Bataille de la Somme ( attaque du bois de Chaulnes octobre 1916 ), la guerre à Fernand épisode 7

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                                                                   Guetteurs de nuit

Lorsque bien des années plus tard on demandait à Fernand si il avait fait Verdun, il répondait invariablement qu’il n’avait pas fait Verdun mais le Mort-Homme. La distinction pouvait passée pour futile, mais pour lui elle ne l’était pas et malheur à ceux qui dans les estaminets d’après guerre de la ville de Nangis soutenaient le contraire à notre ancien chacal.

C’est donc profondément marqué que Fernand et ses copains quittèrent l’enfer de Verdun.

Fernand avait gagné sa première citation

ORDRE DU RÉGIMENT N° 59

Le lieutenant colonel ROLLAND commandant le 1 er régiment de marche de zouaves , cite à l’ordre du régiment

TRAMEAU FERNAND
Par 2 fois blessé au cours de la campagne, a malgré un éclat d’obus reçu à la main dans les murs de Verdun, tenu à continuer son service, donnant à tous ses camarades un très bel exemple d’énergie.

Aux armées le 14 avril 1916
Le Lieutenant colonel ROLLAND commandant le régiment

Ils se retrouvent dans le secteur de Nouvron dans l’Aisne, un petit paradis pour ces survivants des vals de Meuse.

Le temps se traîne, ponctué de travaux de terrassement , de corvées et de patrouilles. Fernand est retourné une fois chez lui depuis sa dernière convalescence. Le corps de Fernande lui a fait momentanément oublier la tuerie. Il reçoit d’elle maintenant des courriers réguliers , ils se marieront à la fin de la guerre si Fernand en réchappe. Des petits colis lui arrivent parfois, il les partage avec ses compagnons de malheur.

Des nouveaux sont régulièrement amalgamés, Fernand est un ancien, déjà blessé 3 fois, il a connu la retraite, la Marne, Yser, Verdun, il regarde ces nouveaux avec un peu de pitié, lui son âme est foutue, mais eux ?

La fleur au fusil de 1914 est fanée, les illusions d’une victoire rapide se sont envolées et l’espoir de raccompagner les Boches à coup de pieds au cul jusqu’à Berlin est bien loin maintenant.

Les fridolins sont de rudes soldats, mais eux aussi ont perdu l’espoir de se promener aux pieds de la tour Eiffel avec une fransouzen à chaque bras.

Pendant les longues heures de faction Fernand revoit le gamin qu’il a embroché avec sa baïonnette et qui hurlait de terreur, son premier mort à l’arme blanche, les yeux dans les yeux. Ce souvenir le hante, il y en eut d’autres depuis mais cet enfant terrorisé était le premier. Sa Rosalie fut tachée de sang, son esprit aussi.

Quand son cerveau vagabondait, il revoyait aussi les monceaux de charognes dévorés par les rats, les yeux des copains morts picorés par les corbeaux, et les corps qui semblaient se déplacer sous l’action des asticots.

Il sentait même l’odeur entêtante de la mort, elle vous prenait, vous pénétrait et jamais ne vous lâchait.

La joyeuse troupe de Zouaves du début de la guerre avait fait place à une bande de tueurs aguerris, vivant entouré de morts, gorgés de pinard et de gnôle dont seul l’instinct de survie leurs permettait de survivre. Le mythe du héros chantant la Marseillaise en mourant pour la nation n’est qu’une invention de l’arrière. Malgré l’habitude ils étaient morts de trouille quand résignés ils montaient à la mort, les plus jeunes chiaient parfois dans leur froc, certains devenaient fous. Mais la majorité sortait de leur trou au coup de sifflet et tombait dignement au chant d’horreur.

Fernand peu expansif garde ses impressions pour lui, les bleus verront bien par eux même si dieu les garde.

Le secteur est calme certes, mais les obus allemands tombent quand même quotidiennement, parfois 1000 par jour, évidement par rapport à l’orage de Verdun ce n’est qu’ une simple averse.

