LE ROMAN DES MORTS, ÉPISODE 4, le menuisier du Gué d’Alleré

 

Benjamin Sorlin août 1914 village du Gué d’Alleré

Benjamin en ce matin a des velléités d’amour, cela fait sept ans qu’il est marié avec sa femme Adélia et jamais il ne s’est repenti de son choix. Elle tient à merveille son ménage et la seconde dans la gestion de son entreprise de menuiserie.

Il se rapproche d’elle, il sait qu’elle fait semblant de dormir. Ses pieds sont froids mais ils ne sont guère intéressants. Il se love en cuillère derrière elle et sent son cœur s’accélérer. Elle ne bouge toujours pas, impassible devant la virilité de son mari qu’il n’a de cesse de lui faire sentir.

Un léger murmure, comme une invite, Benjamin remonte lentement la chemise de nuit d’Adélia, bizarrement au fur et à mesure de sa remonté les chairs sont plus chaude.

Le corps qu’il sent entre ses mains se fait plus lascif, toujours aucun mot, ni aucun mouvement, mais il sait qu’il y a consentement. Sa femme est maintenant dénudée jusqu’à la taille, il perçoit son odeur. Cela bouleverse ses sens, jamais il n’y a réfléchi mais plus que la vue du corps de sa femme c’est la perception olfactive qu’il en perçoit qui le transforme en amant insatiable.

Adélia se retourne et sourit à son homme , elle aussi aime ces moment d’amour volé sur la journée en se retournant elle dévoile impudique sous le regard fiévreux de Benjamin sa belle toison d’un noir de jais d’où perle à présent quelques gouttes de sensuelles rosée.

Il faut tout de même s’arracher à l’érotique torpeur, de l’ouvrage attend Benjamin et Adélia à la petite Aimée à s’occuper.

Pour l’instant ils n’ont que cette gamine de sept ans mais espère de tout cœur mettre à la vie un petit Sorlin qui n’en doutons pas évoluera dans les copeaux de l’atelier de menuiserie de son père.

Benjamin a 35 ans maintenant, c’est un homme fait de grande taille, il en impose par sa stature, peu d’homme dans le village du Gué d’Alleré mesure plus que ses un mètre soixante quinze. Il en est donc par le fait respecté, dans cet univers fruste des gens de la terre l’impression de force procure un aura extraordinaire.

Benjamin si il est respecté par les hommes, bénéficie aussi d’une attention particulière de la gente féminine. D’ailleurs cela faisait un moment qu’il avait fait fi de sa fidélité à Adélia. Bien convaincu qu’il se doit de profiter de toutes les bonnes occasions qui se présentent à lui.

Pas rassasié par sa joute matinale, son corps réagit aussitôt à la petite qu’il y a peu il serrait fortement dans une clairière du bois de Mille écus.

C ‘est Adélia qui est du Gué, plus jeune de deux ans que Benjamin elle a succombé sans trop de résistance à ce voleur de fille du village de Saint Sauveur d’Aunis.

Son père marchand de grains n’avait vu aucun empêchement à donner sa fille à un artisan. D’ailleurs son consentement n’étant pas nécessaire on s’en serait bien passé.

Adélia née Caillaud avait grandi à la Moussaudrie, un hameau du village en lisière du bois des lignes. Elle n’avait que peu connu sa mère Marie Madeleine morte alors qu’elle n’avait que cinq ans.

La présence féminine de sa grand mère Plisson la réconfortait mais l’apeurait parfois. Elle avait donc grandi entre l’amour et la peur. Son père qui se piquait de commerce était souvent absent et ne fut pas un modèle pour sa fille.

D’ailleurs Adélia qui fait sa toilette sans faire de bruit pour ne pas réveillé Aimée pense à la honte et à son amour propre que leur a infligé leur frère Camille.

Ce dernier dont le sens commercial n’était pas une évidence a été mis en faillite et les biens familiaux vendus.

Cela fit sourire, que les affaires d’un marchand de grain périclite à ce point. Adélia qui elle s’assure de la stabilité économique de son couple a été consternée par la vente au enchère de la maison de la Moussaudrie ainsi que des quelques terres qui se trouvaient autour. Ce n’est pas que Adélia soit vénale et lorgne sur l’héritage de sa famille mais tout de même c’est des morceaux d’elle même qui tombent dans des mains étrangères. Le patrimoine de sa famille disparaît et elle en a honte. N’osant plus sortir de chez elle de peur des ragots elle se calfeutre chez elle.

Cela fait un mois que la vente a été faite et elle se croit encore poursuivie par les mauvaises langues.

La cruauté paysanne est sans borne, elle a hâte que l’attention des langues de vipères soit détournée sur autre chose.

Par la fenêtre Adelia voit passer le gros Gougaud, où court il celui là de si bonne heure?

Ils sont presque voisins mais peut-on se considérer voisin lorsque l’un demeure dans une immense demeure et l’autre dans une petite maison composée de deux pièces et d’un atelier.

D’ailleurs elle n’a jamais eu l’honneur de pénétrer dans la vénérable demeure des anciens seigneurs, elle peut même dire que jamais elle n’en a approché l’office car elle est fâchée avec la pimbêche de Marie Chauvin.

En effet, un jour où cette dernière passait devant l’atelier de son mari, l’un des hommes présent lui barra le passage et lui demanda un baiser en guise d’octroi. Il s’ensuivit une querelle qu’Auguste Petit le garde champêtre eut du mal à juguler.

Toujours est-il qu’elle en rigole encore de voir la vierge du Gué, la grenouille de bénitier du curé Niox de se voir pressée le long d’un homme, rouge de honte, confuse, ses gros tétons presque sortis, le bonnet de travers.

Moi je n’y étais pour rien mais je n’avais pas pris position pour elle, l’histoire fit de bruit, Gougaud s’expliqua avec le trublion. Ce dernier dut faire des plates excuses à la bonne.

Mon mari y perdit la clientèle de l’important propriétaire, moi les prieuses de l’église me boudèrent et le malheureux journalier qui n’avait que le tort de s’aviner un peu dut chercher du travail en dehors de la commune.

Ce n’est que des querelles de voisinage, des peccadilles, s’assurant de la tranquillité de sa fille elle rejoignit son mari dans son atelier.

Lui en vérité trône là en majesté, le roi de la varlope, mon dieu qu’il est beau se dit-elle et une réminiscence des plaisirs du matin lui parcourent le bas ventre.

En général il ne faut pas le déranger lorsqu’il est au labeur, le travail c’est le travail mais elle décida tout de même de l’aguicher un peu. Par jeux elle se glisse derrière lui et se frotte, son corps se raidit puis devient plus lascif, étonnant il ne dit rien et continue de lisser une planche qu’il destine à un cercueil. Adélia accompagnant de son corps le geste de son mari. Sans l’irruption de Louis Chabiron le tisserand, la plaisanterie d’Adélia aurait pu se transformer en coquinerie amoureuse.

Le vieux Louis est un peu gêné mais se reprend, il apporte de l’ouvrage pour Benjamin et mes sens passent bien après.

Ils sont heureux et satisfaits, les commandes et les chantiers s’accumulent, et à ce rythme il faudra embaucher un jeune ouvrier .

LE ROMAN DES MORTS, ÉPISODE 3, deux femmes pour le même amour

Elle prit son service en descendant à l’office et prit soin de ne pas faire craquer l’antique escalier de bois, dont les vieilles marches noircies par la cire qu’elle y mettait chaque semaine, avaient tendance à jouer un cantique.

Respectueuse elle ne veut pas que ses maîtres, monsieur et madame Gougaud ne se réveillent prématurément. Elle ne sait si son affection pour ses derniers est de l’ordre du respect, ou si il est d’ordre familial, presque filial. Cela fait plus de vingt ans qu’elle est à leur service. Elle sait tout d’eux et parfois elle s’imagine qu’elle connaît plus de choses sur l’un ou l’autre que les membres du couple eux mêmes.

Elle sait leurs maladies, leurs manies, leurs aigreurs.

