CHARLES
Charles se fit embaucher dans un premier temps chez HURTU et le couple s’installa rue des Fontaines dans une petite maison briarde en pierre meulière et en calcaire, elle possédait une cave et un étage. On accédait au rez chaussée surélevé par un double escalier en pierre et l’on pénétrait dans une pièce éclairée par une grande fenêtre, les murs étaient peints en noir dans leur partie basse et la pièce chauffée par une petite cheminée. Charles et Léonie en firent leur chambre . A coté,une pièce aveugle, la cuisine avec un poêle à charbon, une table, quelques chaises et un bahut briard . On accédait à l’étage par un escalier en bois fermé et l’on pénétrait dans 2 pièces mansardées qui servaient de chambre.
L’électricité n’avait pas fait son apparition et l’on allait chercher l’eau dans un puits situé devant la maison.
Au pied de la maison coulait le ru des Tanneurs, les commodités étaient dans le jardin et le dit ru servait d’évacuation.
La sucrerie Lesafre Bonduelle était à 200 mètres. Entre la maison et l’usine se trouvait la mare dite aux tacots, car la voie de chemin fer passait à proximité avec la gare du même nom. La rue était animée, car le lavoir municipal se trouvait à coté de la mare et les ménagères se succédaient pour y faire leurs lessives.
Le couple eut bientôt un autre enfant qu’ils prénommèrent Rolande, Léonie accoucha chez elle assistée du docteur Gautry .
Charles alla déclarer sa fille à la mairie, il remonta à pieds la rue des Fontaines en compagnie de ses 2 témoins Ferier Henri, charron de 29 ans et Hurand Paul mouleur chez Hurtu, ils empruntèrent la place du commerce ,laissant l’ancien relais la Providence sur leur droite , passèrent devant les hall à bestiaux, traversèrent la place du marché, longèrent la rue commerçante de la poterie et se rendirent à la mairie. L’hôtel de ville se trouvait dans l’aile gauche de l’ancien château féodal de la Motte Nangis, il furent reçus par le maire Louis Victor Massé qui prit leur déclaration.
En sortant ils allèrent boire une chopine au café du Minage pour fêter la naissance, une chopine pouvant en cacher une autre, Charles revint un peu gai ce qui fit rire Fernand mais un peu moins sa mère.
Au mois de novembre Charles reçu un plis qu’il dut aller chercher à la poste rue Noas, elle lui apportait la confirmation qu’il passait dans la territoriale. Il serait maintenant tranquille, du moins le croyait-il.
Il ne resta pas longtemps chez Hurtu et reprit son travail à la tache dans les fermes des environs. Notamment à la ferme de la grande Bertauche .
C’était les moissons de l’année 1902, il se fit aisément embaucher à la ferme du Haut Chaillot qui était exploitée par Arthur Clacy mais qui appartenait au comte Greffulhe. Ce comte était un financier ,qui possédait une immense fortune , le château de Bois Boudran vers Melun,le Haut Chaillot, les fermes du Pars, La Chaise et Maupas. Ce personnage né en 1848 a servi de modèle à Marcel Proust pour le personnage du duc de Guermantes. C’ était un tyran et ses fermiers le redoutaient.
Charles, pourvu qu’il ait de la paille à mettre en botte, se moquait des propriétaires, qu’il ne voyait jamais.
Le couple eut un quatrième et dernier enfant en 1906 et le nommèrent Robert.
A partir de 1906, Charles ne fit plus la route seul, son fils Fernand qui venait d’avoir son certificat d’étude avait selon son père assez été à l’école.
Fernand devint botteleur comme son père et grand père, ce n’est pas qu’il y tenait beaucoup, les journées étaient longues et harassantes et l’idée d’avoir son père dans les jambes à longueur de journée ne l’enchantait guère .
Lorsqu’il marchait pour rejoindre les fermes dans le froid et le noir, il pensait au père Kuhn l’instituteur alsacien au drôle d’accent et qui n’avait pu retourner dans sa province d’origine depuis 35 ans. Ce vieux fou d’alsaco leur en faisait baver, mais finalement ce n’était rien par rapport à une journée dans les champs.