Chaque jour ce bombardement inutile fait des victimes, exacerbant les rancunes.

La brigade pense être oubliée des état majors, lorsque Joffre déclenche sa bataille de la Somme. Le Général Foch à la tête des troupes Françaises et le général Haig à la tête de celles des Anglais attaquent sur un front réduit les 500 000 allemands massés sur la Somme. Après un matraquage de 6 jours les Français se ruent sur les teutons et les bousculent, nos amis Anglais n’ont pas la même chance, leur attaque piétine, le choix de progresser sur une seule ligne ralentit l’avance Française et fait échouer la grande percée.

Le 26 septembre, la 75ème brigade se met en mouvement et quitte le plateau de Nouvron.

  • Fernand, je te dis qu’on y va dans la Somme.

  • Ben oui qu’on y va, tu veux qu’on aille où imbécile

  • Le gros a encore besoin de chair fraîche, on va tous y passer.

Pendant 2 jours les troupes cantonnent comme elles peuvent dans le village de Laversine, puis tout le monde monte dans les Berlier pour la gare de Crépy en Valois.

  • Putain j’en ai marre d’être brinquebalé comme des bestiaux

  • Ouai et le train c’est pas mieux, d’autant qu’on se rapproche de cette foutue bataille.

  • Dites mon lieutenant c’est t’y pas vrai qu’on y va dans la Somme.

  • T’occupes pas de ça, tu verras bien.

Partis de Laversine à 5 heures du matin l’arrivée au camps d’entraînement se fait vers 16 heures.

Fernand voit la pancarte, ils sont à Crevecoeur le grand dans l’oise .

Commence alors une quinzaine de jours d’entraînement intensif, il faut former les nouveaux et initier les soldats aux nouvelles techniques.

  • Il font vraiment chier avec leur manœuvre.

  • Comme si on savait pas se battre.

  • Ce con de sous lieutenant qui n’a même pas de poils au cul nous commande comme si il avait fait Verdun.

  • Je va t’y foutre une rafale si il continue.

  • Ferme la Gaston, sur que c’est chiant mais au moins on se prend pas de balles dans la peau et on dort pépère.

Le 14 octobre on lève le camp en camion direction d’Harbonnière, cette fois la 1ère ligne se rapproche.

Le 15 octobre, à pinces avec le barda la brigade prend position à Chaulnes, toujours au sein de la 25ème division mais avec la 10ème armée du général Anthoine.

Commence alors une nouvelle progression vers l’enfer, il pleut des trombes d’eau, les tranchées commencent a être boueuse.

Les boches trempés comme nous ne bougent guère.

Le déluge se poursuit, le niveau d’eau monte dangereusement, il fait froid les soldats sont transis de froid les vêtement alourdis par la pluie. Bientôt plus moyen de s’asseoir, les cagnas sont noyés.

  • comment qu’on va pioncer.

  • J’en sais rien, allonge toi dans la flotte.

  • Du con j’sais pas nager.

Le problème du sommeil devient vite récurant et la seule solution trouvée est que les hommes se mettent dos à dos avec le fusil à hauteur du ventre posé en travers de la tranchée. Quand l’un tombe, l’autre le relève d’un coup de coude. Le soldat dort ainsi quelques minutes par ci par là. Quand le ravitaillement arrive chacun mange debout en prêtant attention à ne rien laisser tomber dans la gadoue. Autre important problème, comment faire ses besoins, impossible de creuser des feuillées avec la flotte, impossible de se baisser à moins d’avoir le cul dans l’eau.

  • Debout dans une gamelle

  • ou dans un vieux casque

  • ouais et on le balance chez les chleuhs .

Ce ne fut rien de moins qu’amusant, de ne pas dormir, debout sous la flotte, enlisés dans la boue du Santerrois.