Lorsque madame est incommodée c’est à Marie que l’on se confie, d’ailleurs les Gougaud ne confient pas leur petit linge aux lavandières du village ,c’est elle qui en efface les malpropretés.

Les connaissant sur le bout des ongles elle sait lorsque monsieur honore madame. Elle se lève avec du rouge aux joues et exhalant un parfum qu’elle n’a pas les autres jours. Lui d’humeur guillerette sifflote un mâle air militaire et se permet quelques privautés sans conséquence sur les fesses de Marie si par inconséquence elle les lui laisse à sa portée.

Au vrai Marie, si elle est effectivement dans leur intimité,n’est pas aux yeux de ses maîtres un membre de la famille. Même si ils l’aiment bien et la gratifie de bons gages, elle n’est qu’une sotte bonniche, une domestique qui n’a de place qu’entre l’enfant et le cheval de trait.

Marie devant son fourneau prépare le petit déjeuner, pour madame cela sera du lait chaud avec un nuage de café et pour monsieur un bol de noir bien serré.

Pour elle ses agapes sont celles de gens des villes, elle s’avale un reste de soupe, pour être calée.

D’ailleurs comme tous les matins voilà Julie la métayère du domaine, sa face crayeuse et sa silhouette rebondie apparaissent à la porte.

Tous les matins elle tend le pot de lait tiède qu’elle vient de traire et comme une complainte lui assène les mêmes mots.

  • Bien le bon jour Marie
  • Il fait beau aujourd’hui
  • espérons que cela va tenir
  • monsieur et madame sont encore couchés
  • pour sûr ils vont nous faire un petit

Et immuablement Marie répond

  • bon jour Julie
  • oui le temps est magnifique, les hirondelles volent haut
  • nous sommes qu’au mois d’août il y aura encore des beaux jours
  • oui nos maîtres dorment encore
  • m’ étonnerait qu’ils nous en fassent un le moule est presque cassé et monsieur sait être prudent.

Tous les matins la métayère repartait convaincue que Marie savait bien des choses et qu’on était à la limite de la mauvaise chose.

Son mari lui dit à chaque retour, pour qu’elle reste au service aussi longtemps la Marie elle doit y passer.

La blague de Marie sur le comportement amoureux du maître se propageait donc de bouche en bouche et se transformait à mesure. Pour certains la servante du château était servie par le maître tous les matins, mais il n’y avait aucune crainte car ce dernier savait sauter en marche.

Après que l’importune soit partie, Marie sort de sa poche de tablier une lettre . C’est une missive pour son amoureux, une première pour elle. Jamais elle n’en a écrit, jamais en quelques phrases elle n’a exprimé son ressenti. Les mots qu’elle a tracés dans la solitude de sa chambrette expriment son bonheur. Celui qui n’est atteint que par une femme amoureuse.

Avant qu’il ne parte, elle lui a tout donné, sa virginité de vieille fille, son âme et son esprit. Elle va attendre son retour, avec ses économies ils achèteront une terre et vivront heureux. Son seul regret sera peut-être son absence de maternité, il est trop tard pour elle.

Mais au fond d’elle même, reste malgré tout un mince espoir, elle en a déjà vu des femmes accoucher sur le retour de l’age.

Un ne restez pas à flemmarder ma fille, la fait sursauter.

Madame tirée à quatre épingles comme si elle ne s’était jamais couchée se trouve dans l’encadrement de la porte. Elle n’a pas la figure des meilleurs jours, pour sûr monsieur n’a pas quitté le lit jumeau, elle est pâle à faire peur.

Quand à Monsieur contrairement à ses habitudes il ne s’arrête même pas et semble partir d’un pas décidé chez Charles Girard le marchand de vin.

Les taches ne manquent pas à l’office, Marie est une sorte de femme à tout faire, elle n’est pas tout à fait une domestique de chambre mais pas non plus une domestique de ferme. Elle ne nettoie pas l’étable, elle ne fait pas la traite, mais n’est pas non plus la gouvernante d’une maison bourgeoise.

Elle est liée à ses bourgeois de maître et est contente de son sort, à moins qu’enfin elle ne devienne la dame de quelqu’un.

Les filles de la maison arrivèrent Lucie, trente et un an et sa cadette Denise vingt huit ans. L’aînée sans être foncièrement laide n’était point jolie, maigre, le visage couperosé, la poitrine d’une enfant et les fesses plates que c’en était pas permis. Un peu masculine et d’une rare méchanceté, Marie la craint comme la rougeole. A chaque fois qu’un jeune homme vient au château elle espère qu’un accord sera conclu et qu’enfin la revêche ira régner sur son propre foyer. Elle n’y croyait pas trop car malgré les billets du père elle ne voyait pas comment une telle jument pourrait être montée. C’est cruel et bien peu chrétien de telles pensées, Marie n’en avait cure, elle se signait pour s’absoudre et le tour était joué.

Denise est le contraire de sa sœur, plutôt ronde, plus petite. Sans être belle, elle pourrait sans doute trouver un homme qui ne se préoccuperait pas des canons de la Grèce antique mais des grâces des toiles renaissances et qui jouirait de ses redondances.

Au jour d’aujourd’hui les deux sœurs n’ont pas trouvé de mari ce qui explique l’aigreur de la plus vieille, la dépression de la plus jeune et le désespoir des parents de n’avoir pas d’ héritiers.

Ce que ne sait pas Marie c’est que les deux sœurs dépérissent d’amour pour un homme du village.

Inexplicable attirance entre gens qui ne sont pas faits pour se rencontrer.

Mais les yeux perçants de l’aînée voient un coin de la lettre de Marie qui sort de la poche de son tablier.

Rapide la fille de la maison s’en empare et pour faire rager sa servante menace de la lire.

Marie est morte de confusion, le rouge lui monte aux joues. Au grand jamais il ne faut que cette missive ne soit lue. Elle contient tout son amour et les mots employés, explicites, crus et plein de salacité non contenue ne doivent pas être mis sous les yeux de ses patronnes. Plutôt mourir que de recevoir pareille humiliation.

Lucie pourtant commence à lire l’adresse.

Mais comme saisie par le froid, son visage se transforme, un vilain rictus lui partage la face. La haine personnifiée se dresse dans la cuisine, elle ne profère aucun mot, cela est bien pire qu’une avalanche de paroles.

Marie balbutie un  » rendez moi ma lettre  », elle a peur, cette femme qu’elle connaît intimement, dont elle sait les plus petites choses lui devient étrangère.

La fille du patron heureusement n’ouvre pas la lettre, mais la froisse et la jette au sol , puis sort en claquant la porte.

 

LE ROMAN DES MORTS, Épisode 1, le début du drame

LE ROMAN DES MORTS, Épisode 2, la bonniche du château

 

LE ROMAN DES MORTS, Épisode 2, la bonniche du chateau

Marcel Boutin suite

Il se dit aussi que trois ans de service cela gâchait un peu la jeunesse, non pas que le travail ici était bien dur, en tous cas bien moins difficile que le travail d’esclave de paysan. Il y avait même des avantages, avant de venir ici la ville la plus grande qu’il n’ai vue était la blanche de l’Aunis, la belle La Rochelle et encore il ne se rappelait y avoir été qu’une fois. Donc au cours d’une libération il avait visité Paris, une bien grande ville ou l’on se perdait au sens propre comme au figuré.

Comme tous les traînes godasses de militaire il s’y était saoulé et avait été voir les dames tarifées.

Il s’en souvient bien d’ailleurs de la demoiselle, elle ressemblait à une estampe qu’on voyait chez les boutiquiers des quais,charnue, pulpeuse, fardée, plus de la première jeunesse, mais au tarif accessible pour une bourse plate. Il n’en avait pas éprouvé un plaisir immense, mais il avait fait comme tous et il saurait à quoi s’en tenir sur les forfanterie amoureuses de certains hâbleurs.

Alors qu’il se dirigeait nonchalamment avec ses copains de section vers le grand réfectoire pour y casser une croûte, ils entendirent sonner le rassemblement.

