UNE VIE DE VENDÉEN, Episode 3, les mariages et les difficultés de la vie en commun

Le travail repris, mais avait il cessé ? En 1837, la Chaillot quitta notre service pour se marier, quelle perte, elle travaillait dure et n’était point avare de nous satisfaire de la vision de ses appâts.

Mon frère François l’aurait bien épousée ou simplement troussée dans l’étable. Des épousailles, mes parents jugèrent qu’il était trop jeune quant aux ébats dans l’étable la belle Marie qui voulait garder sa fleur elle n’en voulut point.

Comme je vous l’ai déjà dit mon père se retrouva au conseil municipal, le maire du village était le deuxième mari de la propriétaire de la Guérinière. Bien qu’avisé et point sot étant analphabète vous vous doutez bien qu’il était là pour faire nombre. Il en était quand même pas peu fier et les paysans du canton le respectaient.

Moi maintenant je n’allais plus en classe et je pris ma place comme servant de ferme, mon père ne faisait pas de cadeau ni d’ailleurs mon frère François qui rude gaillard âgé de 6 ans de plus que moi était maintenant un homme.

En 1840 ce fut le drame dans la famille, mon oncle Pierre fut balayé par la maladie en quelques jours il avait 36 ans. On le porta en terre mais la situation financière de sa veuve était catastrophique, elle se logea donc à la Guérinière avec Victor âgé de 7 ans. Au vrai elle était prise d’au moins trois ou quatre mois. Sans la solidarité familiale une journalière veuve avec enfant et enceinte nous pouvait vivre que de mendicité, elle prit donc place chez nous et se logea dans le lit des deux aïeuls décédés . En août ma cousine Marie Henriette naquit à la maison.

Nous étions donc 9 à la Guérinière, mes parents et nous autres les trois enfants, la belle sœur et son fils Victor  et le bébé à la mamelle, la servante Marie Anne Rocard venait compléter la tablée.

Malheureusement le bébé passa de vie à trépas, il faut dire qu’il était un peu malingre et ne pouvait pas survivre.

Ma tante ne resta guère et trouva une place comme domestique au moulin de la Baillère, en remplacement on prit Aimé Celestin Nicoleau comme domestique et homme à tout faire, il était pas finaud et avec mon frère on le faisait enrager.

Nous étions mon frère et moi arrivés à un carrefour et la saison des amours allait commencer.

François en bon ainé qu’il était commença à courtiser une belle de la chapelle Achard, elle porte le jolie nom d’Adèle Bonamy, tout y passa les simagrées lors de la saint Jean, les longues balades main dans la main pour la raccompagner chez elle, les premier baisers, puis les visites au pâti où la belle se laissait explorer. Puis comme les galants se convenaient et que les parents respectifs se convenaient aussi, une date fut fixée et le contrat bien ficelé. Le mariage eut lieu le 20 juin 1848 avant les moissons, Marie Adèle vivait au Moulin des Landes à la Chapelle Achard avec ses parents journaliers mais le mariage eut quand même lieu du la commune de Sainte Foy.

Belle fête en vérité, car j’y découvris ma future.

Le couple passa la nuit de noce dans la maison paternelle, François fut apparemment gaillard. Mes parent convinrent que le couple resterait à la Guérinière. Au niveau de l’intimité on repassera mais malheureusement l’économie familiale primait et les deux amoureux n’avait pas d’autonomie financière.

Moi mon amoureuse s’appelait Rose Craipeau, en vérité une sublime fleur mais l’épine à notre amour était qu’elle habitait à Talmont à la Guernessière, vous parlez d’une trotte. Cela en valait assurément le coup. Ma rose pas farouche m’offrit sa fleur, nous étions du même milieu c’est à dire pauvre comme job nous pouvions donc réunir nos destins.

Le 6 février 1849 soit 11 mois après mon frère je convolais, il se posa immédiatement le problème de l’installation, nous ne pouvions aller à Talmont chez les beaux parents la terre ne nous aurait pas nourris. Provisoirement tout le monde resta à la Guérinière, imaginez la promiscuité entre deux jeunes couples et le couple des parents, certes cela faisait une belle tablée . La situation devint vite confuse . Trois femmes à la maison un vrai calvaire, en théorie ma mère commandait en tant que chef de famille, mais les belles filles souvent liguées lui menaient une guerre sourde et sournoise pour la prééminence dans la maison. Adèle accoucha enfin de sa première fille, malheureusement la petite ne vécut que 19 jours.Rose devint également grosse, il fut décidé que mon frère et sa femme partiraient à la Chapelle Achard chez les Bonamy lorsque Rose accoucherait, la Sévrerie n’était point grande non plus mais pour pallier à une situation explosive cela devrai suffire.

