CHRONIQUE 10 FERNAND 1891 – 1969 LE TEMPS DES HÉROS

fernand

FERNAND

Les années passèrent à Nangis, en 1911 vint le conseil de révision pour Fernand. Les futurs conscrits devaient se réunir dans une des salles de la mairie de Nangis pour passer devant un aréopage de militaires et un médecin. Mais les festivités commencèrent la veille,les futurs bidasses se réunissaient et faisaient le tour des maisons des conscrits pour boire un coup. La plupart finissait ivre et le garde champêtre devait souvent arrondir les angles le lendemain.
Le jour dit, tout le monde à poils ,en file indienne pour le passage sous la toise .Il fallait faire 1, 54 m minimum pour ne pas être déclaré inapte.
Fernand faisait 1,63 m, très sec, les cheveux châtain clair et les yeux marron foncés. Il fut déclaré apte.
En sortant de la salle ses copains de football l’attendaient pour aller boire un dernier verre au Commerce. Il était pressé car il venait de rencontrer une jeunette de 18 ans à qui il commença à faire des avances, mais tradition oblige ,un petit coup pour fêter  » le bon pour le service bon pour les filles »comme on disait à l’époque.
Seulement notre Fernand, fut signalé comme forte tête par les gendarmes de Nangis, ce n’est pas qu’il était mauvais bougre, mais il était susceptible et le moindre regard appuyé pouvait provoquer son ire.
Sa dernière bagarre dans un bal avait nécessité l’intervention des gendarmes, l’affaire s’était arrangée mais les condés l’avaient dans le nez et le signalèrent pendant le conseil de révision.
La conclusion fut qu’il reçût une affectation assez inattendue pour un Seine et Marnais, le premier régiment de zouaves.
Il fut donc incorporé au fort de Saint Denis, pour y faire ses classes.
A l’issue de cette période il reçut son affectation définitive ,ce fut le quatrième zouave et là Fernand tombât des nues car ce régiment se trouvait en Tunisie.

LES ZOUAVES

Fernand eut une permission pour annoncer la nouvelle à sa famille, il était assez excité à l’idée de partir, et fit le tour de ses connaissances pour la leur annoncer
Avec Fernande, la petite cuisinière, l’annonce se passa un peu plus mal et l’idée de ne pas voir son futur pendant 2 ans ne pouvait que lui faire couler des larmes.
Une dernière fois il embrassa père et mère, ses 2 frères et sa petite sœur.
Il rejoignit son groupement pour le grand départ.
Fernand n’avait jamais pris le bateau n’y jamais vu la mer.
La traversée dura quelques jours, le mal de mer faisant des ravages dans les nouvelles recrues, les officiers laissèrent sagement les troupes tranquilles.
Le 4 régiment de zouaves dans lequel il fut incorporé se trouvait donc être logé dans une caserne à Bizerte, il y fut du 11 octobre 1912 au mois d’avril 1914.

BIZERTE 2 (2)CASERNE DE BIZERTE

Pendant 20 mois la vie fut très dure, les exercices succédaient aux exercices qui eux mêmes succédaient aux gardes.
La chaleur incommodait souvent les métropolitains et les marches harassantes dans le désert mettaient nos soldats à rudes épreuves.
Des missions de guérillas contre les rebelles à la présence Française aguerrissaient les militaires.
Les zouaves fondés en 1830 faisaient partie des troupes d’élites et s’étaient illustrés sur tous les théâtres d’opérations coloniales.
Fernand s’enorgueillissait avec ses compagnons de faire corps avec ce régiment prestigieux.

LE CONFLIT

Mais le destin fit que Fernand ne fut pas démobilisé comme il le prévoyait.
Le Samedi 1 aout 1914, les murs de tous les villages et villes de France se couvrirent d’affiches annonçant l’ordre de mobilisation générale.  Mon grand père Fernand à la place de serrer dans ses bras sa Fernande se retrouva au fort de Saint Denis où le premier régiment de marche des zouaves fut créé.
Ce régiment fût formé du 4 ème bataillon du 1er zouave qui arrivait d’Alger, du 5 ème bataillon du 1er zouave qui se trouvait en garnison au fort Saint Denis et du 11ème bataillon que formèrent les réservistes Zouaves de la région parisienne.

FORT (2)FORT SAINT DENIS

Le lieutenant colonel HEUDE prit le commandement du régiment qui appartenait à la 75 ème brigade de la 38 ème division.

Le régiment fut réuni le 11 aout dans la cour du quartier et fut passé en revue par le général SCHWARTZ
Les hommes avaient un moral d’acier et brûlaient du désir de reconquérir l’Alsace et la Lorraine.
Le départ pour la Belgique se fit le 12 août 1914, le régiment soulevait l’enthousiasme chez les villageois qui accouraient en masse pour acclamer ces soldats à l’uniforme exotique.
Ces acclamations fanatisèrent les troupes et les zouaves avec Fernand en tête, reprenaient à tu-tête le refrain de leur chanson de marche

zouave 2Fernand 1er sur la gauche au 1er rang

Hourrah ! Hourrah ! mon brave régiment !
Le canon résonne et le clairon sonne !
Hourrah ! Hourrah ! Zouaves en avant !
Hourrah ! Hourrah ! En avant ! En avant !
Pan ! Pan ! L’arbi ! Les chacals sont par ici !
Les chacals, ces vaillants guerriers !