Cela n’augurait rien de bon, il n’était pas dans les habitudes des gradés de casser l’ordonnancement de la libation méridienne.

Le régiment rassemblé, le colon revenu, les ordres claquèrent

  • garde à vous
  • repos
  • garde à vous

Pour faire court de sa voix de stentor le galonné nous déclara que nous étions en guerre contre l’Allemagne.

Il tenta de nous expliquer, le jeu des alliances, le danger de l’empire Allemand et de l’empire Autrichien et vive la France et vive la France.

Au vrai les sentiments étaient partagés certains éructaient des  » à Berlin à Berlin  » et d’autres, comme Marcel, faisaient grise mine.

La plaisanterie de se retrouver dans un régiment colonial pendant trois ans pouvait encore passer.

Se faire aboyer dessus par des sous ordres pouvait se supporter.

Porter un paquetage qu’une mule rechignerait à soutenir pouvait encore être une éventualité. Mais se faire tuer pour la France ou pour une toute autre raison dépassait de loin le sacrifice que Marcel était prêt de fournir.

Mais il fut pris dans l’ambiance générale des préparatifs, la caserne devint une ruche grouillante et les gradés des abeilles prêtent à piquer.

La mobilisation était générale et là bas au village du Gué d’Alleré la nouvelle devait également être connue.

Marcel Boutin né au Gué d’Alleré en 1893, ouvrier agricole chez son père, allait donc comme des millions d’autres se jeter sur les hordes teutonnes. Il se laissa finalement persuader par quelques avertis que cela ne serait pas long et que les boches seraient raccompagnés à Berlin à coup de pied au cul. Les plus finauds supputaient même que les allemandes aux hanches larges auraient la croupe accueillante pour les franzoses vainqueurs.

La troupe avec le pinard du soir devint unanime et la marseillaise fut beuglée à tout va jusqu’à l’extinction des feux.

Marcel dans le noir, énervé ne peut comme ses compagnons trouver le sommeil. Sa pensée se dirige vers celle qu’il désire et qu’à, n’en point douter il demanderait un jour en mariage.

Marie Chauvin août 1914 village du Gué d’Alleré

Marie comme tous les matins se lève à l’aube, dernière couchée, première levée, c’est presque une devise chez elle.

En plus de vingt ans de service jamais elle n’a été prise en défaut, donnant l’impression que jamais elle ne se couche.

Pourtant ce matin un événement mensuel lui rappelle qu’elle est une femme. Cette incongruité féminine lui fait d’un coup penser qu’elle n’est pas qu’une servante dévouée à ses maîtres.

Qu’elle est comme les autres et qu’elle peut ressentir ce que ressentent les autres femmes.

Devant sa table où trône en majesté sa bassine et son broc de toilette aux fleurs stylisées roses, elle se revoit tenant la main de son amoureux sur le chemin de l’abbaye. Son ventre comme un tapis de douce verdure s’invite pour une joute de douces caresses.

Son esprit divague et va à l’homme qui, il y a peu a comblé le grand vide affectif de sa vie sentimentale.

Mais bon soudain elle se reprend, ne pas être en retard, ne pas être surprise entrain de jeter le chaud fumet de son pissa nocturne.

Elle s’asperge plus qu’elle ne se mouille, se débarrasse des ses impuretés mensuelles et revêt enfin ses vêtements par dessus l’impudique chemise de nuit.

Elle se coiffe devant le petit miroir en bambou, s’aperçoit que sur la brosse, des cheveux de fils gris se mêlent à ceux de sa longue crinière brune. Elle vieillit, le temps passe vite, elle n’est plus la petite Marie Chauvin qui gambadait dans les rues du village de Virson.

Non, elle a maintenant quarante trois ans, ce n’est pas rien, plus que la moitié se dit-elle. Jamais mariée, sans enfant, sans bien, elle dépend en toutes choses de ses patrons, ils sont sa seule famille.

Elle se prend à rêver que maintenant ce n’est plus tout à fait vrai, un homme est entré dans sa vie.

Un doute cependant l’assaille, cet amant a qui elle a donné la fleur qui fanait en elle est-il sincère ou bien n’a t’ il que profité de sa faiblesse.

Elle verrait bien après tout, c’est sa première folie et dieu merci personne n’est au courant.

 

LE ROMAN DES MORTS, Épisode 1, le début du drame

 

Marcel Boutin aout 1914, caserne Issy les Moulineaux

Marcel allongé sur son lit sentait poindre le jour, l’obscurité faisait place à la lumière.

Les deux forces comme tous les matins se faisaient face. Bizarrement comme si un événement funeste allait se produire le soleil se faisait timide, comme récalcitrant.

Lui, tous les matins assistait silencieusement à ce combat, bien sûr il en connaissait le résultat mais il faisait comme si la nuit avait une chance de pouvoir continuer à déployer ses ailes.

Autour de lui tout le monde dormait encore à poings fermés, lui souffrait de ne pouvoir comme chez lui se lever avant que la vie des êtres ne reprenne.

Alors il restait étendu, immobile, il rêvassait, pensait, et réfléchissait. Souvent comme d’ailleurs ce matin sa virilité masculine se manifestait, il ne savait que faire ou plutôt n’osait pas le faire.

Un ancien du régiment qui venait du Maroc, vieux de la vieille tout couturé de mille tracas lui avait appris et l’avait encouragé. En rigolant il lui disait petit on est jamais mieux servi que par soi même.

Mais lui entouré de ces mâles dormeurs ne se serait jamais commis à faire ce genre de choses.

Alors laissant jouer son imagination il voyait quelques belles s’occuper de son émoi, cela lui suffisait et de toutes façons avant de partir de chez lui , il avait juré fidélité à une belle. Il n’avait pas l’intention de renier sa parole et tant pis pour les instants de plaisirs qui lui échappaient irrémédiablement.

Maintenant il comptait, le clairon allait sonner le réveil, Marcel qui se délectait de cette sonnerie chantonnait déjà pour lui même.

 »soldat lève toi, soldat lève toi, soldat lève toi bien vite ! soldat lève toi, soldat lève toi, soldat lève toi bien haut ! si tu veux pas te lever, fais toi porter malade ! si tu veux pas te lever, fais toi porter blessé !

Le clairon du jour était un gars qui comme lui venait de la Charente inférieure, un fameux souffle, sans doute le meilleur. Le son s’éleva soudain , alors mu par des semaines d’habitude chacun se réveilla. Tous avaient un rituel, l’un pétait, l’autre se grattait les choses de la vie, l’un gueulait qu’il était trop tôt, un autre pestait parce qu’il devait pester. Puis c’était la course aux gogues, un fameux bazar que tout cela. Le caporal entra et remit un semblant d’ordre dans l’immense chambrée. La section s’habilla en tenue de service , elle était de corvée alors que d’autres allaient partir en exercice.

Le rassemblement se fit, le 21ème était au garde à vous dans l’immense cour de la caserne d’Issy les Moulineaux. Le colon n’était pas là alors son adjoint le lieutenant colonel Mas se fit rendre les honneurs.

Marcel trouva l’ambiance pesante comme un ciel d’orage chargé d’électricité mais n’en soupçonna pas la cause. Il se rendit après le jus aux écuries pour panser les chevaux de l’état major. Pour lui ce n’était guère une corvée de s’occuper des équidés, cela lui rappelait son bon vieux travailleur qui l’attendait au village.

Certes son gros pépère n’avait point l’élégance ni la finesse du cheval du capitaine Chambon son commandant de compagnie, mais un outil indispensable pour le travail de leur terre, il le bichonnait comme un pur sang dans des stalles de Longchamps.

La chaleur montait doucement comme sûre d’elle, prenant son temps, musardant et comme rebutant à brûler les humains qui s’activaient dans la cour de pierre blanche.

Le capitaine vint chercher son cheval, celui ci piaffait d’impatience en attendant sa promenade matinale. Nous n’étions pas dans la cavalerie mais dans une troupe coloniale, mais privilège les officiers étaient encore montés.

Marcel se figea en un garde à vous approximatif, il n’était pas féru d’une stricte obéissance et s’accommodait à grand peine à la férule militaire.

