Nuit du 12 avril 1782
Lorsque l’on se balade dans les vieux registres à la recherche de nos aïeuls, nous découvrons subrepticement des petites mentions qui nous renseignent sur un élément de vie.
En l’occurrence, cherchant une énième Marie dans les registres paroissiaux de Criquebeuf en Caux, province de Normandie, ma lecture en diagonale m’amène à repérer une information sur la mort d’un habitant du village.
Les renseignemenst sur les causes des décès ne sont déjà pas fréquents mais quand ils se rapportent à un événement historique ils sont à proprement rarissimes.
Je vous le dicte en entier et nous verrons ensuite à restituer le décor du drame.
» Etienne Duhamel matelot de cette paroisse mort le 12 avril 1782 sur le vaisseau du Roy le César qui a sauté en l’air, suivant le certificat du commissaire des classes de la marine délivré à Fécamp le 2 juillet 1785. Sur le témoignage de deux matelots embarqués avec lui qui rapportent l’avoir laissé à bord lors de l’explosion du dit vaisseau. »
Voila pour l’annotation, pénétrons plus avant dans les faits.
Etienne Duhamel lorsqu’il embarque à bord du » César » est un matelot de 43 ans, il laisse une femme et un petit garçon à terre. La jolie épouse se nomme Marie Anne Duhamel et n’est âgée que de 25 ans. Le petit garçon né avant mariage va bientôt avoir 6 ans.
Tous les hommes de la famille sont mariniers et les femmes sont habituées aux absence prolongées de leur compagnon.
L’embarquement est d’importance car le » César » est un vaisseau de 74 canons de la marine royale, long de 54 mètres, il possède 2 ponts et est armé de 28 canons de 36 livres, 30 de 18 livres et 16 de 8 livres.
Cet arsenal est mené par environ 740 hommes et mu par une surface de voilure de 2500 mètres carrés.
Sans le savoir Etienne Duhamel qui sous le commandement du commandant d’Espinouse quitte en mars 1781 le goulet de Brest pour se joindre à l’escadre du comte de Grasse dans les Antilles va participer à la guerre d’indépendance des États Unis.
C’est un événement majeur pour l’histoire du monde mais notre matelot Normand entassé à bord avec ses camarades et la viande sur pied ne s’intéresse guère à la guerre franco américano – Anglaise.
Dès le 28 avril 1781 c’est le combat de Fort Royal où De Grasse débloque la Martinique au détriment de la flotte de Hood.
Le 24 mai De Grasse couvre le débarquement de Tobago
Le 5 septembre le » César » participe avec la flotte à la célèbre bataille de la Chesapeake.
Le 25 et 26 janvier il participe enfin à la bataille de Saint Christophe.
Etienne et les autres ne souffrirent guère de ces différents engagements et c’est le cœur confiant que le 12 avril 1782 ils participèrent à leur ultime bataille.
Cette confrontation navale qui fut fatale à notre héros de Criquebeuf se nomme la bataille des Saintes. Du nom de petites îles qui sont situées entre la Guadeloupe et la Dominique.
On y retrouve le comte de Grasse et l’anglais Rodney et 35 navires Français escortant un convoi de 100 navires de transport poursuivit par une meute de 36 navires anglais bien plus rapides.
Les anglais aux coques cuivrées rattrapèrent les Français mais le premier affrontement permis au convoi de s’échapper.
Trois jours plus tard le 12 avril c’est l’ affrontement final, la tactique de Rodney et de Hood aidée par le vent s’avère fatale aux Français qui prennent une bonne dérouillée.
De Grasse avec son vaisseau amiral la » Ville de Paris doit se rendre » et 4 navires Français sont capturés. La flotte Française se retire en désordre sans être poursuivie sans que l’on sache pourquoi par les British.
Quoi qu’il en soit le navire de Etienne Duhamel commandé par le capitaine Marigny fut saisi par le HMS Centaure et un équipage de prise monta à bord du » César ». Avec de nombreux morts et complètement démâté le fier 74 n’avait pu se sauver.
La perspective d’une longue captivité n’enchantait guère l’équipage, seuls les officiers étaient échangés ou libérés sous condition d’argent . Pour les pauvres hères c’était l’emprisonnement dans les geôles fétides des îles britannique.
Il eut mieux fallut l’internement, dans la nuit pour une raison inexpliquée une violente explosion secoua le » César ». Le feu prit dans la Sainte Barbe et enflamma les poudres stockées à proximité.
La déflagration fut terrible et le navire comme projeté en l’air, 400 hommes d’équipage et 50 anglais périrent dans cette tragédie.
Le » César » fit parti des vingt navires Français détruits pendant la guerre d’indépendance Américaine.
Si la lutte pour la liberté fut gagnée par les Américains, les Français y virent l’occasion de s’enfoncer encore plus dans la banqueroute .
La révolte des colons Américains n’est évidement pas la cause de la révolution Française, mais les dépenses de la guerre contre les Anglais accentuèrent la déroute financière du royaume et accéléra la chute de la monarchie.
Le décès du pauvre Etienne Duhamel est évidement sans importance, sa veuve se remariera et son fils grandira avec un beau père.
Anonyme parmi les anonymes la poussière de notre marin Normand saupoudre t ‘elle encore les belle plages Guadeloupéennes !!!!
Note : Étienne Duhamel né à Criquebeuf le 7 avril 1738 de Étienne et Marie Lenormand.
Marié le 15 février 1779 0 Criquebeuf en Caux avec Marie Anne Duhamel, ont un fils nommé Jacques Étienne le 30 octobre 1778, dont postérité.