Les soldats furent embarqués en train jusqu’à Anor, petite ville du nord. Les hommes cantonnèrent à Chimay en Belgique.
Après 5 jours de marche, la brigade arrivait à Castillon et se rapprochait de la ligne de contre attaque.
Le 22 août à 3 heures du matin la brigade était rassemblée au sud de Gerpienne, à 10 heures l’ensemble du 3 ème corps attaquait les faubourgs sud et est du Chatelet.
Ce fut le baptême du feu pour le régiment mais aussi une cruelle désillusion, la victoire en chantant, la chéchia sur la tête, baïonnette au canon n’eurent pas lieu.
Les zouaves se jetèrent sur les Allemand avec une folle témérité, fruit d’une tactique obsolète et se firent hachés par les mitrailleuses lourdes des felgrauds.
L’artillerie Française fut inefficace alors que celle de l’ennemi prit  la 75 ème brigade de flanc. Les pertes furent importantes.
Comme sur tous les fronts les zouaves ne purent tenir et furent contraints à la retraite. Celle ci se fit dans l’ordre et la discipline, le premier zouave rétrograda dans l’Aisne et se retrouva le 25 août à Clermont les Fermes avec le 3 ème corps, les zouaves servaient d’arrière garde.
Le 26 août la colonne fut inquiétée par un parti de Ulhan et la vigilance fut renforcée, le départ pour la marche se fit dès 3 heures du matin afin de profiter de la nuit pour ne pas se faire repérer par les avions et les Zepellins.
Après la grande halte les soldats reprirent la marche, il était 21 heures la pluie tombait abondamment, personne ne chantait. Fernand en tête de colonne se mordait les lèvres pour ne pas s’endormir, il marchait mécaniquement sa fatigue était telle qu’il pensait qu’il n’arriverait jamais à la prochaine étape.
Et pourtant malgré la pluie, la boue et l’épuisement il fallait avancer, les fridolins les talonnaient.
Le 28 août, cantonnement d’alerte à Monceau le Neuf, les conditions climatiques n’étaient guère meilleures mais les troupes purent se reposer un peu mais manquèrent de ravitaillement.
L e même jour vers 21 heures le régiment se dirigea vers Perpeville en vue d’une attaque vers Ribermont.
Le 29 août, la brigade était engagée sur Ribermont ,le village était inoccupé, la ligne progressa, mais encore une fois une violente canonnade provoqua le désordre et obligea à un repli sur Ribermont.
Les pertes furent sévères et le moral était atteint quand les zouaves prirent le bivouaque.
Le lendemain, ils contre- attaquèrent vers Villiers le Sec pour protéger la retraite d’une brigade d’infanterie de ligne et encore une fois les pertes furent importantes.
La retraite se fit sur Renoussart
En une semaine le régiment avait chargé 3 fois et Fernand comptait déjà quelques bons copains au tapis.
Le 31 août la brigade prit son cantonnement près de Vivaise.
L e régiment de Fernand se porta sur l’avant une marche interminable sur les routes et chemins encombrés par des convois de toutes sortes de l’artillerie et des équipages de pont. Un mélange d’unités hippomobiles et d’automobiles disparates ( des camions, des bus, et des taxis) .
Le 2 septembre ils passèrent l’Aisne, le 4, la 38 ème division protègeait le 18 ème corps d’armée contre les attaques furieuses des Allemands notamment à Condé en Brie et à Montigny. La brigade est contrainte au replis.
Les zouaves sont rassemblés par le Général Schwartz au nord de Bergères face au bois de Beaumont encore une fois pour que la division retraite en bon ordre.
Reprise de la marche et arrivée à Thiercelieux.
Changement provisoire à la tête de la division et à la tête de la brigade, les Zouaves s’en moquent ils ont leur lieutenant colonel qui est toujours fidèle au poste.
Le régiment est le 7 septembre à Montceau les Provins dans la région de Provins, Fernand reconnaît bon nombre de fermes et en bon paysan vante les mérites de la terre Seine et Marnaise.
Mais la retraite était terminé , les français sous l’impulsion du maréchal JOFFRE reprenaient l’offensive, les Allemand n’allaient pas encore une fois visiter Paris.
Le 12 septembre la brigade est engagée à , Fismes, les zouaves se couvrent de gloire.

FISMES (2)FISMES

Le 15 ,violent combat à la ferme Sainte Marie, l’engagement fut meurtrier, alors que les bataillons montaient à l’assaut, Fernand voyait tomber le lieutenant colonel Heude, un zouave de l’escouade de Fernand le ramenait à l’ambulance mais malheureusement le premier chef du 1 er régiment de marche était décédé. Il fut remplacé par un chef d’une grande valeur le lieutenant colonel BIGAULT du GRANRUT.

C’est en montant à l’assaut de le ferme Sainte Marie que Fernand reçut sa première blessure, une balle dans l’épaule droite, c’en était provisoirement terminé pour lui. Malgré la douleur il se dirigea vers un poste de secours divisionnaire et il dut patienter 2 longues heures avant qu’un jeune médecin ne l’examine. La blessure était sérieuse mais le pronostique vital n’était pas engagé contrairement à des dizaines de camarades de combat. Il fut donc considéré comme victime valide et dut gagner à pieds l’hôpital de campagne le plus proche. Il n’était évidement pas seul et les membres de la colonne d’éclopées se soutenaient mutuellement. La route fut pénible et la prise en charge à l’hôpital fut laborieuse tant l’afflux de blessés, était important. Fernand n’avait reçu pour tout soin qu’une compresse d’huile camphrée. Mais enfin soigné, nourri il prit un repos mérité. L’institut Saint Nacre avait été ouvert le 4 août 1914 et avait 175 lits, les bonnes sœurs étaient attentionnées et les médecins efficaces.
Fernand eut une permission à Nangis puis s’en fut rejoindre son unité à Ypres sur un secteur de la cote 60. Le 12 décembre 1914, Fernand retrouva sa compagnie et lutta dans des conditions dantesques contre les Allemands qui venaient de déclencher une violente offensive. Le 25 décembre,ils furent relevés. Les pertes étaient énormes, les survivants exténués sans chaussure, couverts de boue, de poux et de galle n’étaient plus que l’ombre d’eux même et aspiraient à un repos bien mérité. Ils défilèrent devant le général HUMBERT à Popering.