  • Alors Boutin en forme ce matin
  • oui mon capitaine, mais fait déjà chaud
  • t’inquiète pas, là où nous irons bientôt il fera moins chaud

C’était pour le moins énigmatique, Marcel qui depuis de nombreux mois s’attendait à rejoindre le Maroc se demanda soudain si les anciens ne lui avaient pas raconté des bobards en affirmant qu’au Maroc il faisait chaud.

Il en discuta avec ses camarades, l’un d’entre eux émit l’hypothèse que les tensions entre l’Autriche et la Serbie allaient entraîner les peuples Européens à se battre.

Considéré par les autres biffins comme un intellectuel, comptable parisien égaré parmi les paysans, l’homme avait un avis autorisé sur  tout et surtout s’autorisait à donner son avis.

Marcel resta dubitatif, il ne savait pas où se trouvait la Serbie, ni en quoi l’assassinat d’un héritier autrichien pouvait mettre en péril la paix en Europe.

Son instituteur monsieur Billeaud ne lui avait enseigné qu’avec peine les départements et leur préfecture.

En Aunis là bas, la préoccupation principale était la terre et encore la terre et peu importaient les affaires mondiales.

Mais pour l’instant présent, Marcel aurait bien bu à la régalade une lampée de vin des Charentes, il avait soif et son ventre commençait à jouer la chamade.

AUTOPSIE D’UNE AFFICHE, Épisode 2

 

Mais une affiche par définition n’est pas une feuille vierge et je ne fais pas exception.

Un imprimeur ou plutôt la veuve d’un imprimeur m’a ornée de jolis caractères.

En ces temps reculés les corporations étaient aux mains de dynasties qui se mariaient souvent entre eux.

L’imprimerie où j’ai vécu quelque temps est celle de la veuve Mergé, ce dernier est mort en 1716, elle avait réussi tant bien que mal à hériter de l’atelier de son mari défunt . Cette femme courageuse tutrice de ses quatre enfants se nommait Françoise de la Caille, née en 1679 est morte en 1753. Dans la rue Saint Jacques à Paris cette imprimerie et librairie confectionnait sur ses presses bons nombres de choses et notamment les affiches du Roi.

C’est donc ce nom de veuve Mergé qui se trouve en bas à droite, mais comme je suis une affiche à caractère royal et autoritaire je suis validée par l’imprimeur de la police

qui se nommait Jean de La Caille. Ce dernier est lui aussi d’une famille d’imprimeurs né en 1645 mort en 1723.

Des grandes familles de bourgeois vous dis je , Jean de la Caille et Françoise de la Caille est ce un hasard, probablement pas.

Maintenant il faut bien passer au contenu de cette affiche, car je n’ai pas été imprimée pour rien.

J’aurai bien aimé être un joli texte annonçant un joyeux événement mais mon destin en a été autrement. Je ne suis qu’une interdiction et une menace de représailles.

En ce temps là il existait un bois et qui, je viens de l’apprendre existe encore. Il se nommait le bois de Vincennes et appartenait en propre au Roi de France.

Au moment de ma jeunesse le lieu était un peu délaissé pour les environs de Versailles, mais il était encore réserve de chasse

Cet endroit, figurez vous, était clos complètement par une enceinte on plutôt par cinq enceintes.

On y pénétrait par le moyen de sept portes surveillées par des gardiens.

Le Roi en avait autorisé l’accès pour la promenade, mais visiblement certains en abusaient.

Il fallait donc sévir.

Mon contenu interdit donc à quiconque de rompre , de dégrader ni aucunement endommager les arbres et bois du parc de Vincennes. Qu’on se le dise le tout était passible d’une amende.

Mais les autorités n’avaient pas à lutter que contre ce seul désagrément, de nombreux laquais et gens de livrée se pressaient aux entrées et occasionnaient des désordres en contestant l’autorité des gardes.

Rappelons qu’un laquais était un valet en livrée et qu’une livrée était un habit que faisait porter un seigneur ou un souverain à ses valets. Ce vêtement portait les couleurs et ou les armoiries des maîtres.

Les mesures annoncées contre ces troubles étaient fortes sévères, puisqu’elles prévoyaient les galères. Convenons que de telles mesures étaient peut être un peu exagérées car finalement le bois devint finalement public par ordre du petit Roi devenu grand..

Mais en attendant les contrevenants devaient être remis dans les mains du prévôt de l’isle ou de ses lieutenants pour leur procès.

Sa majesté enjoignait donc au sieur marquis du châtelet, au capitaine et gouverneur de Vincennes, au sieur Machault et au dit prévôt de tenir la main chacun en droit foy à l’exécution de la présente.

Fait à Paris le vingt septième avril mil sept cent dix huit signé Louis.

Tout est dit mais je tiens quand même à vous entretenir de quelques personnes dont le nom apparaît sur ma surface.

Le sieur Machault n’était rien moins que le lieutenant général de la police de Paris, personnage considérable issu d’une famille de parlementaires. Ce nommant Louis Charles de Machault d’Arnouville ( 1667 – 1750 ) il obtint ce poste en 1718 et le tint jusqu’en 1720.

Son fils atteindra la postérité en devenant contrôleur général des finances du roi louis XV ce dont il paiera de sa vie en 1794.

Ce policier dira t’ on ,avait donc l’honneur de faire placarder et hurler le contenu de mon affiche.

Un autre nom illustre apparaît en dessous de celui de notre Roi, il s’agit de celui de Phelyppeaux, de son prénom Jérôme, ministre de la marine mais aussi de la maison du Roi ( 1674 – 1747 ).

Dans cette affaire il apparaît évidement comme ministre de la maison du Roi.

Pour en terminer avec ma vie il convient de saluer celui qui avait la charge de mon affichage en tous les carrefours, places publiques et lieux ordinaires et accoutumés de la ville et faubourgs de Paris.

Comme bon nombre de personnes ne savaient lire, on criait les nouvelles. Les fonctionnaires se nommant gardes champêtre avec leur tambour hurlaient les annonces sur les places et carrefours.

Celui qui se chargea de moi était le juré crieur ordinaire du Roi en la ville, prévôté et vicomté de Paris. N’allez pas croire que ce personnage ne fut qu’un simple parmi les simples, non sa charge fort lucrative en faisait un bourgeois respecté et pansu.

Il se nommait Marc Antoine Pasquier et exerçait depuis un bon moment cet office.

Mais pour bien attirer la populace et la faire écouter il fallait un peu de bruit et c’est Nicolas et Louis Ambezar accompagnés de Claude Craponne tous jurés trompettes qui en étaient chargés.

Voila j’en ai fini, je continue ma vie entourée des plus grands soins, ainsi va la vie d’une affiche

AUTOPSIE D’UNE AFFICHE, Épisode 1, LA NAISSANCE

L’ autopsie d’une affiche

Avant que les sources d’informations se diversifient , les autorités avaient pour faire passer leurs messages, accès à différents recours.

En premier lieu, ils utilisaient la voix des prêtres lors de leurs sermons. Ils avaient aussi la possibilité de divulguer la bonne parole grâce à un crieur public, moyen qui perdura très longtemps en s’en souvient par l’intermédiaire des gardes champêtre de notre jeunesse.

Les avis, les ordres, les ordonnances, étaient aussi placardés un peu partout. Certes l’immense majorité de la population ne savait pas lire. Mais par effet de propagation les nouvelles telles le vent se faufilaient dans toutes les couches de la société.

J’ai la chance de posséder une affiche qui date du 21 avril 1718 et c’est celle que nous allons maintenant étudier.

Tout d’abord commençons par le titre .

DE PAR LE ROY

Ordonnance du roy qui fait deffenses de dégrader, rompre, ni endommager les arbres et bois du parc de Vincennes, et aux laquais et gens de livrée d’y entrer, sous les peines y portées

C’est donc une ordonnance d’interdiction.

Le support fait 31,5 cm par 42 cm, à cette époque le papier était très rare, donc très cher. Il était confectionné avec des chiffons et vieux vêtements, il fallait un moulin à papier et bien sûr une force hydraulique.

