UN AMOUR FOURASIN, PARTIE 1, SIMON GAUVIN

blason Fouras

Simon franchit l’entrée de la propriété, cela faisait plusieurs heures qu’il chevauchait seul à travers ses terres. Son cheval fatigué, semblait heureux de rentrer à l’écurie et imperceptiblement avait accéléré le pas. Simon en bon cavalier le laissait faire en souriant pensant que lui aussi exténué, avait bien mérité un bon repas. La lourde grille blasonnée était grande ouverte comme chaque jour après le levé du soleil. Sous la chaleur et l’effort sa monture écumait, de sa main libre il lui caressa le col, cette bête était magnifique et il faisait corps avec elle.

Le long du mur du bâtiment des communs, Henri son palefrenier l’attendait. Le valet était nouveau dans la maisonnée, Simon, exigeant, avait peur qu’il ne fasse pas l’affaire. Les chevaux étaient occupation de spécialistes et d’amoureux et il n’aimait guère en changer.

Le maître du domaine sauta de son cheval et jeta ses rênes dédaigneusement au pauvre Jean qui ne demandait qu’à faire ses preuves. Menaçant il le pria de prendre soin de son cheval et se dirigea vers l’entrée du noble logis.

Dans la cour deux femmes devisaient avec l’ardeur qu’ont les femelles à parler. Il connaissait l’une d’elles car elle faisait partie de la maison comme servante et comme femme du palefrenier. Il n’aimait guère que ses gens ne perdent leur temps à causer alors que les tâches pour lesquelles il les payait ne manquaient pas. Si la situation perdurait, il n’hésiterait pas à renvoyer ce vil monde. Les ventres creux ne manquaient pas sur la presqu’île et il ne lui serait pas difficile de trouver des remplaçants.

Il n’était pas plus dur que ses commensaux mais une fermeté appropriée ne faisait pas de mal face à ces manants en sabots qui prendraient en cas de faiblesse un ascendant préjudiciable à la bonne marche des affaires.

Il s’apprêtait donc à fondre sur les bavardes quand il s’arrêta net. Ses yeux pleins de stupéfaction avaient découvert derrière la robe déguenillée, derrière le simple bonnet de coton une merveille de la nature. De cette crasse paysanne émanait la quintessence de la beauté féminine. Il en fut submergé, renversé, bouleversé, sa colère était tombée et il regardait les deux femmes avec une stupidité d’amoureux. Sa servante baissait la tête, rentrait ses épaules pliant déjà sous un orage de colère éventuelle, elle connaissait les ires de son maître et se souvenait qu’il avait déjà levé le fouet devant une drôlesse qui badait un peu trop. Par contre l’inconnue qui peut être mesurait le poids de sa beauté fixait de ses yeux couleurs de grand large le maître des lieux. La fixité de ces diamants bruts subjugua Simon, elle lui offrit un magnifique sourire avant de se retourner et de quitter la propriété. Il la regarda partir, la vit ôter ses sabots dans le chemin qui menait à l’Aubonnière et entendit le murmure d’une chanson qui comme un nuage d’été s’élevait au dessus de la maison.

La servante devant son maître médusé tenta une fuite mais d’une main ferme il la retint.

  • qui est cette femme.
  • C’est Jeanne
  • Jeanne qui
  • Jeanne Sautereau, elle habite au Breuil.
  • Seule
  • Non avec sa mère
  • Elle appartient à qui
  • Je ne sais, à tout le monde
  • elle prend le travail où il y en a
  • Bon ne reste donc pas à feignanter.

Simon monta les marches et alla prendre place en bout de la grande table dressée. Il était seul à dîner car son frère et sa sœur se trouvaient être à La Rochelle. Il n’aimait guère la solitude mais en cette famille bourgeoise de quelque importance, les déplacements en la capitale de la province étaient obligatoires. Lui même si rendait souvent et bientôt il devrait sûrement aussi y demeurer.

Simon même si il s’en défendait, n’était qu’un héritier, un rejeton de bonne famille né avec une cuillère en argent dans la bouche. A maintenant vingt six ans il n’avait encore rien fait de lui même. Ne s’était pas élevé dans les gloires guerrières, n’avait encore aucune charge d’importance, ne  s’était pas commis dans la recherche d’une quelconque vérité et il se doutait de n’être vu par d’autres que comme un médiocre qui doucement mangeait un dur héritage.

A n’en point douter assis à cette grande table, il en était bien un de ces hobereaux de campagne, dont les ancêtres s’étaient illustrés. Le sien, le vénérable le plus notable n’était autre qu’Étienne Gauvain, grand amiral de la flotte Rochelaise et maire de la cité protestante en 1623. Il fut de ceux qui marchands, négociants, armateurs firent de la ville océane la capitale d’une presque république protestante. Toutes ces familles liées entre elles par des contrats d’affaires, par des intérêts communs unirent leurs fils et leurs filles, pour donner le maillage inextricable de la société possédante Rochelaise. D’unions en achats, d’héritages en donations les Gauvin avaient prospéré en ces lieux sauvages que constituaient, la presqu’île de Fouras et les marais de Saint Laurent de la Pré. Peut être refuge pour ces familles protestantes pourchassées par les dragons de l’édit de Fontainebleau qui anéantissait les efforts louables de l’édit de Nantes, ces contrées éloignées des centres de pouvoirs convenaient bien à Simon. Ce cocon dont il connaissait parfaitement l’étroitesse l’étouffait parfois un peu et il s’en allait alors en la maison familiale de La Rochelle voir si la société lui était moins pesante. Mais chaque fois il en revenait, vite lassé par les soirées mondaines où chaque père tentait de vous vendre sa fille. Certes il savait qu’un jour sous la pression familiale lui aussi mettrait sa signature au bas d’un acte pour mettre une pucelle de bonne famille dans son lit et l’argent du père dans son bas de soie.

Parfois il se disait qu’il avait bien des ambitions limitées, que lui aussi pourrait parader à la cour du roi Louis XV, que lui aussi pourrait faire la roue devant la  » Poisson  » pour se faire offrir une lucrative charge. Lui qui touchait par sa mère aux Dansays du treuil de Bussac, lui qui frôlait la véritable noblesse se mettait à rêver. Le château de sa famille maternelle qui pas loin d’ici dressait ses tourelles pourrait être à lui et non pas ces Chadeau de la Clochetterie. Certes il possédait un peu de ce domaine, mais le Magnou n’était pas château et malgré la prospérité de l’ensemble ne valait en historicité l’ancien et vénérable château.

Il se disait que les Gauvin de Fouras en valaient bien d’autres et que son blason d’or à un gaufrier de sable accosté de deux bouteilles de gueules faisait aussi bonne figure que celui d’autres familles qui avaient le pas sur eux.

4 réflexions au sujet de « UN AMOUR FOURASIN, PARTIE 1, SIMON GAUVIN »

  1. Bonjour Pascal. Reçois, ainsi que toute ta Famille, Tous mes Vœux en cette année 2025.
    Alors là, tu entreprends quelque chose de Grandiose, Histoire des Fourasins !! Je suppose que, comme d’habitude… « tu mènes l’enquête »
    J’ai pas mal de sites à propos de Fouras
    Bises à Tous

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    • Bonjour Martine et bonne année à toi. Dire que je me lance dans l’histoire Fourasine est un bien grand mot, mais j’ai acheté sur Ebay un lot de papiers sur le domaine du Magnou. Alors tu penses bien que j’ai fouiné. J’ai alors déniché une belle histoire que je vous raconte maintenant.

      Amitié

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