LES 21 MARIAGES D’AIZENAY, 8 FÉVRIER 1747, ÉPISODE 2

 

Au village des Étangs les deux frères Rapiteau Pierre et Louis se préparaient pour leur union avec Jeanne Durand et Marie Biron. Ils étaient un peu à la traîne car le paysan qui devait les raser et leurs rafraîchir la nuque devant tant de mariés dans le village avait pris un peu de retard. Les deux futures belles sœurs devisaient ensemble, la nuit de noces pour chacune d’elles se déroulerait dans la même métairie, heureusement celle s’y comportait deux chambres. Jeanne âgée de 24 ans et qui avait déjà goutté au fruit de l’amour tentait en quelques mots de rassurer la petite Marie qui n’avait que 17 ans et qui en matière de sexualité ne connaissait que la vache que l’on mène au taureau. Elle n’avait même jamais embrassé qui que ce soit.

Pour Pierre et Jeanne la difficulté était venue du curé, car faire des galipettes dans les granges étaient certes aisées mais convaincre un éminent ecclésiastique de marier des cousins en était une autre.

Pierre Rapiteau le père avait eu beau plaider la cause de son fils en expliquant qu’ils avaient seulement un arrière grand père en commun, rien n’y fit et il en fallut passer par une dispense de consanguinité au troisième degré. Elles étaient presque toujours accordées par Monseigneur l’évêque de Luçon mais cela avait un coût qui se rajoutait au frais de la noce.

Ils sont bien malins, nos curés, comment trouver une femme dans nos petits villages sans que l’on ne soit pas de loin apparenté. De toutes façons nos gars protégeaient leur nid des oiseaux pilleurs des autres paroisses.

Enfin le départ s’effectua, le curé n’aimerait pas que l’on soit en retard.

A la grande Genette l’agitation était similaire, Louis Biron petit journalier sans le sous âgé de 26 ans avait concrétisé des longues fiançailles avec Jeanne Violeau une pauvrette de 24 ans, réunir la somme d’argent nécessaire à un établissement retardait souvent les noces.

Louis est accompagné de ses deux frères, il est orphelin de père comme d’ailleurs son épouse Jeanne

Là aussi, ils étaient lointains cousins, et monsieur le curé dût solliciter dispense auprès de Monseigneur.

Comme les autres groupes ils s’élancèrent, la noce n’était point nombreuse, mais a n’en pas douter on s’y amuserait bien.

A la Naulière, un peu en retrait trois hommes devisaient, le plus grand son vaste chapeau sur la tête se nommait Pierre Rabillé, âgé de 25 ans il portait fièrement une belle musculature formée aux travaux des champs, c’était un séducteur et bon nombre de paysannes à l’abri des pâtis avaient succombé à son charme. N’ayant pas fait germer de mauvaises graines dans le ventre fécond d’une paysanne amoureuse mais point mariée, il abordait sa liaison avec Marie Proust comme une bénédicité et la concrétisation de sa vie de garçon. Son interlocuteur René Rabaud était plutôt son contraire, petit , les épaules larges, des mains noueuses et larges, le visage rougeaud, le menton encore glabre, il n’avait connu en terme d’amour que ses mains rugueuses. Son père Jacques, tisserand au hameau de Villeneuve avait négocié presque à son insu un mariage avec Louise Rabillé la sœur de Pierre. Le troisième , se nommait Etienne Berthommé, également de petite taille un peu emprunté dans ses souliers neufs et ses habits du dimanche était un petit laboureur qui demeurait à la Naulière avec ses parents. Il avait rencontré Françoise Rabillé au cours d’une noce et s’en était suivi un long cérémonial, allant d’une première main sur l’épaule, d’un raccompagnement au domicile, d’un essai buccal, puis comme les choses se précisaient d’une masturbation mutuelle à l’abri d’une haie. Les deux étant mutuellement compatibles ils convainquirent leurs parents.