Les chiffons étaient broyés en une pâte, qui était mélangée avec de l’eau. On posait le tout sur des tamis pour que l’eau s’écoule. Seules les fibres restaient et constituaient la feuille.

Le tout était de très bonne qualité , la preuve en est avec mon affiche qui a 304 ans et qui est en très bon état.

L’ordonnance porte sur le bois de Vincennes qui appartenait au roi.

C’était un vaste domaine de chasse royale très fréquenté par Louis XIV tout du moins jusqu’au moment où Versailles le supplanta.

Pour l’année qui nous intéresse le bois n’était plus guère entretenu et ressemblait à une friche.

En ces temps le bois était entouré d’une enceinte, ou plus précisément de cinq enceintes. On y pénétrait par le moyen de sept portes gardées par des gardiens.

Le roi en avait autorisé l’accès pour la promenade, mais visiblement certains en abusaient.

En 1718 le roi Louis XIV n’était plus et c’est son arrière petit fils Louis XV qui gouvernait la France et qui était donc en toute logique le propriétaire du bois de Vincennes.

Ce dernier que des hasards malheureux avaient amené sur le trône à 5 ans était le fils de Louis de France, 1682-1712, surnommé le petit dauphin, lui même fils de Louis de France surnommé le grand dauphin 1661-1711, lui même fils de Louis XIV, 1638-1715.

Bonjour,

Je me présente je suis une affiche et je vais vous raconter ma petite histoire.

Tout d’abord avant de débuter je tiens à remercier mon découvreur, je lui sais gré de m’avoir sorti de la poussière où je me trouvais chez ce brocanteur ignare.

Je vois que cette expression vous fait sourire car vous la trouvez un peu désuète, mais il faut avoir de la mansuétude pour moi car je suis une très vieille dame.

Voyez- vous je suis dans ma 304ème année de vie, je n’ai pas fêté mon anniversaire, bloquée que j’étais dans cette vilaine chemise remisée au fond d’un vieux carton.

Lorsque l’homme providentiel qui m’a de nouveau fait découvrir le soleil m’a ramenée chez lui, je jubilais intérieurement.

Le poids des années aurait fini par me faire tomber en poussière.

Mais voyez-vous je suis de bonne composition et je n’ai nullement à rougir de mon état par rapport à des affiches gamines qui n’ont pas même quelque dizaines d’années.

Alors que mes petites sœurs sont fabriquées avec du bois moi j’ai été confectionnée avec des chiffons.

Le procédé était complexe et demandait une expérience certaine. Je suis née au bord de l’eau, c’est sûr car le moulin à papier où un maître papetier m’a élaborée, avait besoin de la force hydraulique pour fonctionner.

L’amour du travail bien fait m’a rendu belle et presque indestructible, j’ai bien quelque rides mais aucune déchirure.

Lorsque je suis née, la terre qui nous porte avait pour nous le royaume de France.

Le petit roi qu’on nommait Louis le quinzième n’était encore qu’un chérubin de 8 ans.

Le vieux roi qui était son arrière grand père s’en était allé 3 ans plutôt.

Cette chère tête blonde n’aurait pas du régner aussi vite mais voyez vous en ces temps les grands étaient touchés par les mêmes maladies que leurs semblables et en mouraient tout aussi vite.

Bien sûr à 8ans on ne gouverne pas par soi même et c’est son cousin Philippe d’Orléans qui devient régent. Ce dernier est le plus proche parent du roi défunt si on excepte quelques bâtards légitimés.

Voila pour ma naissance.

LE ZOUAVE PONTIFICAL, UNE HISTOIRE DE PHOTOS

 

                                      Victor Joseph  Ducoulombier en 1876

Lorsque je suis sur une brocante je me transforme en prédateur, je suis en chasse, je traque, je débusque.

Mon gibier est fait de livres, de vieux documents et aussi de vieilles photos.

Lorsque je découvre ces dernières mon exaltation est à son comble.

Dernièrement un bel achat m’a fait découvrir le visage d’un personnage dont je ne pouvais ne point faire la narration d’une vie bien remplie.

Tout d’ abord abordons la photo elle même, prise dans l’ atelier d’ Alphonse Le Blondel sans doute l’un des premiers photographes de la ville de Lille.

La photo est datée du 26 février 1876 bien que Le Blondel soit mort en mai 1875, l’atelier se trouvant rue du cirque à Lille.

Le personnage porte un élégant veston croisé avec un nœud papillon , la coupe soignée du vêtement sent la bourgeoisie.

L’homme jeune porte une moustache et une barbe à la Napoléon 3, cela peut paraître incongru après la chute de l’empire mais sans doute la persistance d’une mode.

La recherche se serait arrêtée là si notre cher monsieur n’avait point noté son nom et son état.

C’est une chance car finalement sur ce genre de photo les recherches s’arrêtent rapidement en général.

La chance étant de mon coté notre héros porte le nom pas très courant de Ducoulombier.

Pour l’instant j’ai une date et un nom, mais poursuivons. Sous sa signature il note qu’il est ancien zouave pontifical.

Maintenant tout se déroule comme un tapis rouge, car facilement je trouve trace de ce zouave tant dans Gallica que dans Généanet où dans de nombreux journaux de l’époque.

Notre portrait a maintenant un nom

Victor Joseph Ducoulombier né à Tourcoing au 45 de la rue Nationale le 29/09/1844, fils de Ferdinand Joseph et d’Augustine Pinet. Le père est maître charpentier, mais aussi négociant et propriétaire selon les périodes.

Sur la photos il a donc 32 ans.

Intéressons nous maintenant à ce qu’il dit être, c’est à dire ancien zouave pontifical e tachons de savoir ce que ces derniers étaient.

Les zouaves pontificaux ont été créés en 1861 sous forme d’un bataillon puis sous forme d’un régiment en 1867. Sur le modèle des zouaves de l’armée Française dont ils portaient approximativement le même uniforme.

Le régiment est composé de volontaires de tous pays mais majoritairement Français , Belges et Néerlandais.

Le but étant de défendre l’état pontifical menacé par l’unité italienne. C’est un français, le général Lamoricière qui se charge de l’organisation de cette petite armée pontificale.

Cette dernière est écrasée par les piémontais à la bataille de Castelfidardo le 18 septembre 1860, l’état pontifical est alors réduit au simple Latium ( autour de Rome ) et les volontaires catholiques affluent car les états catholiques eux même se moquent bien de l’affaire.

L’armée comptera jusqu’à 18000 hommes, les milieux traditionalistes français paient de leur personne et de leur bourse pour défendre la cause.

Les nationalistes italiens qui leur étaient opposés, les nommaient les  » diables bleus du bon Dieu  »

En 1867 l’armée de Garibaldi tente d’envahir les états c’est la bataille de Mentana, les zouaves font merveille et l’aide d’un corps expéditionnaire français permet le succès et un répit de trois années pour les états pontificaux

Mais en 1870 à la suite de la guerre Franco prussienne, Napoléon III retire ses troupes de Rome et les zouaves de Charette sont seuls à la défense de la capitale du pape. L’armée italienne en profite et le 20 septembre 1870 ils entrent dans Rome. Les zouaves pontificaux sont rapatriés sur Toulon.

De retour en France ils se mettent au service du gouvernement de la défense Nationale qui a succédé au 2ème empire. Les zouaves pontificaux se transforment en légion des volontaires de l’ouest sous la direction de Athanase Charette devenu général.

Sous la bannière du sacré cœur ils participent à la bataille de Loigny mais la guerre cesse enfin et les zouaves sont enfin dissous.

La plus part des zouaves fervents défenseurs de la légitimité monarchique et militants catholiques intransigeants feront survivre la mémoire de leur action.