Un petit mois de repos et fin Janvier Fernand est de retour au front. Il n’y reste guère lors d’une patrouille un tir de mitrailleuse allemande fauche l’escouade plusieurs ne se relevèrent pas. Fernand fut grièvement blessé à l’avant bras gauche, l’os ressortait et la plaie était large et profonde. La douleur était fulgurante la perte de sang importante. Il ne pouvait revenir seul à l’ambulance. Les survivants de la patrouille le ramenèrent. Cette fois ci la blessure était très grave et les médecins envisagèrent l’amputation. Encore une fois le cheminement fut le même, poste de secours, hôpital de campagne et hôpital de l’arrière. Les soins et la convalescence furent longs.
Remis sur pied Fernand prit quand à lui la direction de Vincennes, car avec quelques gars de sa compagnie il s’était porté volontaire pour devenir mitrailleur. Il rejoignit donc le centre d’instruction de Vincennes le 12 juillet 1915 et suivit le cours de mitrailleur, il était nommé télémétreur à l’issue du stage le 2 août.
A son retour de permission le 18 septembre1915, Fernand incorporait une compagnie de mitrailleuses sous les ordres du lieutenant DUVAL, il fut équipé d’une mitrailleuse Hotchkiss. L’ensemble du mois d’octobre sera consacré à l’instruction et aux manœuvres. Leurs positions se trouvaient à Tilloloy dans la Somme, ils y effectuèrent des travaux offensifs en vue d’une grande offensive qui n’aura pas lieu.

ZOUAVE MITRAILLEUR (2)MITRAILLEUR EN ACTION

Après des travaux harassants ou nos soldats paysans retrouvèrent le travail de la terre et des exercices pour former les nouveaux arrivants ils furent mis au repos pendant un mois sur le secteur de Moyenville.
Depuis le 15 mars le nouveau commandant du régiment se nommait ROLLAND. Il se fit tout de suite apprécier par la troupe lors d’ une visite des cantonnements où il ordonna le changement de la paille, des literies , le nettoyage des caves et celui des toilettes.
Les zouaves le nommèrent PAPA
Pour tuer le temps et rendre la vie moins triste certains soldats créèrent des journaux, chaque régiment eut le sien.
Celui du régiment de Fernand se nomma  » La chéchia  » et fut fondé par René CLOZIER, il y eut 73 numéros tirés à 1000 exemplaires.
Le rédacteur en chef était un nommé DACHE.
CLOZIER créa également une troupe de théâtre qu’il nomma  » Chacal Hurlant  » et qui joua une centaine de représentations sur le front et qui eut l’honneur de jouer au théâtre Sarah BERNHARD en novembre 1917.
Le journal et le théâtre permirent aux soldats de garder le moral malgré les pertes.
Le 22 octobre la division est passée en revue par le général en chef.

Le 31 octobre la brigade prenait le front dans la région de Canny sur Matz et plus particulièrement pour le 1er zouave le secteur du bois noir et l’ouvrage de la Garenne. Elle y resta 1 mois et demi et nos paysans soldats remuèrent la terre encore et encore. Le secteur fut calme mais il y fit un temps de chien, la pluie, le vent et le froid rendaient la vie difficile dans les tranchées et les hommes se demandaient bien quand cette comédie allait cesser.
« Quoi qu’on fout tout l’long du jour?
Rien, rien rien.
Quante on s’réveille, on attend d’becqueter; quante on a becqueté on pense à r’commencer.
On devient tout mou et quoi qu’on y peut ? Juste dalle ».
Maurice Genevois dans Nuit de guerre .
Maurice Barrés rapporte une phrase entendue dans les tranchées  » Vivement la guerre qu’on se tue ‘.
Le 24 décembre un aumônier vint célébrer la messe, les rations de pinard et de gnôle avaient été augmentées ,c’était le deuxième Noël passé dans les boyaux de terre froide. Ce fut d’ailleurs le dernier pour un gars de Coulommiers en faction et qui fut touché par un salopard de boche qui n’avait pas respecté la trêve tacite de Noël. Le lieutenant était tellement en colère qu’il faillit monter une expédition punitive.

Le 16 janvier 1916, la brigade prit son cantonnement près de Montdidier; repos, exercices, soins des petits bobos.

Dès le 11 février 1916 la division fut en alerte, des mouvements de troupes allemandes avaient été repérés dans la Meuse.