Mon couple s’installa dans leur lit clos, c’était celui de feus les grands parents, nous y passâmes donc des nuits sublimes, en silence bien sur, les vieux n’étaient pas loin.

Arrêtons nous un peu sur les événement qui nous environnaient, le roi des Français Louis Philippe s’était sauvé en Angleterre, verrions nous le retour du vrai roi sous le nom d’Henri V et bien non, la république fut proclamée le 28 février 1848. Je me fichais pas mal de tout ce remue ménage mais j’ accueillis tout de même avec plaisir le fait de pouvoir voter. Jusqu’à présent je n’étais pas assez riche pour être un bon électeur. L’arrivée du suffrage universel me permit donc de donner mon avis. Mais comme je n’y connaissais vraiment rien je me laissais influencer et je votais pour un légitimiste.

Personne ne bougea en Vendée lors de l’ insurrection du mois de Juin, puis ce fut l’élection du premier président de la république, je donnais mon vote au neveu. En mai 1849 lors de l’élection législative je préférais un légitimiste. En fait je m’en foutais un peu et je pense que mes votes furent tout ma vie influencés par les notables comme l’immense majorité des Vendéens je respectais fort les bons messieurs et je les saluais chapeau bas.

Mais reprenons le cours de ma vie, Rose était donc enceinte et elle accoucha la veille du jour de Noël avec l’aide de ma mère et de ma belle sœur, les naissances étaient affaire de femmes et moi et bien on m’avait foutu dehors. On nomma la petite, Marie Rose Victoire, mon père et mon frère furent les témoins.

Comme convenu François quitta la maison pour aller chez ses beaux parents, ce n’était pas de gaîté de cœur et je les revois tous deux avec leurs baluchons et la simple carriole qui amenait le peu de meuble qu’ils avaient en propre.

Du haut de ses 23 ans ma femme Rose jubilait, mère de famille, elle était sur un pied d’égalité avec ma mère. Moi aux travaux des champs je commençais à supplanter mon père qui déclinait quelque peu

Tout allait merveilleusement bien, surtout que ma Rose était de nouveau enceinte, j’espérais cette fois un bon gros garçon.

Le 11 mars 1851, elle perdit les eaux, l’organisation familiale se mit en route, sage femme, belle mère et même la belle sœur Adèle accourue de la chapelle . L’accouchement fut fort long et enfin un garçon apparu. Malheureusement mon petit avait souffert et la maman était épuisée .

Fort heureusement Adèle qui avait un garçon à la mamelle lui donna le sein.

La catastrophe s’abattit sur la Guérinière, le 29 avril le petit fut conduit au cimetière et un mois après le 20 mai, Rose mon amour s’éteignit épuisée par une fièvre persistante. Je la pleurais un peu donnant priorité au travail de la terre.

La petite Marie Rose n’était point sevrée, Adèle l’emmena à La Chapelle pour quelques temps.

Je me murais dans la travail, ma fille était revenue à la Guérinière, et je restais veuf. Mon frère revint avec sa famille sur la Guérinière, il avait désormais 2 enfants et sa femme en attendait un autre.

Le temps passa immuable et un autre drame vint me frapper, comme pour effacer tout souvenir de Rose, ma petite fille âgée de 5 ans contracta une maladie et mourut dans les bras de sa grand mère le 8 octobre 1854.

J’étais seul âgé de 30 ans, et je devins morose me portant même à quelques excès au cabaret. J’eus une petit béguin pour une jeune veuve, je la goûtais même sur un tas de foin mais je me la fis chiper car au fond de moi je n’étais pas près. Allant de mal en pis, on me convainquis sans trop de mal qu’il fallait que je me trouve une autre femme, j’avais besoin d’affection, le corps d’une femme me manquait et un homme de mon age ne devait pas rester seul.

Je posais mon dévolu sur une jeune servante de la commune qui travaillait à La Vergne chez Julien Mansard. Ce dernier que je connaissais bien me recommanda sa probité et son sérieux, de plus ses charmes étaient certains. Fille d’un pauvre journalier, elle ne marchanda pas son accord, Victor était tout de même métayer.

Nous nous mariâmes le 16 janvier 1856, la fête fut fort belle, ma famille était réunie au complet, mes parents, mon frère et ma sœur, ainsi que mes cousins et cousine du Girouard et de la Chapelle Achard. Nous étions nombreux et le festin s’étendit sur deux journées.

Moi même si je m’amusais bien, je n’avais qu’une hâte, c’est de découvrir ma nouvelle femme.

Contrairement à la précédente que j’avais lutinée bien avant les saints sacrements du mariage et dont pas une parcelle de son corps ne m’avait échappé, Marie était vierge. Je fis donc attention et mis mon coté hussard de coté pour la première nuit.