Sur la photo que je possède l’ancien zouave Ducoulombier écrit  » un défenseur obscure mais dévoué de Pie IX et de Henri V, vive Dieu, vive le Roi. »

                                                               Pie IX

Rappelons pour mémoire que Pie IX est souverain pontife de 1846 à 1878 et que Henri V est le fils posthume du duc de Berry et qu’il est prétendant au trône de France. Il est le petit fil du dernier roi de France Charles X. Ennemi résolu de la branche cousine d’Orléans et des descendants du roi Louis Philippe roi des Français. Né en 1820 il est mort en exil en Autriche en 1883, ayant fait échouer toutes les tentatives de restauration en sa faveur par son intransigeance à refuser le drapeau tricolore.

Comte de Chambord prétendant au trône de France sous le nom d’henri V

J’ai retrouvé les états de service de Victor Joseph Ducoulombier ;

Engagé comme zouave le 26 février 1868

Caporal fourrier le 11septembre 1868

Sergent fourrier 16 octobre 1868

Siège de Rome 1870

Campagne de France 1870 1871 avec les volontaires de l’ouest

Matricule 682

Sergent fourrier le 26 octobre 1870

Sergent major le 26 novembre 1870

Licencié 15 août 1871

il devient ensuite imprimeur gérant du journal des zouaves pontificaux nommé  » l’avant garde  »

Sa carrière militaire est terminée, commence celle de sa vie privée.

Il se marie le 26 septembre 1874 à Lille avec Pauline Marie Joseph Caron fille d’un propriétaire.

                                              Pauline Marie Joseph Caron

A ce moment il est gérant du journal  » la vraie France  »

En présence de ses frères Ferdinand et Alfred tous les deux courtiers en assurance à Tourcoing et des frères de la mariée Alfred et Gustave fabricants de ferblanterie à Lille.

Avec sa femme il auront deux enfants Léon Victor 1875 – 1951 et Alfred Paul Joseph 1896 – 1950.

Le premier deviendra prêtre

                                      Révérend père Léon Ducoulombier

et le second directeur d’assurances.

Voila pour la descendance, Pauline Caron meurt le 11.09.1880 à Lille.

Victor Joseph sera donc imprimeur et gérant du journal la  » Vraie France  ».

Il sera décoré de l’ordre de Saint Grégoire le grand dans l’ordre des chevalier le 5 décembre 1897, distinction accordée par le Vatican pour services rendus en tant que zouave pontifical.

Il sera également titulaire de la médaille des Benemerenti décernée par le saint siège  pour ceux qui ont  rendu de longs et éminents services à l’église catholique.

Il sera également cité comme personnalité à l’enterrement de son ancien commandant le général Athanase de Charette de la Contrie en 1911.

Notre homme décédera à Paris le 07 octobre 1921 et sera inhumé à Lille entouré de ses enfants et petits enfants.

Il convient de rajouter que la photo de Victor Ducoulombier était destinée à l’abbé Aimé Joseph Kochanski né à La Rochelle en 1840 et décédé dans la même ville en 1906, ce dernier étant curé des Portes en Ré en 1876. Ce qui explique pourquoi j’ai trouvé ces photos en Charente Maritime.

Voilà je vais laisser mon personnage retourner à son repos éternel en espérant l’avoir fait un peu sortir de son anonymat .

Peut être que mon texte arrivera un jour sous les yeux de sa postérité et qu’ils me contacteront. On ne sait jamais avec les hasards de la généalogie…..

LE DÉPART D’UN JEUNE CON

 

Jeune, con, insouciant du mal qu’il peut faire en s’éloignant, il monte dans la vieille voiture verte du réseau SNCF de l’est .

Ce départ il en a rêvé lorsque solitaire ses yeux se perdaient sur les vieux toits de la ville.

Maintenant tout se précipite, tout se bouscule, son papier bien serré dans sa veste, ses maigres habits serrés dans une antique valise, il part.

A la lueur dansante des lampes qui éclairent le quai, son père une dernière fois l’accompagne du regard. Rien ne transparait de sa détresse intérieure mais en sage de la vie il sait au fond de lui que celui qui s’en va ne revient jamais.

C’est une sorte d’enterrement, un deuil perpétuel, une petite mort que de voir ceux qu’on aime s’éloigner.

La silhouette qui peine sous la charge de sa valise s’estompe derrière les vitres sales du wagon, elle dépose son bagage de cuir noir dans un porte bagage.

Le partant revient une dernière fois saluer celui qui l’a fait naître, celui qui l’a élevé et qui jusqu’à lors l’a nourri. Les phrases ne se bousculent pas, elles sont celles de taiseux.

Dans les regards il y a de l’amour, mais il est jeune et con, en voit-il derrière la barrière lacrymale la profondeur?

Le train s’ébranle dans la nuit, bientôt le père se fait petit dans le lointain. Les lumières de la ville qui l’ont vu grandir disparaissent, ne laissant place qu’à la froide solitude de la campagne plongée dans l’obscurité.

Alors que traînant les pieds, malheureux il rentre au foyer où plus jamais ne résonneront les cris de son enfant, son fils vogue vers son futur, son avenir, sa vie.

Il aurait préféré pour sûr que cet avenir se construise ici dans le giron mais l’inconscience de la jeunesse vient de le pousser au loin, comme un mauvais coup de vent vous volerait une page de souvenir.

La nuit sera mauvaise, comme la brise haineuse qui déroule votre vie au gré de ses envies. Jamais il ne sera le même, jamais le temps ne s’écoulera de la même façon. Il a beau savoir comme le savent les pères et les mères que leurs enfants ne leur appartiennent pas mais son cœur tout de même se brise.

Lui la tête calée sur la vitre froide regarde le paysage, il ne sait pas que c’est son enfance qui file, il ne sait pas que le morceau de vie qu’il abandonne est la brique constructrice de son destin. Non il ne sait rien de cela , il est jeune et con.

Il observe la scène qui s’offre dans le compartiment, des travailleurs abêtis par la fatigue et qui regagnent leur foyer, un bidasse en uniforme qui bientôt aura fini son temps et une jeune fille un peu intimidée qui baisse la tête alors qu’elle se doute qu’on l’observe. C’est un microcosme, ce n’est plus la cellule familiale, ce n’est plus sa mère qui tricote un chien au crochet autour d’une bouteille, ce n’est plus son père qui lit le parisien.

Puis le train ralenti, de nouveau des lumières trouent la nuit.

Les routes telles des lambeaux luminescents incendient le noir crépusculaire, maintenant des immeubles bordent les voies, la crasse, les voitures, des centaines de voies, des lumières qui clignotent, au loin un avion.

Crissements des roues, wagons qui pleurent, Paris gare de l’est. Il n’a pas loin à aller, la gare de Lyon est proche. L’odeur des quais lui pique le nez, la foule empressée le bouscule, lui cherche l’entrée béante du métro. Ligne 4, Châtelet, Clignancourt, les couloirs aux carreaux bleu métro se succèdent, un musicien, un pochard, une roumaine qui exhibe son enfant, un flic, une bourgeoise fatiguée, une gamine aux yeux bordés déjà las de la vie, dont le rimel en vilaines coulures lui donnent un masque de clown. Tout se bouscule mais il ne peut reculer, tenir son horaire, changer de gare, trouver le bon train. Il ne pense plus à ceux qui l’abritaient, à ceux qui le choyaient, son destin est enfin en marche il est lui, il n’est plus eux.

Un ignoble wagon vert, le monde s’agglutine , le train est plein. Une place, il s’y cale et ne bouge plus de peur de se la faire prendre.

A voir les visages, il n’est pas seul à tenter l’aventure. Des faces étrangères mais qui expriment toute l’inquiétude d’un grand voyage.

Ceux qui sont là ont-il la même destination, il l’ignore, chacun se tait.

Puis dans un bruit effrayant le convoi démarre, Paris Vintimille. Le bruit est le même que précédemment, les lumières sont les mêmes. Les yeux commencent à se fermer, des épaules s’affaissent. On entend toutefois des bruissement de papier aluminium, le casse croûte maternel, odeur de pâté, de jambon, puis de nouveau le silence.

Tous se taisent, aucune parole ne s’échange, un désespoir, une langueur les frappent. est ce déjà un renoncement?