VERDUN

Les soldats en guerre depuis 18 mois avaient déjà tous connus la misère, le froid, la faim, la pluie, et la mort, mais aucun ne pouvait imaginer l’enfer de Verdun.
Presque toutes les unités Française y passeront, 160000 poilus y resteront. Cette bataille sera l’une des plus meurtrières de l’humanité.
Pourquoi Verdun ? Question plus facile à répondre pour nous que pour Fernand et ses congénères .
Devant l’enlisement de la guerre il fallait une grande victoire pour les allemands, cette dernière devait anéantir les forces françaises ou du moins les fixer le plus possible. Par ce triomphe les allemands devaient anéantir le moral des Français.
Falkenhayn ne choisit pas Verdun au hasard, le site se prêtait merveilleusement à cette attaque, la Meuse, des collines et des forêts ainsi que des forts désarmés depuis 1915 constituaient un endroit idéal.
Les allemands n’avaient pas compris que l’esprit de la Marne régnait encore chez les Français, et que regroupés derrière leur chef ,qui deviendra mythique ,pour eux ils ne pouvaient perdre.
L’offensive Allemande commença le 21 février 1916, la tactique était simple, bombardements intensifs pour rendre toutes résistances impossibles, puis occupation de la zone par l’infanterie.
Les zouaves furent convoyés en train jusqu’à la gare la plus proche et se mirent en route en colonnes. Ils marchèrent 3 jours et en se rapprochant de l’enfer ils entendaient de plus en plus distinctement les râles des canons. La lueur des incendies se joignait au bruit pour accompagner les zouaves à la mort.
Ils croisaient parfois des convois de réfugiés qui fuyaient les combats. Pauvres hères à pieds où juchés sur quelles haridelles qui emportaient les vestiges de leur vie. Ces hardes, ces quelques meubles, ces bibelots sauvés du naufrage étaient empilés sur des vilaines charrettes à bras. Ils avançaient, la tête basse ,résignés, les soldats se mettaient de coté et les laissaient passer.
Les soldats de relève croisaient ceux qui descendaient, les relevés survivants de nul part la tête basse, ivres de fatigue, rongés par la vermine couverts de merde et de boue avançaient, les rangs étaient clairsemés, les mines défaites, personne ne parlait.
Là aussi les zouaves se poussaient, par respect, par discipline ou par compassion des misères que ceux qui descendaient avaient subis.
Le 8 mars, dernière station du chemin de croix, un village en feu ou les zouaves doivent cantonner.
Quelques habitants s’y trouvaient encore et aussitôt un étrange marché s’organisa. Les paysans ne pouvant emmener toutes leurs réserves de nourriture, la vendaient aux zouaves ou l’échangeaient contre des cigarettes. Les soldats achetaient tout et n’importe quoi, des saucisses, des animaux sur pieds, de la graisse, de la charcuterie, du café.
Fernand fut plus malin et attendit que les gendarmes eurent chassés les derniers autochtones pour aller se servir gratuitement. Puis le 9 mars , la montée au Mort d’homme, ils prirent position près du bois bourru et du ravin de Chattancourt, la progression vers cette zone avait été très pénible et déjà très meurtrière. Il fallait faire vite, la 67 ème division que remplaçait la 25 ème était à bout. A 13 heures Fernand avec sa Hochkiss était en ligne.
Le lendemain sous un bombardement violent le régiment organisa sa ligne.
Le 11 mars se fut l’attaque du bois des Corbeaux, les zouaves fanatisés et gavés de gnôle s’élancèrent vaillamment contre les défenses allemandes.
Ils s’échouèrent le long de la rangée de barbelés, Fernand perdit des dizaines de copains, hachés par les mitrailleuses, coincés comme des chiffons dans les fils de fer.
Ils regagnèrent avec peine les boyaux de départ.
La journée qui n’était pas terminée fut l’une des plus meurtrière pour le premier zouave car à peine de retour dans leur position de départ il furent pris en enfilade par des batteries ennemies situées à l’est de la Meuse, puis durent subir une nouvelle attaque Allemande.

Il participa le 12 à une nouvelle tentative sur le bois des Corbeaux et se fut encore un échec.
Le régiment fondait comme neige au soleil, mais il lui fallut encore résister à une attaque des Allemand sur le bois Bourru.

MORT D'HOMME (2)TUNNEL ALLEMAND
MORT D’HOMME

La mission du fier régiment était un succès ,les allemands n’étaient pas passés.
Le 21 mars, la brigade passa sous le commandement du Colonel HOFF, les soldats s’en moquaient, ils étaient enfin relevés de l’enfer.
Douze jours pour mourir dans une période de la bataille qui faisait 777 morts et 920 blessés par jour. Fernand comme les autres était hagard, une fatigue incommensurable, un dégoût pour la vie, abruti de bruit, de mort, sourd des bombardements quotidiens, le corps imprégné d’une odeur de charogne.
La vue troublée à jamais par le spectacle des corbeaux et des rats qui se repaissaient d’un repas sans cesse alimenté.
Des frères d’armes tombés à quelques mètres qui vous tendaient les bras et que vous étiez obligés de ne point voir.
Vous vous bouchiez les oreilles mais leurs suppliques qui arrivaient jusqu’à vous, hanteront toujours vos nuits.

Au petit matin les cris avaient cessé, les âmes étaient trépassées, seuls les corps restaient, dépouilles sans linceul, livrées aux outrages du temps.
Souvent, les sentinelles appelaient, « il est vivant, il bouge encore, » le sergent se déplaçait, examinait, donnait une claque dans le dos du soldat qui comprenait. Une armée de nettoyeurs blancs, myriade empressée dans la brume des matins blêmes semblait soulever les corps des amis morts .
L’esprit brouillé par un paysage qui changeait sans cesse sous l’effet des bombes, les corps des copains de casemates abandonnés dans les lignes semblaient disparaître dans les mains de fossoyeurs lointains, broyés, mixés, enterrés et déterrés au grès de la pluie meurtrière . Après quelques jours dans les tranchées de troisième ligne, ils reprirent leur place au niveau de la tranchée des zouaves. C’est là que le 4 avril 1916, Fernand passa du statut de soldat à celui de héros, il fut blessé par un éclat d’obus, mais refusa d’être évacué. Ce qui par ailleurs lui sauva peut être la vie, car les évacuations étaient hasardeuses.
Ils furent enfin relevés du front et partirent se refaire du coté de Crépy en valois.

Quelques semaines pour refaire ses forces. Ce n’était pas des vacances, entraînements , instructions, tours de garde et patrouilles ponctuaient la période de reconstruction, mais enfin les soldats n’étaient plus au front.
C’est à Crépy que Fernand fut appelé par le Capitaine, responsable de son bataillon. Dans un garde à vous impeccable il apprit qu’il était cité à l’ordre du régiment.

