LE DIVORCE DE L’ENFANT, 2ème épisode

Vouharte recroquevillé autour de son église

Comment en dépit des contraintes sociétales, des habitudes ancestrales des paysans, une petite paysanne des bords de Charente brisa les liens sacrés de son union, c’est ce que nous allons voir en remontant le cours des événements.

L’histoire commune entre Jean et Catherine avait commencé en fin d’année 1793 lorsque l’oncle et tuteur de Jean avait rencontré le père de Catherine au cours d’une foire aux bestiaux. Une discussion en amenant une autre, ils en vinrent à conclure que le petit Jean ferait bien un mari pour Catherine. Certes il n’avait que 15 ans, mais était déjà gaillard et puis Catherine saurait bien le faire devenir un homme. D’une poignée de main l’affaire fut conclue sans évidement que les intéressés fussent au moins prévenus.

En rentrant à Xambes l’oncle avisa son neveu qu’il lui avait trouvé une femme, les bras du jeune homme lui tombèrent et il bredouilla qu’il était bien jeune. Ce gamin monté en graine rapidement, avait la stature d’un homme, mais sa musculature restait celle d’un adolescent. Pratiquement imberbe, légèrement boutonneux, les cheveux longs à la mode du moment, gras et non peignés, il n’excitait aucune convoitise de la part de la gente féminine du village. Sans aucune fortune ce petit orphelin de père, dénué de toute conversation et d’attraits, faisait un bien piètre parti. L’oncle salace lui dévoila les nombreux attributs qu’il pourrait découvrir dans le corps de la jeune femme, qu’il n’avait par ailleurs jamais vue. Vu sous cet angle, un mariage ne pouvait qu’avoir des avantages. Il voyait déjà la tête de ses compagnons paysans du même age que lui, lorsqu’il se promènerait au bras de sa femme ou qu’il conterait ses exploits d’alcôve. Il fut donc facilement persuadé, d’autant plus que la dot de la belle pourrait être fort intéressante, le veinard allait avoir le beurre, l’argent du beurre et le cul de la crémière, il s’en alla à son grabat le cœur fort joyeux .

Au Breuil en la commune de Vouharte, le Pierre Bonnemain que l’on appelait  » châtain  » pour le différencier d’un autre Pierre Bonnemain n’en menait en vérité pas large. Faisant le fier et ayant le verbe haut après boire, il n’avait pas la même aisance devant la Jeanne Courtin, son épouse devant Dieu et les hommes.

Lorsqu’il annonça à cette dernière qu’il avait donné sa fille à un jeune puceau de 15 ans de la localité voisine, Jeanne entra dans une colère épique qui retentit dans tout le Breuil au moins jusqu’au moulin de Touzogne.

Catherine, jeune fille réfléchit, pleura de tout son saoul, elle se faisait une haute idée de son mariage, y pensait, en rêvait, mais jamais au grand jamais elle ne s’imaginait dans les bras d’un drôle d’à peine 16 ans. De grande taille, corpulente, la poitrine généreuse, les fesses redondantes, un joli minois à peine gâché par des dents gâtées, elle soulevait un fort engouement parmi les mâles des bords de Charente du village aux 100 îles .

Rien ne put faire changer d’avis le père de famille, il eut droit aux pleurs de sa fille, au cul tourné de sa femme, aux exhortations du reste de la famille, mais rien n’y fit, il avait topé, paroles de paysans, même si elles sont celles d’un ivrogne, elles sont sacrées .

Il fallut se revoir pour peaufiner les termes du contrat, ce que chacun devait apporter, terres, meubles, bêtes, semences, objets usuels et lingerie. Il fut en outre convenu que Jean porterait son domicile chez ses beaux parents au Breuil de Vouharte. Il ne restait plus qu’ à entériner ces clauses par un contrat devant notaire et fixer la date des épousailles.

