Paris se vide peu à peu, de nombreux habitants quittent la capitale, on ne trouve plus un taxi de disponible.
Françoise est réquisitionnée par les éclaireurs de France pour accompagner des trains de réfugiés qui transitant par Paris sont envoyés vers des centres d’accueil près de Gien. Les conditions sont déplorables via la ville de Bourges le trajet dure 16 heures. Le train suite aux encombrements ne roule parfois qu’à dix à l’heure.
Françoise et les éclaireuses distribuent des vivres et des biberons. Toujours la chaleur, la promiscuité, les hurlements des enfants énervés. Puis l’odeur des corps entassés, des langes merdeuses, des toilettes qui se bouchent. C’est la consternation sur tous les visages, mais l’espoir est encore là , la guerre finira bien , nous les arrêterons comme en 18 et enfin cela sera la der des der ;
Françoise rentre exténuée, se reposer, dormir, se laver et ne penser qu’à Raymond qui lui aussi chemine en train.
6 septembre 1939
Mais maintenant l’heure n’est plus au repos, la nuit des parisiens est troublée par de stridentes sirènes, avisant d’une alerte aérienne.
Françoise en cette nuit passera de 1 h 45 à 4 h 30 dans un abri de la rue Gervex. C’est long, pas question de dormir, alors les conversations se nouent entre des gens qui ne sont que de parfaits étrangers.
Normalement le signal d’alerte est donné quand les avions ennemis passent la frontière, cela laisse un peu de temps pour se réfugier dans les nombreux abris de la capitale.
Mais ici personne ne croit que les avions allemands arriveront jusqu’ici, c’est aussi la première fois que Françoise entend tonner le canon, du moins le pense t-elle et des souvenirs qu’elle croyait enfouis et datant de sa prime enfance ressurgissent avec force.
Elle n’a pas peur mais s’inquiète du peu d’information que les journaux et la TSF fournissent. Évidemment elle ne demande pas qu’on dévoile des secrets militaires, mais tout de même.
On nous dit que la Pologne se défend admirablement bien, mais que la lutte est sans espoir tant les disproportions de force entre les belligérants sont énormes.
Comme Françoise n’a pas de travail elle compte à l’invitation de sa tante De M ,se rendre à Hendaye, là bas dans la belle villa Etché Verdia elle fera le point et réfléchira à son avenir.
Maintenant sur Paris on a la psychose des gaz, le port du maque est rendu obligatoire et Françoise va cherche le sien, la distribution est gratuite.
Françoise s’amuse et se moque de voir certaines personnes porter cette longue boite kaki en bandoulière. Lorsqu’elle croise un employé des pompes funèbres en bicorne ou bien une bonne sœur avec sa boite qui lui bat les flancs elle ne peut s’empêcher de rigoler.
Mais elle s’inquiète aussi de son utilisation
» J’ai lu la notice et j’ai essayé l’engin une minute, aussitôt après j’avais l’impression de respirer à travers un édredon et je veux espérer que nous n’aurons jamais besoin de nous servir de ce machin là »
12 septembre 1939
Raymond a réussi à joindre Françoise par téléphone, il est toujours à Saint Péray au centre mobilisateur. Visiblement les polonais ne vont pas avoir de l’aide immédiatement. Après cela il va monter au front. La France va-t-elle attaquer l’Allemagne ?
En attendant Raymond invite Françoise à venir le rejoindre.
Il n’y a bien sûr rien de réglementaire dans tout cela
L’on voit que pendant que nos alliés luttent pour leur survie et que Varsovie est presque totalement encerclée, les officiers de l’armée française qui viennent d’être mobilisés, reçoivent leur compagne.
Françoise fait sa valise, quelques vêtements, un livre et la voila dans le train en direction de l’Ardèche. Aucun contrôle des populations, libre circulation, il est à se demander si la guerre est vraiment commencée.
15 septembre 1939
Françoise ne voit Raymond que quelques minutes le soir lorsqu’il termine son service. C’est dur , c’est frustrant. Elle ne peut que se blottir entre ses bras, son corps réclame plus mais il ne peut partager sa couche.
Il lui annonce enfin que le 17 il part, Françoise lui fait la comédie du courage , mais les larmes coulent, Raymond va se rapprocher du danger, peut-être de la mort.
Françoise qui n’a rien à faire à Paris car Flammarion a fermé ses bureaux, décide de partir directement chez sa tante à Hendaye.
Cette dernière est la sœur de sa mère , elle lui ressemble et Françoise lui reporte toute l’affection filiale qu’elle ne peut plus donner à sa mère défunte.
18 septembre 1939
Françoise est à Hendaye et avec sa cousine Suzanne D elle va remonter sur la propriété du Rayat à Muret que son oncle et sa tante De M possèdent.
Là bas chacun attendra des nouvelles des mobilisés.
Suzanne et Françoise sont cousines germaines, la première est plus âgée que la seconde mais leur complicité remonte à l’enfance. Suzanne faisait faire des bêtises à sa petite cousine mais la protégeait et lui apprenait des choses féminines que sa tante et sa mère ne lui auraient jamais transmises.
Au Rayat tout le monde s’installe, Françoise est invitée pour la durée de la guerre , elle est chez elle . Outre sa tante et son oncle il y a 3 jeunes mamans et 9 petits enfants. La maison bruissent d’une joyeuse activité et les 7 domestiques ont fort à faire.
L’oncle est un ancien inspecteur des finances, héritier d’une ancienne et noble famille, il gère des biens et ses affaires sont prospères.
Françoise est bien au Rayat bien qu’elle souffre de l’humeur sombre de l’oncle et que le bruit des enfants la dérange un peu.
Puis le Rayat vénérable bâtisse accolée à la métairie abrite une colonie d’indésirables qui dansent une sarabande nocturne
On lui propose de devenir la perceptrice de trois des enfants qui suivent les cours par correspondance de l’institut catholique , elle hésite car elle préférerait son indépendance.
Elle écrit tous les jours à Raymond sans savoir si les lettres lui parviennent elle se languit de lui,
»tout me paraît imaginaire, sans importance, vide de valeur, à coté du fait que nous sommes séparés l’un de l’autre et qu’il faut tirer parti quand même des journées que l’on vit »
Elle guette le facteur avec obsession mais rien de vient, si encore elle avait des nouvelles de lui.
Les occupants du Rayat sont couverts de puces, et la pompe qui amène l’eau du puits est en panne.
Françoise peine à imaginer ce que doivent subir les assiégés de Varsovie. Mais loin de l’ être aimé tout prend un aspect sinistre, le vent que pourtant elle aime n’est qu’inconvénient et déplaisir.
Les moustiques et les poux qui attaquent prennent une importance démesurée.
Le polonais se meure, le français se gratte.
Mais il faut faire semblant et paraître , rester digne malgré le tourment, ne pas montrer aux enfants l’inquiétude qui tenaille le ventre des femmes et des mères. Puis se pomponner aide à passer le temps