ORDRE DU REGIMENT NUMERO 59

Le lieutenant colonel ROLLAND commandant le 1 er régiment de marche de zouaves , cite à l’ordre du régiment

TRAMEAU FERNAND
Par 2 fois blessé au cours de la campagne, a malgré un éclat d’obus reçu à la main dans les murs de Verdun, tenu à continuer son service, donnant à tous ses camarades un très bel exemple d’énergie.

Aux armées le 14 avril 1916
Le Lieutenant colonel ROLLAND commandant le régiment

Le 24 Avril le régiment prit en charge le secteur de Nouvron dans l’Aisnes. Les travaux d’entretien des tranchées étaient le quotidien.
Le secteur était calme, mais le 30 avril un bombardement violent secoua les lignes, les pertes furent peu nombreuses. Jusqu’en septembre la brigade occupera ce secteur. La vie était monotone, les bombardement constants avec des pointes à 1000 bombes par jour. Les zouaves creusaient et entretenaient les tranchées, une routine.
Cette dernière était parfois troublée par des tentatives d’attaques Allemandes.
Le 17 mai se présenta un déserteur, Fernand voulut  lui mettre un coup de baïonnette, un regard du sergent l’en dissuada. L’allemand fut conduit au PC de division.

Le 21 mai les soldats se délectèrent d’un combat aérien ,qui comble du bonheur ,vit la chute de l’avion Allemand, un Aviatik biplan avec 2 aviateurs à bord.
L’aéronef s’écrasa devant les lignes françaises, ne laissant aucune chance aux membres de l’équipage.
Les patrouilles étaient aussi quotidiennes et très dangereuses,
Le 23 mai et le 24 mai disparurent un sergent et un officier.
Le déserteur avait parlé, une forte patrouille se forma pour vérifier l’exactitude des renseignements fournis. Fernand fut volontaire et avec 20 zouaves ,vérifia l’existence d’un poste de surveillance teuton près du moulin de Chatillon.
Le 30 mai une patrouille similaire fut reconduite, Fernand n’y participa pas car il était de corvée de soupe.
Le régiment resta jusqu’en octobre 1916 dans ce secteur.
De nouveau un repos à Crépy en Valois et au camp de Crevecoeur
Mais le Général Foch, généralissime tenait à son offensive dans la Somme.
Le 12 octobre, la 25 ème division partait pour Chaulnes dans la Somme et fut affectée au 10ème corps du Général ANTHOINE.
L’ensemble de la 75 ème brigade (Colonel HOFF ) arriva sur site le 14 et s’installa dès le lendemain. La division occupait un front de 1500 mètres. Le 16 octobre commença un intense bombardement des lignes allemandes, il se poursuivra jusqu’à l’attaque du 21.
Le 17 un groupe d’allemands tenta de se rendre, mais pas de quartier ils furent anéantis par une torpille.
L’attaque sur le bois de Chaulnes fut repoussée de nombreuses fois à cause des conditions météo exécrables.
Après une intense préparation d’artillerie, l’attaque eut lieu le 21 octobre à 15 h17 ce fut une réussite totale.Le régiment attaqua les bois de Chaulnes et s’empara du bois 4. La division garda ses positions malgré de nombreuses contre attaques.
Le lendemain les allemand revinrent puis repartirent en laissant un grand nombre de prisonniers.
Les jours suivants les boches tentèrent de se refaire mais sans succès.
Le temps était exécrable la pluie tombait sans s’arrêter, transformant le terrain en marécage. Il fallut évacuer les troupes
A partir du 24 la 75 ème fut relevée et prit quelques jours de repos sur Montdidier.
Le 3 novembre, les zouaves étaient de retour en ligne et attendaient l’ordre d’attaque sur Pressoire, mais malheureusement les conditions météorologiques catastrophiques reportèrent sans cesse l’attaque.

Les soldats vivaient un enfer, de la boue jusqu’à la taille, un ravitaillement problématique et des boyaux qui s’effondraient sous l’effet des pluies diluviennes. Les malheureux vivaient, mangeaient, dormaient et chiaient dans l’eau. Lors des périodes de bombardement ils se jetaient au fond, dans la boue, dans l’eau et attendaient la fin, la fin du marmitage, la fin de la vie.
Le 7 novembre à 9 h55, la furia française se jetait sur Pressoire et le bois de kratz.
Les zouaves avaient à parcourir 2000 mètres sous un déluge de mort, le sol trempé ressemblait à un marécage et la progression sous la neige un enfer, mais l’élan fut irrésistible, les positions des allemands tombèrent dans les mains des Français et y restèrent.
Les zouaves furent impitoyables, et 300 allemands furent nettoyés par les baïonnettes des Chacals, vengeant par un massacres les jours lugubres passés dans les boyaux de mort et d’eau.
La haine en cette 3 ème année de guerre était profonde et la misère rendait les hommes féroces.
Fernand se distingua de ses paires et déploya comme chargeur de mitrailleuse un calme et une sérénité qui tenaient peut être de l’inconscience. D’autre part il y reçut une balle dans la main gauche ce que constata le médecin major LOMBARDY Pierre.
Chaque blessure devait être certifiée et celle ci le fut par le sergent major Anceaux René, le caporal fourrier BURNEAU Charles et le 2 ème classe MANCHOUX Jean.
Fernand en fut quitte pour un mois d’hôpital, 4 blessures et encore vivant cela tenait du miracle. Il rejoignit son régiment au camps de Neufchateau.

Pour la première fois le régiment était cité à l’ordre de l’armée.