Non certes pas, juste une première faiblesse , un léger remord, mais le train de la vie comme le Paris Toulon poursuit sa course et ils s’éloignent tous du foyer initial de leur premier bonheur.

Les heures défilent lentes, angoissantes, l’avenir se rapproche, le futur ignoré qu’on espère beau.

Le contrôleur réveille tout le monde titre de transport, il s’aperçoit que presque tout le monde a le même, le fonctionnaire sourit.

La fatigue écrase son monde, le sommeil est mauvais, sale, presque fatiguant, l’aube pointe à travers les carreaux, tient, on voit la mer. Arrêt, Marseille Saint Charles.

Alors que Lyon Perrache n’a suscité aucun intérêt, la cité phocéenne réveille et émerveille.

Le jour est définitivement levé, il se lève, marche dans le couloir, la peur du lendemain arrive.

Enfin l’arrivée, tous sautent à quai, observation.

Le planton est là, second maître à casquette, les recrus se regroupent autour de lui comme des canetons autour d’une mère cane

Il donne ses ordres, les premiers aboiements qui se veulent malgré tout paternaliste.

On le suit, Panurge n’aurait pas mieux fait, de la gare au port le chemin est long, les valises sont lourdes, les rues sont désertes.

Chicago étale sa saleté, sa puanteur d’urine, de vomis et de poubelles.

La darse de Toulon, autres odeurs, autre atmosphère, quelques barcasses. Malgré le soleil qui point l’ambiance est pesante, lugubre, morne, plus aucune joie ne transparaît sur les visages. Un silence de mort, de cathédrale, de Saint Sépulcre entoure les futurs matafs.

La mer exhale une forte odeur désagréable aux terriens que nous sommes encore, au fond d’eux même plusieurs pensent déjà à repartir.

On les entasse dans un grand canot à moteur manœuvré par des matelots. Éloignement du bord, enfin un spectacle s’ouvre aux yeux plein d’ébahissement, sur la droite, les masses imposantes des vaisseaux de la flotte que l’on rêve déjà de monter.

Derrière la splendeur du Faron qui écrase de sa hauteur l’ensemble de la baie, puis en face la presqu’île de Saint Mandrier.

Loin derrière, loin là bas, une mère se lève, sort un bol qu’elle ne remplit pas, le pose puis pleure. Son fils, l’idiot , le jeune con est parti pour un long voyage, celui dont on ne revient pas , celui de la vie.

LE CIMETIÈRE DU GUÉ D’ALLERÉ, Histoire d’un lieu

 

LE CIMETIÈRE DU GUÉ D’ALLERÉ

Que l’on soit adepte de promenade en ces lieux, qu’on s’y rende une fois l’an pour fleurir une tombe ou qu’on évite cet endroit malséant, nous savons tous où le cimetière se trouve.

Celui de notre petit village ne fait pas exception .

Il est situé en marge du village respectant à la lettre les recommandations des autorités, bien qu’avec l’expansion du village les maisons des vivants se rapprochent de nouveau de celles des morts.

Avant d’ étudier sa simple histoire, il est sans doute bon de rappeler ce qu’est un cimetière et d’en appréhender un historique.

L’humanité enterre ses morts depuis une éternité mais le plus vieux cimetière connu se trouverait au nord de la Jordanie et serait vieux de 16500 ans.

Le mot cimetière vient du grec dortoir, en effet dans la religion chrétienne les morts sont en attente d’une résurrection.

Ils dorment donc du sommeil éternel dans un champs de repos.

Notons toutefois que jusqu’au 15ème siècle le terme cimetière est seulement utilisé par les religieux, le peuple utilisant le mot aître qui vient du romain atrium et qui on le sait ou pas nommait la pièce principale de l’habitation.

C’est dire l’importance que la population donnait à l’endroit.

Ce mot ensuite dériva vers la désignation du porche de l’église et du parvis, le mot cimetière s’étant imposé.

Dans l’antiquité romaine les morts étaient enterrés en dehors de la ville le long des voies de communication ou bien dans des catacombes.

La loi des douze tables ( 450 av JC ) interdisait par mesure d’hygiène d’être enterré ou incinéré dans les cités.

Les premiers chrétiens seront donc enterrés dans des catacombes.

C’est tardivement sous l’ère des carolingiens ( 8ème siècle ) et pour lutter contre les coutumes païennes de l’incinération qu’on prit l’habitude d’enterrer nos morts.

Tout d’abord dans un champs plein, puis peu à peu dans un endroit proche de l’église pour s’assurer une protection plus efficace des saints martyrs.

A l’aube des cimetières, ils se trouvent ouverts sans délimitation ni architecture bien établies. Viendra ensuite le temps ou ils seront clos avec l’adjonction d’une croix centrale.

Les tombes n’avaient pas le caractère permanent qu’on y attache aujourd’hui, les corps étaient mis en décomposition en terre et sans pierre tombale, on ignorait rapidement l’endroit où ils étaient enterrés.

La plupart du temps les tombes étaient sommaires, les morts entassés dans un espace restreint y exhalaient souvent une odeur pestilentielle. Les sources à proximité étaient polluées et il n’était pas rare que des corps fussent déterrés par des animaux en maraude.

De plus les cimetières d’antan étaient loin d être aussi silencieux que ceux d’aujourd’hui. Les gens y prenaient rendez vous, y discutaient, y commerçaient et s’y promenaient volontiers.

Régulièrement et pour faire de la place on collectait les os et on les plaçait dans un ossuaire ou dans une fosse commune.

On ne connaît pas de description du cimetière du Gué d’Alleré primitif ni d’ailleurs de la première église, mais rien ne nous indique qu’il n’en fut pas ici comme ailleurs.

 

La situation resta en l’état fort tard dans le 18ème siècle, mais l’empreinte humaine s’accélérant il fallut pallier par des textes à l’augmentation des nuisances.

Tout d’abord, les habitants ayant quelques aisances prirent l’habitude de se faire enterrer dans les églises, plus le niveau social montait plus on était inhumé près de l’autel. On imagine les inconvénients olfactifs et les risques de propagation épidémique.

Un décret royal en 1776 mit fin à cette pratique ancestrale.

Concernant l’église du Gué d’alleré, les dernières personnes ensevelies furent Marie Louise et Louise Guy Poirel héritières de la seigneurie du Gué d’alleré, le 31 janvier 1755.

Elles demeuraient toutes deux au château du Gué d’Alleré.

On se doute que la mesure ne fut pas appréciée de tous et que l’église qui y voyait une source de revenu importante freina des quatre pieds.

En 1804 un décret napoléonien décida que le cimetière serait ouvert à toutes les confessions. Le cimetière sera désormais géré par la Fabrique en lieu et place de l’église et tous auront le droit d’avoir une sépulture identique.

On mit également en place les concessions renouvelables tous les cinq ans.

Le cimetière du Gué d’Alleré reste bien au chaud autour de l’église.

Avant de poursuivre, il convient d’apporter une précision d’importance. Le village du Gué d’Alleré était une paroisse avec ce qu’on appelait des annexes.

Il y avait le village de Mille Écus et le village de Rioux, entendons plutôt hameaux que villages mais chacun avait toute fois une église et un cimetière.

Le village était donc pourvu de trois cimetières ce qui après tout n’est pas très banal.

Il n’y a bien sûr aucun renseignement sur la création de ces cimetières mais il faut savoir qu’on a découvert lors du creusement d’un fossé à Rioux au 19ème siècle  deux sarcophages qui pourraient dater des premiers temps d’une installation chrétienne dans notre village. Cette découverte étant située à proximité de la métairie de Rioux, lieu de l’implantation de l’église.

L’église de Rioux portait le nom de notre Dame et la dernière inhumation eut lieu le 7 mars 1783. Après cette date il n’apparaît plus rien sur les registres. C’est donc Jean Jutteau 79 ans qui clôture les inhumations en cet  endroit. Le cimetière était de toutes façons très peu utilisé.

Avec un peu plus d’animation si j’ose m’exprimer ainsi, il y avait aussi le cimetière de Mille Écus qui se trouvait autour de l’église qui par ailleurs devait servir de chapelle au château.