Le 17 octobre, en prévision de l’attaque une préparation d’artillerie commence, un vrai matraquage, les boches passent un sale moment, mais il faut bien le reconnaître ce sont de rudes combattants.

La bataille de la Somme est une confrontation humaine mais surtout technologique, l’ensemble des inventions diaboliques de l’homme a été utilisé et tous les moyens matériels disponibles ont été déplacés sur ce front.

Mais Foch aussi génialissime qu’il puisse être n’a pas prévu le mauvais temps, l’attaque est reportée pour le lendemain.

Les hommes doivent endurer une autre nuit de souffrance.

Le 18 octobre, les canons reprennent de la voix, mais rebelote, il pleut et l’attaque sera pour le lendemain.

Les soldats commencent à s’écrouler dans la boue, le fristi arrive avec difficulté, le pain est trempé.

Le déluge continue le 19 octobre et l’attaque n’a pas lieu, les zouaves pourtant disciplinés sont au bord de l’émeute.

Les noms d’oiseaux fusent au passage des sardinés. Conscients de l’effort inhumain demandé, ces derniers ne relèvent pas et passent leur chemin.

Le 20 octobre la situation est la même, 5 jours que Fernand et ses copains sont enterrés dans la glaise, l’épuisement est total.

Mais miracle le soleil apparaît soudain, les gros de l’arrière se remettent à pilonner le bois de Chaulnes. A 17 h 45 les boches font un tir de barrage, les pépères tombent drus, les pertes sont sévères, des soldats meurent noyés dans la gangue de boue.

5 avions ennemis viennent au dessus de nos lignes pour observer le dispositif Français.

On annonce que l’attaque va avoir lieu demain, de la gnôle et du pinard arrivent en abondance c’est un signe.

Le 21 octobre, enfin on va sortir de là, ou du moins essayer de s’extirper de la tranchée. Plus tôt crever au combat que de rester un jour de plus dans cet enfer.

Il faut attendre 15h 17 pour se lancer à l’assaut, le combat est épique les lignes Allemandes sont balayées par la furia des Chacals. La mitrailleuse de Fernand est brulante.

  • J’ crois qu’on les a eu Fernand.

  • Putain de raclée qu’on leurs a mis

  • Mais Fernand, y reviennent, tire nom de dieu ;

Le bruit lancinant de la mitrailleuse reprend, tac tac tac, les allemands s’écroulent et forment un monticule, toutes leurs attaques sont repoussées.

La nuit arrive, on reste sur place et une fois de plus on lutte pour ne pas dormir, pas de gamelle depuis ce matin, la goutte est digérée depuis longtemps.

Le 22 octobre les Allemands contre attaquent à 4 h du matin.

  • Tu parles d’une engeance y fait encore nuit.

  • Ouais, et pi c’est un coup à crever le ventre vide.

Tac tac tac, le bruit maléfique reprend, les boches ne reprennent pas le bois.

A l’aube des territoriaux amènent au péril de leur vie un ravitaillement de café, c’est toujours mieux que rien. Dans la journée on organise la nouvelle position, et on débarrasse la tranchée des macchabées teutons en les plaçant comme une protection tout le long du boyau.

A 16 h 47 ils reprennent l’attaque, toujours accueillis de la même façon, 423 allemands se retrouvent prisonniers, il faut bien dire que beaucoup d’entre eux ont fait  » kamarade  ».

Le 23, le pilonnage boche reprend intensément, et des gaz sont utilisés, certains Zouaves sont gravement brulés par les fumées toxiques.

Toute la journée, les attaques se succèdent sans succès pour les allemands, les zouaves couverts de gloire se font tuer sur place, mais non de dieu, le bois de Chaulnes reste entre leur main.

Le 24 octobre, la 75ème brigade est enfin relevée, la pluie a repris, l’attaque sur Pressoire est reportée au 28 octobre.

Les zouaves ivres de fatigue, mourant de faim, couverts de boue, trempés depuis 9 jours vont enfin pouvoir souffler.

CHAULNES

 

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