Ce triple mariage réunissait beaucoup de monde, la famille Rabillé, la famille Proust et la famille Berthommé, les tables étaient dressées, les volailles prêtes à la cuisson, le vin tiré, aire de bal dégagée et nettoyée. Louise et Françoise Rabillé s’étaient levées de bon matin pour se préparer et les hommes expulsés de la maison afin qu’elles puissent procéder à une toilette digne et complète. Elles étaient belles toutes les deux se ressemblant en vérité comme deux gouttes d’eau. Leurs deux promis en rigolant se disaient qu’ils pourraient facilement se tromper dans l’obscurité des lits clos.

La petite Marie Proust, taille fine, mais hanche large prête à la maternité, les seins généreux, un petit minois au nez légèrement retroussé, vint les rejoindre, elle serait bientôt leur presque sœur.

Les trois hommes prirent maintenant leur femme par le bras et se formère en un long serpent humain qui se dirigea dans l’allégresse vers le village et la cérémonie religieuse.

Village de la Pénière, mêmes scènes, mêmes répétitions de gestes, Pierre Chevoleau âgé de 20 ans, grand garçon poussé trop vite, la barbe encore clairsemée, le dos un peu voûté, le visage triste, les cheveux virant au roux va se marier avec une presque vieille. Renée Favereau a en effet l’age presque canonique de 29 ans. Cela commençait à faire tard pour un premier mariage, au vrai sans être disgracieuse, elle ne présentait guère d’attrait, petite, la taille déjà évasée, des petits seins disproportionnés par rapport à sa rondeur naturelle. Le visage rougeaud des filles des champs, de petits yeux gris , un nez aquilin, rien qui puisse attirer notre sauvageon. Arrangement typique Mathurin Chevoleau avait donné son garçon en l’échange d’une belle dote, le Luc Favereau pour se débarrasser de son encombrante fille avait du casser ses économies. Pierre, puceau sans expérience, redoutait sa nuit de noces avec cette vieille vierge. Ses camarades paysans se moquaient de lui d’une telle déconvenue.

A la Courelière, dans la petite borderie des Archambaud, les préparatifs allaient également bon train, double mariage Olivier et Catherine les enfants de la maison allaient prendre mari et femme dans la famille Guérit en la personne de André et Marie. Économie de dot, les filles n’amèneront que le strict nécessaire, à savoir un petit trousseau, un coffre et quelques mesures de grains.

Au village de la Crèche, la fille au Jean Daniau, petite drôlesse de 18 ans, belle comme le jour, beauté à faire damner tous les moines d’un couvent et servante de ferme à la Borderie épousait le Pierre Mercier domestique dans la même ferme et âgé de 20 ans. Les parents n’étaient point satisfaits de cette alliance mais comme la douce paille de la Borderie avait servi de lieu d’amour aux deux jeunes écervelés, ils avaient décidé de les marier avant de subir le déshonneur de voir arriver un enfant hors mariage. La raison avait suivi l’amour, alors que le plus souvent l’amour suivait la raison.

Mais foi de pauvres, les noces seront dignes malgré les difficultés financières des contractants.

Ils se mirent en branle et se dirigèrent vers l’église.

A la Chevrie, la métairie des Gauvrit prenait l’allure de kermesse, les hommes avaient déjà goutté au vin et les langues étaient fort déliées, Jean Martineau gros bonhomme de 24 ans originaire de la Génétouze, travailleur sans faille, malgré l’absence de père se préparait à convoler avec la fille de la maison dénommée Catherine. Il en était fou amoureux l’avait bisée, grignotée, pincée, caressée mais jamais troussée, pour sur il ne traînerait pas au bal ce soir.

Aux Étangs non loin de la ferme des Rapiteau, un autre mariage se préparait, Charles Morisset, paysan sans histoire courbé sur son travail, mais lors des fêtes redoutable danseur qui par son pas léger subjuguait les femmes, se mariait avec Catherine Minguet, cette dernière orpheline de père avait reçu l’accord de son frère Pierre pour cette union. Afin de ne pas se mélanger à la noce des voisins ils étaient tous partis un peu plus tôt.

