient. En rentrant c’est bien normal on fit un peu les noceurs. Au vrai je rentrais complètement éméché avec mes compères. Nous chantions à pleine voix, heureusement que nous étions connus par les soldats de garde à la porte sinon nous aurions terminé à la prison de la rue du palais.

Nous sommes vite passés du rire aux larmes, Joseph ne tenait pas à la vie et fut rappelé par notre dieu créateur. Marie qui vouait un amour immodéré aux choses de l’église trouvait quand même que son dieu exagérait un peu. Il nous avait pris 6 enfants sur 7.

Marie n’était plus qu’une ombre, âgée seulement de 33 ans, elle semblait une vieille femme. En douze années de mariage elle avait enfanté 7 fois, quatre ans et demi de grossesse. Cela marque une femme et ma belle était marquée, cheveux se teintant de gris, toison d’amour parsemée de fils blanc, seins alourdis par les montées de lait et les voraces tétées, ventre grassouillet et un visage qui imperceptiblement se ridait. N’allez pas croire que je ne l’aimais plus et qu’elle ne me faisait plus envie, non pas que chaque soir je lui aurais bien montré mon amour, mais voilà le ressort était cassé, elle ne voulait plus enfanter. Trop de peine que tous ses petits ensevelis en ce maudit lieu de Saint Éloi.

Comme maintenant j’étais mon propre patron, Marie ne travaillait plus, elle s’occupait des tâches ménagères et ne se tuait plus les yeux aux ouvrages de couture.

Le seul changement notable dans le quartier avait été la démolition de l’église Saint Barthélémy à la place se trouvaient des bains publics. Cela devenait une mode de se tremper le derrière, le monde foutait vraiment le camps. Marie évidemment, toujours à la pointe de la propreté aurait bien testé, mais rien que de savoir qu’il y aurait du monde autour cela la bloquait.

Comme les affaires marchaient bien on prit une petite bonniche de la campagne, je crois qu’elle venait de Saint Sauveur de Nuaillé sur la route de Paris. Elle n’était point trop douée mais pour ce qu’on lui demandait c’était bien assez. Elle aidait ma femme à sa toilette, du moins pour monter l’eau à l’étage.

Un jour que je revenais de la forge j’eus droit à une scène de ménage phénoménale. Je se savais pas ce que j’avais pu faire, je ne voyais plus ma veuve et ce n’est pas une main aux fesses à la bonne qui aurait pu la mettre dans cet état. Non figurez vous que Marie n’avait plus ses menstrues. Que pouvais je y faire, j’avais quand même quelques droits sur le corps de ma femme. Le 12 février 1825, naquit Marie Magdeleine, nous lui avons donné les prénoms de ma femme pour conjurer le sort.

Mon ouvrier Joseph et un ami commissionnaire me servirent de témoins.

Par chance la petite passa le cap des premier mois et Marie retrouva le sourire.

Moi à la maréchalerie j’avais donc Joseph comme ouvrier et comme apprenti mon fils Jean claude. Il a été suffisamment à l’école, bien sur encore une fois Marie aurait voulu en faire un fonctionnaire ou un curé. Pour sur à la forge il n’aura pas les mains lisses, sentira le cuir, la graisse, le crottin et le cheval. Il a eu un peu de mal au début, un marteau à la longue ça use, puis lui aussi à son tour il s’est pris de passion pour les chevaux et comme moi il dut attendre pour ferrer son premier cheval.

Chez les Sazerat la vie se répète.

Puis encore et toujours Marie devint grosse, c’était le lot de toutes les femmes, nobles, bourgeoises, paysannes ou ouvrières. Avec la mort c’était bien le seul élément d’égalité.

Certaines femmes étaient plus malines et connaissaient des méthodes, je crois même que certaines se mettaient un petit sac en peau sur le sexe enfin c’est ce que disaient certains militaires à la forge. Moi je ne voyais qu’une façon sortir avant, Marie elle, trouvait que c’était une atteinte aux bonnes mœurs et une sorte de meurtre, l’acte d’amour ne devant être que pour la procréation.

Elle fut donc servie et le 1er février 1827 arriva un petit monstre sans signe de vie, il ne fut pas baptisé et ne reçut pas de prénom. Autant vous dire que l’enterrement fut vite expédié.

De fait ce fut le dernier de la liste, Marie était abîmée au plus profond de son être et la sage femme lui dit qu’à son avis elle n’aurait plus d’enfant.

Cela nous réjouissait, pas pour les mêmes raisons mais nous n’aurions plus à nous soucier de l’avenir en faisant notre devoir conjugal.

Marie se consacra à la petite et la choya, le dimanche nous allions maintenant voir les belles dames et les beaux messieurs aux bains Marie Thérèse. L’établissement payant fut construit sur la falaise, un bâtiment central avec des colonnes et deux pavillons l’encadrant sur les cotés. Il y avait des salles de réunion et bien sur on accédait à une plage en descendant un escalier.

Les femmes étaient protégées des regards masculins par un rideau tendu au milieu et formant séparation. Les baigneuses étaient pourtant habillées d’une espèce de combinaison assez ridicule.

Marie se moquait, mais elle aurait éprouvé une immense joie si elle avait pu se mêler à ce gotha Rochelais. Nous les pas très riches il y avait la plage à coté de l’éperon dont je vous ai déjà parlée.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s