LE JOURNAL D’UNE VENDÉENNE, ÉPISODE 7, je deviens grand mère

 

Bon suivons le cour du fleuve de ma vie, il fallut bien que je me donne à nouveau au Jean, c’était mon devoir. Que croyez vous qu’il arriva, un nouveau polichinelle !

Victor arriva le 27 août 1873, je n’eus pas les même problèmes qu’au précédent, ma fille m’assista ainsi que ma tante Rosalie qui habitait maintenant à l’île d’Olonne, ma belle sœur Marie était également présente.

J’en avais huit à la maison une belle couvée. Je pense que j’aurais passé la moitié de ma vie de femme avec un enfant dans le ventre ou à la mamelle.

Pendant que j’avais le dos tourné mon Barthélémy s’était mis en devoir de courtiser la petite domestique, elle avait 18 ans et était bonne à marier et dans l’esprit de mon fils à culbuter sur un tas de foin. Je ne sais si l’affaire se fit, mais mon petit était encore un peu jeune pour s’établir alors il fallait mieux éviter les bévues.

Par contre pour ma Marie la virginité au mariage ne sera je pense qu’un vain mot, car rien n’y faisait,ni mes remontrances, ni la surveillance de son frère aîné ni la ceinture de son beau père. Elle avait le feu en elle, et mon mari disait quelle l’avait ailleurs. Le mieux était encore de négocier un mariage. Les deux s’aimaient, leur age n’était point rédhibitoire, aucune considération de terre ou de propriété, car les deux familles étaient pauvres comme Job, alors l’affaire se fit et en octobre 1874, je mariais mon premier enfant.

C’était la vie, mais je savais que j’allais perdre cette petite perle pétillante qui m’avait tant aidée dans mes deux dernières maternités.

Toute la famille fut réunie, mon oncle Pierre Barreau de Grosbreuil, mon oncle François de l’île D’Olonne, Jean Barreau de Sainte Flaive les Loups, seul manquait à l’appel mon oncle Jacques décédé en cours d’année, il y avait aussi la génération suivante, toute une trallée de cousins que l’on croisait régulièrement au cours des travaux agricoles, des foires, des messes, des noces et parfois aussi des enterrements.

Nous étions nombreux mais nous fîmes ça bien . Elle partit le lendemain de la noce avec son homme, Jean Louis Huet, ils n’allèrent pas loin car ils prirent logis au bourg et se louèrent comme journaliers.

Je fus donc grand mère en mars de l’année suivante, quand je vous dis qu’elle avait vu le loup avant la bénédiction, je ne m’étais pas trompée, une mère sait ces choses là.

Déjà grand mère à 38 ans, nous n’avions pas chômé. C’est donc sans l’aide de ma fille que je continuais à faire tourner la Crépaudière.

Rythme des saisons immuables, la vie à la campagne est un éternel recommencement, les bêtes, la traite, le fumage des sols, la taille des vignes, les semences, la moisson et enfin on recommençait.

Nous récoltions essentiellement du seigle et du froment et un petit peu d’avoine.

Comme je vous l’ai dit au début, les femmes ne sortaient guère de leur intérieur et il fallut que je rappelle à mon mari une lointaine promesse, me faire voir l’océan.

Je demandais à Marie ma fille de me garder les drôles, et nous partîmes avec le Jean, la distance était de 20 kilomètres soit environ 5 heures de cheminement, pour sur Jean aurait bien aimé prendre le train, mais moi peureuse il n’en était pas question. Je n’avais jamais dépassé la Mothe Achard et Sainte Flaive les Loups. Partis avant le lever du soleil nous arrivâmes avant le midi. Bien avant de voir l’immensité océane je fus saisie par les effluves de la marée et comme enivrée par ce parfum que l’on ne percevait point dans la cour merdeuse de la Crépaudière.

Les Sables d’Olonne était alors en plein développement, petit port de transit entre La Rochelle et Nantes il était l’entrepôt pour tout le commerce de la Vendée. Je fus stupéfaite l’eau n’était point là, nous étions comme deux andouilles avec le Jean. Une femme qui ramassait des espèces d’herbe gluante sur les rochers nous expliqua goguenarde que l’eau n’était pas bien loin et qu’elle allait remonter. Le Barthélémy qui n’était point sot nous expliqua en rentrant qu’on appelait cela une marée et que c’était la faute à la lune.

Effectivement l’eau remonta rapidement, un spectacle grandiose, tout fut recouvert et les vagues se fracassant sur les rochers nous éclaboussèrent, vraiment un beau jour que celui là. Sur la cote nous poussâmes vers un endroit que les gens du coin nommait le puits de l’enfer, j’étais pas rassurée car on entendait paraît il les cris des noyés ou les lamentations des marins damnés. Jean me disait :  crois dont pas à ces diableries, peut être mais c’était rudement impressionnant. Il fallut rentrer et nous voulions pousser jusqu’à l’île d’Olonne voir mon oncle et dormir à la Cheverie. Arrivés tard nous y fumes reçus comme des princes et partageâmes la soupe avec eux. Comme la maison n’était point grande avec Jean on alla dans la grange où nous nous fîmes un lit de paille. Je dois dire que cela donna des idées au Jean et que je fus bien réceptive à ses caresses, l’air de la mer, l’odeur entêtante des fenaisons, l’idée d’être seuls enfin pour faire nos affaires, sans se soucier des mioches qui pourraient nous entendre en rignochant. Le lendemain nous repartîmes gaiement, mon homme pensait déjà aux travaux en retard, le Barthélémy avait il faignanté en notre absence.

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