Le dernier a être enterré en ce lieu est le fils de Pierre Bonnet et de Marie Naudin, âgé de trois ans, il est mort le 16 mai 1787 et a été inhumé le lendemain.

Au regard de l’étude des registres paroissiaux la majorité des inhumations se faisaient dans le cimetière du Gué d’Alleré. Les deux autres étant réservés aux habitants des hameaux bien moins importants que le bourg principal.

De toutes manières les églises ont été désaffectées et les cimetières abandonnés peu à peu, bien que l’on trouve encore trace d’une Fabrique (la Fabrique est l’ensemble des biens matériels d’une église et des revenus affectés à l’entretien de ces biens ), à Rioux et à Mille écus dans les premières années du  19ème siècle, ce qui tendrait à démontrer que les deux églises pouvaient être encore utilisées où du moins qu’il y avait encore des biens à gérer.

L’on sait également qu’en  1841 les trois cloches de nos églises du Gué, de Rioux et de Mille écus furent fondues en une seule et pesant  donc 347 kilos. Les pierres des églises de Rioux et de Mille écus ayant quand à elles, ont servi à agrandir l’église principale du Gué en  1837

Notre petit cimetière continua sa vie, si j’ose m’exprimer ainsi mais en 1842, il faut bien le dire nos morts sont à l’étroit.

 

La population globale qui était de 532 habitants en 1806 arrive à 882 en 1841, c’est encore moins qu’avant la révolution ( 976 en 1793 ) mais c’est maintenant trop car les cimetières de Rioux et Mille écus sont fermés.

Notons que cette expansion démographique coïncide avec l’expansion maximum du vignoble dit Rochelais.

Il faut donc en changer et en 1842 l’affaire est faite, le jardin des morts, qui depuis toujours était sous la protection tutélaire de l’église est déplacé sur le terrain actuel.

Les morts s’éloignent des vivants.

En 1843 les travaux de la clôture sont adjugés à François Raimond, le farinier du moulin David.

Puis en 1847 on érigera la croix qui se trouve encore au milieu du cimetière, dessinée par l’architecte P Coiffé et approuvé par le maire Monsieur Bontemps.

 

Mais des morts toujours des morts, il faut agrandir. Les terrains disponibles appartiennent à Auguste Boisson et Louis Raymon. Ils ne veulent sans doute pas vendre alors ils sont expropriés par jugement du tribunal de La Rochelle en avril 1861.

Dès lors notre cimetière ne changera guère jusqu’à une date récente. Mais un changement des pratiques et des mentalités fit que l’on dû adjoindre un columbarium et un jardin des souvenirs.

 

 

LA BELLE MORTE ET LA TUEUSE D’ENFANT, ÉPISODE 10, le triste dénouement

 

Quinze jours plus tard le dimanche 20 juin 1869 il est sept heures du matin, Marie Anne envoie Justin à Pot Bidal pour voir si la vache a vêlé.

En arrivant le garçon constate que la vache a bien vêlé mais que son frère gît étendu dans la paille.

Il repart en courant pour prévenir sa mère, cette dernière sans en savoir plus clame que son fils a été tué par la vache.

Cette précipitation est déjà presque un aveu.

Accompagnée d’une femme et de deux agriculteurs dont Jean Ruffié dit Brigou, elle se rend dans sa grange de Port Bidal

 

Ils y trouvent Joseph raide comme une bûche, une corde est attachée à sa ceinture reliée aux cornes de la vache.

Marie Anne en déduit que Joseph c’était attaché à la bête et qu’en vêlant elle l’a tué.

Cela ne convainquit pas les cultivateurs, rien ne va dans cette saynète, le lieu où on trouve la cape et le bâton de Joseph ne peut convenir, il n’y a pas d’herbe à brouter et l’on voit mal ce que la vache aurait fait là. De plus on retrouve l’arrière faix dans un endroit improbable, comme pour faire croire que la vache a vêlé à cet endroit.

Bref personne y croit et la procédure s’enclenche , le juge de paix de Vicdessos monsieur Paul Bergasse de la Larioulès monte à Orus et procède aux constatations.

Les présomptions de la commission d’un crime sont accablantes. Marie Anne est arrêtée

Une autopsie est pratiquée, Joseph a été assommé puis étranglé. La vache n’est nullement responsable de la mort du petit .

Antoine Pelet semble ne pas avoir participé au crime, il était absent et ne sera arrêté que le 9 juillet.

.Marie Anne a beau dénier toutes implications, il y a encore un élément qui aggrave son cas,.

La veille de la mort de l’enfant, elle s’est rendue à Vicdessos pour acheter de la mousseline et des calicots noirs

C’est une tradition dans la région de confectionner une cravate de mousseline et d’accrocher des calicots aux poignets du mort pendant la toilette des défunts.

On a beau être la tueuse de son propre fils, il faut quand même respecter les traditions.

Raymonde est couchée, son état ne fait qu’empirer. Une vilaine sueur lui mouille les aisselles et elle sent sa chemise de nuit s’imprégner d’une nauséabonde humidité.

Elle a froid, elle tremble, parle à son entourage de choses qu’ils ne comprennent pas.

Parfois d’un geste, elle semble chasser quelque chose à moins que cela ne soit quelqu’un.

Ses proches se relayent à son chevet, sa mère dort sur le fauteuil à ses cotés.

Deux fois par jour le médecin de la famille passe s’assurer. S’assurer de quoi, nul ne le sait car le diagnostique est posé depuis un bon moment.

Mais en bon praticien il examine encore et encore, soulève la main transparente et légère de Raymonde où l’on voit le delta de veines bleues. Il écoute sa respiration ou plutôt il constate qu’un râle sifflant a envahi la poitrine de la jeune femme.

Tous sont là, même elle, tapie au fond de la pièce toute de noire vêtue.

Raymonde sait maintenant qu’il vont se rejoindre mais ne voudrait pas paraître devant l’éternel avec au bras cette improbable cousine.

Elle qui aurait pu avoir une agonie douce en compagnie de sa famille, c’est vu ennuyée par cette mortelle histoire d’infanticide.

Il n’y a pourtant rien à faire elle doit entendre la fin de cette sordide histoire afin que ce sordide lien par de là l’esprit soit enfin coupé.

Il est temps d’en finir avec cette méchante femme, haineuse et tortueuse comme les aime ceux qui se targuent d’écrire.

Marie Anne admit enfin qu’elle avait tué son enfant, innocentant cette pauvre vache qui venait de vêler.

Le jury la reconnut évidemment coupable et la condamna aux travaux forcés à perpétuité.

Antoine Pelet fut reconnu innocent.

Justin Pelet est devenu Boucher à Montauban et est mort en 1906.

Quand à notre pauvre âme de Raymonde elle mourut à Niort le 26 juillet 1929 et fut inhumée dans le petit village de ses grands-parents maternels.

Elle nous a laissé d’elle son magnifique portrait qui orne comme au premier été de sa mort une petite chapelle. Elle a été rejointe fort tard par sa grande sœur Andrée.

Depuis 1983 cette vénérable semble un peu à l’abandon mais attire encore quelques vieux grigous qui sortent de leur grimoire pour voyager encore un peu dans le passé de ceux qui nous ont précédés.

Cette histoire n’est pas voulue mais le fruit d’un pur hasard en cherchant à faire revivre cette inconnue de mon cimetière. Je suis tombé sur cette odieuse personne, elle avait un nom en commun et un village en commun. Alors pourquoi ne pas les faire revivre toutes deux en même temps ?

L’histoire de Marie Anne est tirée de la Gazette des tribunaux de 1869 et des registres d’état civil du village d’ Orus, celle ma fois de Raymonde des registres d’état civil de Niort, du Gué d’Alleré et aussi de mon imagination.

Notons qu’il y a toujours beaucoup d’ habitants qui se nomment comme nos héroïnes dans la région d’Orus.

Je n’ai malheureusement pas de date de décès à vous proposer pour Marie Anne, mais gageons qu’elle est morte en prison.

FIN