ORDRE DE LA X ARMEE N 245
DU 5 DECEMBRE 1916

Le 21 octobre 1916, après avoir tenu plusieurs jours sous un bombardement meurtrier et continu, et dans des conditions atmosphériques extrêmement pénibles, a coopéré à l’attaque du bois de Chaulnes avec un allant superbe et dans un ordre parfait. Le 7 novembre 1916 chargé sous les ordres du lieutenant colonel ROLLAND d’enlever Pressoire et le bois de Kratz,s’est acquitté de la façon la plus brillante de sa mission après une lutte très dure à la grenade et en dépit d’une violente tempête de vent et de pluie.

Quartier Général le 5 décembre 1916
Le Général Commandant la 10ème armée
signé : MICHELER

Le 14 novembre, la division de Fernand avait été relevée, elle était restée sur le front 1 1 mois et avait enlevé Chaulnes, Pressoire et le bois de Kratz.Il y eut 7 officiers et 474 hommes de troupes tués, 40 officiers et 1738 hommes blessés.
Fernand pour sa conduite héroïque obtint une permission, ils ne furent pas nombreux à l’obtenir car seulement 5 % des soldats purent partir.
Après une journée de voyage Fernand se retrouvait à Nangis, il embrassa sa famille, rassura tout le monde sur sa blessure et se jeta dans les bras de Fernande qu’il demanda en mariage.
Il dut quitter les chauds baisers de sa petite fiancée et repartit sur son camp . La division resta sur Zone jusqu’en début d’année 1917.

Fernand pour sa conduite à Pressoire avait une nouvelle fois été cité à l’ordre du régiment.

CITATION A L’ORDRE DU REGIMENT
Numéro 257

Le lieutenant Colonel ROLLAND commandant le 1 er régiment de zouaves cite à l’ordre du régiment
TRAMEAU Fernand

Zouave de première classe à la CM 3 du 1 e r zouave pour :
Au combat du 7 novembre 1916 a fait preuve comme chargeur du plus grand calme et a assuré ses délicates fonctions avec un très grand sang froid, deux blessures, une citation. Très bon zouave, très courageux.

Aux armées le 9 décembre 1916
Lt colonel ROLLAND Cd le 1 er zouave
signé : ROLLAND

Les zouaves retirés du front se reposèrent quelque peu au camp de Neufchateau dans les Vosges et Fernand finissait de guérir sa blessure. Le régiment se reconstituait avec des nouvelles recrues, qui n’avaient plus grand chose à voir avec les guerriers venant d’Afrique. Les rescapés de 14 devenaient de moins en moins nombreux. Fernand était première classe, ce n’était pas grand chose mais son manque d’instruction l’empêchait de passer en grade.
La division à laquelle appartenait le régiment était maintenant la 48 ème, elle fut chargé des tranchées dans la vallée de la Moselle et de la Seille.
Le secteur fut tranquille mais un froid polaire rendait la vie difficile et le creusement des tranchées un véritable défit.
Le 5 avril en vue d’une grande offensive en champagne la division passa au VIII corps d’armée, commandée par le général CASTELNAU.
Le régiment rapproché des lignes de front se retrouva le 9 mai face au mont Cornillet.

MONT CORNILLET (2)MONT CORNILLET

Cette colline de 208 mètres faisait parti du dispositif des monts de Champagne, les Allemands s’y étaient solidement implantés.
Les attaques sur le secteur commencèrent le 17 avril, malgré de nombreuses et coûteuses attaques, le mont tenait toujours et les Allemands semblaient sortir de nul part.
Les combats furent dans ce secteur extrêmement difficiles, pires qu’a Verdun, dirent certains survivants. Le paysage ressemblait à un désert, des milliers d’entonnoirs ponctuaient les pentes, laissant apparaître les couches de craie blanche du sous sol. Des squelettes de sapins s’élevaient ça et là et leurs troncs calcinés semblaient sortir du sol, branches dérisoires d’une splendeur disparue. Les restes d’équipement faisaient ressembler l’endroit à une décharge et les restes mutilés des fiers soldats à un immense charnier.
La division commandée par le général JOBA s’installa sur le mont et se prépara à l’attaque.
Un événement imprévu vint changer le cours des choses, un officier Allemand fut fait prisonnier et dévoila l’existence d’un tunnel sur le mont Cornillet.
Des photographies aériennes dévoilèrent les entrées et les bouches d’aérations.
L’artillerie entra en action et se déchaîna sur cette cible.
L’attaque générale fut prévue le 20 mai et les zouaves se virent ordonnés d’escalader les pentes sud et de se porter sur les entrées du tunnel.
A 16 h 25 les troupes s élancèrent, 30 minutes après le mont Cornillet était aux mains des zouaves, aucune contre attaque ne put les déloger.
19 officiers et 600 hommes avaient péris dans cette mission que seule une troupe d’élite pouvait réaliser.
On apprit les jours suivants que les occupant du tunnel allemand avaient été emmurés et asphyxiés suite au bombardement réalisé la veille.
Le mont Cornillet était aux mains des Français, encore fallait-il le garder.
Les zouaves eurent à subir de nombreuse contre- attaques et de violents bombardements.
Fernand fut le 21 mai intoxiqué par les gazs et brûlé à la jambe gauche
La violence des bombardements était telle qu’aucune évacuation n’était possible, Fernand fut pansé par un infirmier et fut évacué sur l’arrière
Le régiment resta en ligne jusqu’au 25 mai, date ou il fut relevé.
Le cantonnement fut prit à Sept Saulx

Le 1er juin ,le régiment prit le train à Mourmelon et alla cantonner dans la région de Valmy.
Les bataillons prirent possession des tranchées du secteur Maison de champagne et restèrent sur ce secteur jusqu’au début juillet.

