LE MANOUVRIER DE THIERCELIEUX EPISODE 4

 

 

Degraimberg passe maintenant à la couche, c’est l’élément en majesté de la pièce, grand, surmonté de quatre colonnes en bois mêlé, le travers ( matelas ) est en plume, deux draps en toile de ménage et une couverture blanche.

François a un pincement au cœur, il se souvient des étreintes avec sa belle des acrobaties qu’il fallait réaliser pour se déshabiller avec un minimum d’intimité alors que les enfants dormaient à coté. Bien sur les pans de rideau qui entouraient le lit assuraient, de leur serge verte, une protection visuelle. Mais le bruit, les soupirs de l’amour, les amant attendaient d’être sur que tout le monde dorme, mais va pour des petits, pas pour des adolescents qui initiés aux mystères de la vie par les animaux de la ferme ne pouvaient ignorer ce qui se passait derrière les rideaux opaques.

Oh bien entendu François retrouvait de temps à autres Marie Jeanne dans l’étable pour une étreinte brève dans la paille ou debout, jupons troussés le long du râtelier des vaches. Mais là aussi l’intimité pouvait n’être que relative. Les enfants baguenaudaient partout, les voisins des fermes pouvaient surgir à tout moment, la vie était communautaire, heureusement la pudibonderie n’était point de mise et personne ne s’offusquait d’une paire de fesses entre aperçue ou d’une femme satisfaisant à ses besoins naturels debout dans une cour de ferme.

Cette pièce maîtresse de l’ameublement de François est estimé à 82 livres, d’ailleurs ce n’est plus son lit mais celui de sa fille et de son gendre. Les rôles sont inversés c’est lui qui maintenant entend les râle de plaisir de sa fille et de son gendre. Il en est un peu gêné, mais le plus souvent abruti de fatigue il s’endort en ronflant .

Marie Jeanne est morte depuis ce maudit 4 octobre 1785, il n’a jamais repris femme malgré son age, se satisfaisant d’un commerce épisodique avec une veuve du hameau de Chalendon.

Les quelques hardes qu’il possède, sont dans un vieux coffre que l’expert estime 5 livres.

Voila maintenant le lit où dormaient ses filles et qui abrite maintenant les songes de ses nuits, 1 travers ( matelas ) de plume et deux draps de toile de ménage faisant 48 livres.

Pour son fils qui vient maintenant occasionnellement, une simple couche à 4 colonnes de  » chesne  »avec 2 pans de rideau de serge. Ce n’est pas en bon état et ne vaut que 8 livres.

Comme les pièces servent à tout on trouve à coté du lit 5 mannes d’osier pour le transport du pain, 2 pelles à fours ( les paysans faisaient leur pain ) et 2 paniers d’osier, l’ensemble d’une valeur de 3 livres.

Il fallait en finir, chacun s’impatientait. Une pièce que l’on nommait laiterie, mais qui servait aussi de sellier abritait 2 tonneaux d’une valeur de 4 livres, un petit baril, 1 tinette ( baquet de bois dont le fond est plus large que le haut servant pour le transport du beurre ) et une auge le tout pour 4 livres 10 sols c’est précis mais les comptes font les bons amis.

Le notaire examine 3 toiles et 3 pots de terre valeur 6 livres.

Puis une cage à poules qui servait souvent à Marie Jeanne quand elle allait vendre ou échanger quelques volailles dans les environs.

Un  » passoir d’ozier  » que Marie Jeanne utilisait avec dextérité lorsqu’elle tamisait les graines. François aimait la regarder, muscles saillants, poitrine opulente semblant vouloir sortir du corsage.

Un troisième objet appelé mâchoire ( étau ) complète ce lot estimé à 6 livres.

Enfin un objet cher à la tendre disparue, le cuvier ou elle mettait sa lessive, quel travail de forçat heureusement on ne change pas d’habits tous les jours. Cela ne vaut guère et le notaire l’accouple avec une chèvre à bois ( chevalet à 3 pieds ) pour une estimation de 6 livres.

Marie Jeanne qui mettait la main à tout, coupait le bois et n’hésitait pas à le fendre.

On en a maintenant fini avec l’intérieur de la maison, la troupe ressort et comptabilise 7 paires de volailles à 24 sols la paire donc 8 livres 8 sols.

Les volailles sont l’affaire des femmes et des enfants, François ne s’en occupe point.

La cour est vraiment boueuse et rappelle au notaire les rues merdeuses de Paris décidément il va abîmer ses bottes.

Il comptabilise maintenant une corde de bois blanc pour une valeur de 16 livres, gros budget pour les ménages. En cette région de la brie une corde vaut un peu moins de 4 stères précisément 3 stère 839. François, son bois il l’achète près de Montmirail chez une veuve avec qui il est en affaire.

Terminant son inventaire le notaire note encore 3 treillis ( 6 livres ), 3 auges à cochons ( 20 sols ) et 3 boisseaux de graine de lin. ( 7 livres 6 sols ).

François avait vraiment hâte que tout cela se termine, chaque recoin de la maison, chaque objet lui rappelait le souvenir de son défunt amour. Pour arrangé qu’il fut, ce mariage de sans le sous fut une union sans orage. Maintenant le fantôme de Marie Jeanne hante la petite maison de Thiercelieux .

Au matin François croyait l’entendre se lever pour raviver les braises et tirer la première traite. Mais il se ravisait ,ce n’était que sa fille qui reprenait les gestes ancestraux de ces lignées de femmes Briardes .

La succession était partagée en trois et François en avait entièrement le libre usage.

On rentra maintenant se mettre au chaud, Rosalie remit une bûche et au tour de la table de chêne on continua à parler gros sous.

Le total de l’estimation de l’ensemble des meubles et effets se portait à 1179 livres, pas une fortune mais pas non plus la misère. Le couple de journalier avait accumulé au grès des successions et de son travail un ensemble de produits manufacturés qui lui apportait un certain degré de confort.

 

Voici les liens pour les  3 premiers épisodes

https://pascaltramaux.wordpress.com/2018/04/13/le-metayer-de-thiercelieux/

https://pascaltramaux.wordpress.com/2018/04/16/le-manouvrier-de-thiercelieux-episode-2/

https://pascaltramaux.wordpress.com/2018/04/23/le-metayer-de-thiercelieux-episode-3/

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