Ce qui fut moins facile, fut de faire rencontrer les deux futurs. Disons le tout de suite ,Catherine fut consternée par l’apparence du jeune homme et une répulsion irrépressible à son encontre se fit jour. Lui comme un benêt, fut surtout captivé par les formes de la jeune femme, il ne produisit aucune conversation construite, audible et intéressante et ne séduisit guère sa promise. Il tenta gauchement de lui voler un baiser en fin de journée, mais rétive elle s’écarta.

Les autres rencontres ne purent faire fondre la glace qui s’était formée entre eux, mais la date des noces approchait et il fallait bien composer.

Le 10 mars 1794, devant la famille réunit leur destin fut scellé, l’officier public Jean Baptiste Hériard de la Ronde ( en 1794, sans le  » de la ronde », terreur oblige ) maria Jean Godichon et Catherine Bonnemain à la maison commune.

Le convoi qui s’efforça d’être joyeux, monta la côte à la sortie du village, prit à droite et longea la Charente. Le chemin empierré, pour que les charrettes puissent amener les grains au moulin de Tousogne en une longue ligne, avançait entre la colline boisée et les peupliers du bord du fleuve qui en cette saison faisaient plonger leurs racines dans les eaux débordantes de la récente crue.

Au moulin les eaux se faisaient entendre et couvrirent un moment le son lancinant de la viole et le bavardage des convives. Après avoir salué les meuniers sortis sur leur pas de porte, le défilé monta sur le hameau agricole du Breuil.

Ils étaient arrivés, que la fête commence.

Jean et Catherine ouvrirent le bal, c’était la première fois qu’ils se tenaient dans les bras l’un de l’autre, la noce hurla aux baisers et avec une sorte de dégoût ils s’exécutèrent.

Jeanne Courtin la mère de Catherine et Marie Degail la mère de Jean perçurent le malaise et en un regard partagèrent leur inquiétude.

En fin de soirée Jeanne fit la leçon à sa fille, tenta de l’encourager et de la rassurer. Pour Jean qui était un homme il allait de soi qu’il maîtriserait la situation. Pas besoin de conseil et comme disait l’oncle« tu finiras bien par trouver le trou».

Mais les deux épousés tardaient à partir et il fallut que Jean le père et l’oncle de Xambes comme on amène la vache au taureau accompagnent les deux dans la chambre qui leurs était réservée.

Mais voilà que faire, ils ne s’aimaient pas, Catherine n’avait aucune attirance pour cet homme mal dégrossi à peine sorti de l’enfance et ils étaient tous les deux vierges sans aucune expérience ni connaissance des choses de la vie.

Catherine pensant que la chose serait plus facile dans le noir, souffla la chandelle. Elle finit par ôter sa robe et sa coiffe et se glissa dans le lit glacé. Jean assit pétrifié sur le bord du lit attendait.

Consciente qu’il ne servait à rien d’attendre et que plus vite l’acte serait pratiqué, plus vite elle pourrait en être délivrée, elle l’invita à se dévêtir et à le rejoindre.

Pétrifié le jeune homme osa enfin une caresse, Catherine roide ne ressentait que répulsion. Il finit par maintes contorsions à lui remonter sa chemise et à se coucher sur elle. Il la pénétra comme il le put, maladroitement, sans tendresse et avec précipitation. Pour une première il ne put se contenir longtemps et délivra Catherine. Un filet de sang coula entre ses cuisses, la semence emmêlée en sa toison se figea et une larme sur sa joue de femme coula. Catherine roula sur le coté et se refusa à toutes les autres avances de son jeune mari déniaisé.

Dès lors de ce dépucelage contraint, de cette défloration légale rien ne pouvait sortir de bon. La situation n’avait rien d’exceptionnelle en soi, la plupart des mariages étaient arrangés et les mariés ignorants, mais si la majorité arrivait à s’en accommoder il n’en fut pas le cas pour Jean et Catherine.

Si vous avez manqué le premier épisode

LE DIVORCE DE L’ENFANT, 1er épisode

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