Le régiment fut cité à l’ordre de l’armée et reçu une fourragère et Fernand reçu une citation à l’ordre de la division.

CITATION A L’ORDRE
ORDRE DE LA DIVISION N 70

Le général JOBA commandant la 48 ème division cite à l’ordre de la division
TRAMEAU Fernand
numéro 8374. 1 er classe CM 3

Mitrailleur d’élite. Au cours des affaires du mont Cornillet a fait preuve des plus belles qualités : Bravoure, calme, sang froid. Enterré à 2 reprises différentes par des obus de gros calibres n’a pas quitté son poste et en cette circonstance a montré une énergie peu commune. A été blessé le lendemain. Avait déjà été blessé 4 fois. Déjà cité deux fois.

Aux armées le 13 juin 1917
Le général Joba ct la 48 ème division infanterie.
Signé JOBA

Le 5 juillet le régiment est envoyé au repos dans la région d’ Herpont.
Changement de commandant, à la tête du régiment le 21 juillet, le lieutenant colonel DESSOFLY assurera la marche de l’unité.
L e 2 août le général PRAX nouveau chef de la 38 ème division passa en revue le régiment et y présenta son nouveau chef.
Au mois d’août les zouaves faisaient retour vers Verdun.
C’était l’angoisse pour tous, les anciens redoutaient d’y retourner, les nouveaux tremblaient de découvrir l’enfer décrit par ceux qui avaient eux la chance d’en revenir.
Ce ne fut pas le grand massacre de la première fois et le régiment ne servit que d’appoint.
Les compagnies de mitrailleurs dont faisait parti Fernand, postées sur la rive gauche ,apportèrent un soutient majeur.
Après le succès de l’offensive Française, les zouaves se firent assignés le secteur bois de Cumière et bois des Corbeaux. Il y restèrent jusqu’à fin décembre 1917.
La vie fut ponctuée de travaux, de patrouilles et de petits coups de main dans les lignes ennemies.
Les bombardement étaient fréquents mais n’avaient rien à voir avec ceux de 1916.
Fernand obtint l’autorisation de retourner chez lui ,en permission de mariage. Après un périple à pieds et en train ou il dut montrer patte blanche à des gendarmes tatillons ,il arriva à Nangis.
Ce fut de belles noces et, entourés de la famille proche les deux tourtereaux convolèrent. Une cérémonie religieuse, la mairie, un repas simple copieux et arrosé fut servi.
On ne parla pas de la guerre, mais le père de Fernand avisa son fils que 2 de ses oncles Abel et Daniel avaient été tués au front.
La permission ne fut pas très longue et Fernand dut se faire violence pour quitter les bras de sa belle.
La guerre n’était pas terminée, il dut rejoindre les tranchées du bois bourru.
Début 1918 le régiment se recomposa et s’instruisit.
Le commandant était maintenant le lieutenant colonel KASTLER.
Il commandait 79 officiers et 2798 hommes.
Mais en attendant ,les zouaves qui étaient utilisés comme régiment d’attaque, étaient envoyés dans les endroits les plus durs pour forcer une position.
Le 26 mars le régiment fut embarqué en camion dans la région d’Epernay, puis à pieds gagna le front au nord de l’Aisne. Ils firent des reconnaissance sur l’Oise et des travaux dans la région de Vézaponin
Le 28 mars le lieutenant colonel POMPEY prit les commandes du régiment pour emmener ses troupes à la victoire.
En mai le front Anglais sembla menacé. Le régiment dut remonter vers le Nord et fut embarqué à Rethonde le 14 mai. Il débarquèrent à Wavrans et cantonnèrent aux alentours de Saint Pol et Fervent. Le 27 mai l’offensive Allemande le surprend loin du front. Nouveau voyage en train jusqu’à Betz puis cantonnement à Rouvres.
Les zouaves ne furent point utilisés et aménagèrent les berge du canal de l’Ourcq.
Le 10 juin, nouvelle mise en alerte pour participer à la contre offensive MANGIN sur la ligne Montdidier Compiègne.

Cette fois le voyage se fit en camions jusqu’à Rouvillers où ils arrivèrent à 5 heures du matin.
Lourdement chargés, les hommes, le ventre vide progressèrent d’une quinzaine de kilomètres. Fernand tirait sa voiturette portant sa mitrailleuse. Ils ne furent ce jour là ,qu’engagés en seconde vague . Le 12 juin l’offensive Allemande est arrêtée. Le régiment fut ramené pratiquement sur son point de départ. Il avait combattu 48 heures et parcouru 200 kilomètres en camions le tout en 3 jours, Fernand comme les autres ne tenait plus debout.

Le cantonnement était cette fois à Chelles ou les travaux s’enchaînèrent sans laisser de répits aux pauvres poilus.
Le 10 juillet , nouveau déplacement vers un secteur offensif de la région de Villers Cotteret devant Longpont.