Après les flonflons , la reprise du labeur, nous n’étions point riche trois couples avec enfants à faire vivre sur la métairie qui je le rappelle ne nous rapportait que la moitié des bénéfices.

Le 21 octobre mon vieux passa de vie à trépas, il n’avait que 60 ans mais la vie de forcené qu’il avait menée derrière ses attelages l’avait prématurément usé. Ma mère fut inconsolable, déjà revêche et aigrie par la vie qu’elle voyait filer elle se recroquevilla sur elle même et se tourna vers le bon dieu .

La propriétaire nous renouvela le bail à moi et à mon frère, place à la jeunesse, mon grand père et ma grand mère, ma première femme et ses deux enfants et l’une des petites de mon frère était déjà décédés à la Guérinière.

Notre ferme était notre lieu de vie mais aussi celui de notre mort .

Adèle et Marie à peu de chose près se trouvèrent grosses en même temps, ma belle sœur accoucha en février et ma femme en mai

J’eus le bonheur de voir arriver un garçon, on le nomma Victor Pierre Henri. La vie s’ écoulait donc tel un long fleuve presque tranquille. L’harmonie entre nos deux couples était presque parfaite. Bien sur avec mon frère on s’engueulait souvent, quels champs ensemencer, quel engrais utiliser, quelle coupe de bois à faire en premier, enfin bref des querelles techniques qui n’entamaient pas notre belle fraternité.

Pour la politique c’était autre chose, je tenais du comte de Chambord, et lui, ce sombre idiot tenait de Napoléon le petit, nous étions sur le sujet irréconciliable surtout le dimanche à la sortie du cabaret.

Nos femmes étaient inséparables, les travaux à la ferme, le lavoir, les tétées, la toilette et comme disait mon frère elles troussent leur cotillons ensemble. Bien sur elles s’entendaient pour reléguer la belle mère qui entre nous assumait plus qu’elle ne le devait la garde des petits drôles . Par contre pour aller à la messe les deux générations s’entendaient fort bien. Des vrais grenouilles de bénitier, et Monsieur le curé par ci et Monsieur le curé par là, encore un peu ces diablesses au cul bénis nous auraient imposé le carême et l’avent. Mais bon mâle ne saurait mentir point de bondieuserie dans le devoir conjugal.

Les enfants se succédèrent à la Guérinière, Louis, Auguste et Victor, une naissance tous les 2 ans cela ferait de la main d’œuvre pour plus tard, si bien sur les progrès de la technique ne remplaçaient les hommes. Mais en attendant il fallait bien nourrir tous le monde. Mon frère y allait du même rythme, à croire que nos femmes avaient la même physiologie . Nous étions en 1861, il y avait neuf enfants à la maison plus nous quatre et la mère. Nous avions également un domestique le petit Jacques Clerc âgé de 15 ans.

Mais je ne vous ai pas dis, je suis comme mon père avant moi au conseil municipal, le 16 septembre 1860 nous sommes officiellement installés, le maire s’appelle Firmin Loué. Les discutions sont souvent chaudes, budget, réfection des chemins et du presbytère, remembrement. Je ne suis pas un acteur prépondérant mais enfin j’apporte mon jugement de petit métayer.

Puis notre vie bascula, nous perdîmes notre métayage, plus de trente ans sur les mêmes terres, nous les considérions presque comme les nôtres, mais non.

Nous trouvâmes facilement, les frères Martineau étaient connus pour leur sérieux. Rien ne se présenta sur Sainte Foy mais une jolie opportunité se fit jour sur La Chapelle Achard.

Une métairie sise à la Burnière était disponible, les conditions étaient favorables, le contrat fut signé.

Comme il y a trente ans, le convoi de charrettes se forma emportant notre mobilier et nos hardes.

Lorsque je regardais mes enfants assis sur la carriole, je me revoyais assis à coté de la grand mère Jeanne. Maintenant la vieille c’est ma mère et c’est moi qui conduit l’attelage.

Nous n’allions somme toute pas très loin, la Burnière ou Brunière qui se situe administrativement sur La Chapelle Achard est très proche de Sainte Foy. Les femmes continueront à faire confesse auprès de leur curé préféré et mon frère et moi à boire le coup et reluquer les demoiselles au même cabaret.

Le même travail sur d’autres terres, les même gestes, les mêmes habitudes. Notre double foyer s’agrandit encore de deux marmots. Onze enfants vous parlez d’une trâlée, heureusement les aînés commençaient à fournir un travail substantiel.

Voir les deux épisodes précédents

https://pascaltramaux.wordpress.com/2018/10/26/une-vie-de-vendeen-le-demenagement/

https://pascaltramaux.wordpress.com/2018/10/29/une-vie-de-vendeen-la-gueriniere/

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