Au Bourg aussi la fièvre était à son comble, Pierre Grellier, tisserand de 28 ans convolait avec une drôlesse de 17 ans, fraîche comme la rosée du matin. Jeanne Martin serait bien restée sans homme encore un petit peu, l’entretien d’un ménage et les grossesses à répétition ne l’inspirait guère. Bien qu’un peu curieuse des joutes qu’elle allait subir et son intérêt aux choses de l’amour aiguisé par les conversations salaces des femmes aux veillées. La famille se trouvait au complet, endimanchée et excitée par l’événement.

A l’autre bout du village chez les Gillier, Pierre le fils de la maisonnée discutait de ses bêtes avec son père Mathurin et avec Olivier Mercier son beau père. Les femmes étaient en retard car Catherine la mariée venait, au catastrophe d’avoir ses menstrues. Mais vite le problème est réglé ( sic ) et tous se dirigent vers le lieu du sacrement religieux. Catherine était fort marrie comment allait réagir son homme pendant la nuit de noces.

A la sortie d’Aizenay sur le chemin de la forêt , la maison de Louis Martineau,  il était charbonnier et passait la moitié de sa vie en forêt dans des huttes de branchages, le métier était dur et les mœurs de ses hommes assez frustres. Louis ne dérogeait pas à la règle, mais avait quand même séduit la jeune Catherine Hahan la fille d’Olivier celui qui était chargé du four public du village .

Pierre Gendre et Louise Masse, journaliers tous deux, partirent également en cortège de leur domicile, il était impensable d’arriver en ordre dispersé à l’église.

De toute part arrivaient les couples et leur famille, la majeure partie du village était de la fête et ceux qui ne l’étaient pas se trouvaient sur le bord des chemins ou sur leur pas de porte pour regarder passer ces longs cortèges sonores.

La place du bourg était pleine et chacun se saluait et se mélangeait, les mariés crispés répondaient aux saluts, les parents fiers échangeaient de brefs coups de chapeaux et une nuée de jeunes libres en ce jour tournoyaient en riant autour des adultes. Les jeunes filles , belles et parées minaudaient devant les invités célibataires. Les parents étaient moins attentifs et une liberté salvatrice planait sur l’ensemble d’Aizenay. Le curé et son vicaire tentèrent de mettre un peu d’ordre et chacun rentra dans l’église qui fut immédiatement bondée.

Les deux prêtres officièrent et les 21 couples furent unis devant dieu. Les familles dansèrent et banquetèrent toute la nuit. Les mariés s’éclipsèrent pour goûter au fruit autorisé. Le lendemain la jeunesse bruyante alla constater qu’aucun n’avait l’aiguillette nouée et que le drap était taché.

La journée du lendemain, tout le monde ripailla de nouveau malgré les brumes de l’alcool et la fatigue. Le vendredi le travail reprit et Aizenay retrouva un calme relatif car d’autres fournées de mariés étaient à prévoir.

La plupart eurent une nombreuse progéniture et bon nombre de vendéen descendent de ces couples.

Une famille eut trois enfants de mariés et deux autres en eurent deux.

Deux couples eurent recours à une dispense de consanguinité et trois mariés seulement semble être de communes voisines.

Les mariages le même jour et en même temps étaient fréquents mais gageons qu’une telle quantité sortait quand même de l’ordinaire.

Le curé fit signer tout le monde à la fin de la cérémonie, mais seulement 9 personnes sur l’ensemble des noces furent capables de signer.

Pour lire le premier épisode cliquer sur le lien suivant :   https://larbredeviedepascal.com/2019/01/11/les-21-mariages-daizenay-8-fevrier-1747-episode-1/

Source : archives numérisées Vendée

 

 

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