Le régiment entama alors une série d’action, de détails, très brillante.
Longpont, la ferme LAGRANGE, le tunnel et les carrières de Longpont furent conquis avec enthousiasme et brio.
Fernand eut l’occasion de s’offrir sa 6 ème blessure, un éclat d’obus dans l’épaule gauche, mais encore une fois la chance lui avait souri et la blessure n’était ni grave ni invalidante. Cela lui valut encore un arrêt d’un mois et un petit retour chez lui. Il rejoignit son régiment à pieds car ce dernier était cantonné vers Coulommiers.
Fernand assista à une messe le 8 septembre dans l’église de Coulommiers en mémoire de ses copains morts pour la patrie.
Le 14 septembre était organisée une rencontre sportive entre une équipe de Parisiens et les Zouaves, Fernand intégra une équipe de foot, ce qui lui rappela sa jeunesse et le temps déjà lointain des matchs au stade de Nangis.
Le régiment obtint une autre citation à l’ordre de l’armée.
Le 22 septembre, le régiment, bien qu’ incomplètement reformé, fut transporté en auto sur le front de Champagne, il dût dépasser le 44 ème régiment et prendre position face à la Croix Muzard ,position fortement organisée qui n’avait put être prise par le 44 ème. Les combats furent âpres et acharnés et le 29 septembre les zouaves donnèrent l’assaut final à la Croix Muzard.
A 17 heures, 5 chars d’assaut se portèrent en avant ,les feux ennemis étaient denses et précis, les zouaves se terrèrent dans des trous, mais le cri donné par le Capitaine THINCELIN les électrisa et ils sortirent pour apporter dans un élan irrésistible la position Allemande.
Les combats se poursuivirent les jours suivants, toujours durs et meurtriers et toujours vainqueurs.
Le 2 octobre, le régiment passa en réserve car très éprouvé et alla occuper les tranchées du Kronsprinz et de la Vistule.
Le 9, les bataillons repassèrent en 1 ère ligne et raccompagnèrent les Allemands sur l’Aisne devant la ville de Voecq.
Arrivés dans le village de Grivy loisy, ils eurent le bonheur de délivrer 5000 civils prisonniers des boches. Les habitants oubliant leurs souffrances entonnèrent la Marseillaise sous le feux des avions ennemis.
Fernand n’oublia jamais cet accueil.
Fernand fut encore cité à l’ordre de la division.

Le général SCHUHLER commandant la 48 ème division cite à l’ordre de la division

TRAMEAU Fernand
de la CM3 du 1er régiment de marche de zouave

Zouave d’un rare courage et d’une grande intrépidité, lors des affaires du 29 septembre au 4 octobre 1918 s’est particulièrement signalé le 2 octobre
Voyant se dessiner une contre attaque a mis sa pièce en batterie malgré un feu violent de mitrailleuse et à réussi ainsi à briser cette contre attaque.
Quatre citations

Signé : Le général SCHUHLER

Le régiment ne remonta plus au combat.
L’ armistice fut signé le 11 novembre, enfin, les soldats allaient rentrer chez eux.

La guerre fit 1 697 000 morts en France et 4 266 000 blessés, l’Europe fut remodelée, des empires s’effondrèrent, les colonies changèrent de mains et le germe de la seconde guerre mondiale fut semé.

Après l’armistice les zouaves s’étaient rendus en une marche triomphale jusqu’en Allemagne, en traversant la Belgique et le Luxembourg. Ce ne fut que fêtes et arc de triomphe, les zouaves avaient la cote auprès des populations. Ils prirent position dans leur zone d’occupation, prés de Singhofen puis courant Janvier près d’Ems.
Fernand ne partit pas au Maroc avec son régiment mais fut transféré au 3 e me Zouave en attendant la démobilisation qui arriva enfin au mois d’août 1919.

L’APRÈS

Lorsqu’il débarqua à la gare de Nangis, sa femme l’attendait avec un bébé dans les bras. Il ne connaissait pas sa petite fille, prénommée Léone née le 25 novembre 1918.
Ils s’installèrent rue Gambetta à proximité de la rue des Fontaines.
Le retour à la vie civile fut difficile, 7 ans sous les drapeaux dont 4 dans l’enfer.
Lorsqu’il se couchait peut être entendait-il l’Avé Maria d’un poilu à sa baïonnette :

Je vous salue Rosalie pleine de charmes.
La victoire est avec nous
Vous êtes bénie entre toutes les armes
Que votre pointe qui fouille les entrailles des boches, soit bénie
Sainte Rosalie, Mère de la victoire.
Priez pour nous pauvres soldats.
Maintenant à l’heure de la revanche
Ainsi soit-il

Peut-être entonnait-il le chant de marche des zouaves lorsqu’il se rendait aux champs
Hourrah hourrah mon brave régiment.

Se rappelait-il quand il pleuvait , l’eau de Yser, les tranchées de Pressoire ?
Se rappelait-il quand il avait soif, le mont Cornillet ?
Se rappelait-il quand les champs étaient pleins de boue, celle de Verdun ?
Oh oui qu’il se rappelait, sa mémoire fut hantée de ces souvenirs ? mais il fallait vivre, il était jeune, sa femme aussi. Il reprit aussitôt son travail dans les fermes des environs.

Il était botteleur comme son père qu’il croissait parfois aux rythmes des travaux.
En 1921 il eut une autre fille qu’il nomma Suzanne, il aurait préféré un petit zouave, mais il lui faudra attendre.
C’est le 1 septembre 1924 à Bailly Carroie que son unique fils naquit, ils le nommèrent Daniel. Une petite fille naquit aussi dans ce village, elle prit le nom de Jacqueline nous étions en 1926.
C’est à cette date que le couple et leurs quatre enfants s’installèrent à Nangis boulevard Voltaire au numéro 68.

BOULEVARD VOLTAIRE (2)BOULEVARD VOLTAIRE

Fernand était payé à la tache et devait pour faire vivre sa famille faire de nombreuses heures, Fernande élevait sa famille qui s’agrandit encore de 2 filles, la futur Lulu en 1930 ( Lucette ) et Pierrette en 1932.
Puis vint le deuil, Fernande s’éteignit en janvier 1938. Le pauvre Fernand se retrouva seul avec son garçon et ses 5 filles.
Chacun fit se qu’il put, Léone se maria et partit.
Suzanne se transforma en maman et éleva ses frères et sœurs.
Fernand fut décoré de la médaille militaire le 24 mars 1923 et Légion d’honneur le 15 octobre 1958.

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