LE MEURTRE DE GASTON BRETON, Partie 2/3, le parcours d’un maquisard

 

Il est temps maintenant d’exposer l’affaire qui nous fait écrire ces lignes.

Au gué d’Alleré, gîte Gaston Breton un entrepreneur de La Rochelle, installé dans une belle maison art déco où habitait avant lui une famille de réfugiés juifs et qui avaient été contraints à fuir.

Le dit Breton qui aux dires de ses détracteurs, était un collaborateur notoire, avait avouons le bien mal choisi son lieu de refuge. Quittant la protection de la garnison allemande qu’il aidait en une collaboration économique lucrative, il venait se jeter en quelque sorte dans la gueule du loup.

Il est donc chez lui avec sa femme et ses deux enfants lorsque le 24 ou le 25 octobre 1944, un déferlement de haine se répand dans son logis.

Pour bien marquer que la relation de cette histoire est issue de la déclaration faite le 03 septembre 1952, je vais prendre un style narratif en suivant exactement les aveux de notre homme.

La déclaration.

Cela fait maintenant cinq ans et demi que je croupis à Bordeaux dans la sinistre et vieille prison du fort du Hâ. (1) Je me nomme Royer Roger et je suis né à Payroux dans la Vienne le 10 février 1924.

Mon père Louis Fernand décédé maintenant, était officier supérieur, ma mère Marie Desroches vit à Joussé petit village dans la Vienne.

Je suis divorcé de Gisèle Thibaut et j’ai une petite fille qui se nomme Marie France. Je me suis engagé dans l’armée d’armistice au 404ème régiment de DCA à Châteauroux.

J’ai été décoré de la croix de guerre le 27 décembre 1944 puis dégradé en 1947.

J’ai été condamné en mai 1949 à 5 ans de prison pour vol, détournement et désertion par le tribunal militaire de Bordeaux, peine confondue avec celle de ma condamnation à 20 ans de travaux forcés pour vol qualifié en juillet 1948 par la cour d’assises de Charente.

J’ai pris un an supplémentaire en Charente pour tentative d’évasion.

Mais comme cela ne suffisait pas à ma peine, j’ai été condamné par le tribunal militaire de Paris en août 1949 à 20 ans de travaux forcés pour trafic d’armes et de fausses monnaies ainsi que d’atteinte à la sécurité extérieure de l’état. Mais pour cette dernière peine je me suis pourvu en cassation.

Je vous passe évidemment les condamnations pour délits mineurs.

Actuellement je suis inquiété dans l’affaire Breton et je suis inculpé de complicité de meurtre et de vol qualifié par le cabinet d’instruction du tribunal d’instance de La Rochelle.

Je suis entré au parti communiste en 1936 dans la filiale scolaire des Faucons rouges.( 2) Ensuite j’ai pris une part active dans ce parti à l’école primaire supérieure de Poitiers. Lorsque le parti a été interdit comme les autres je me suis fait petit en niant en avoir été membre.

Lorsque par le miracle de l’accord entre les nazis et Staline le parti est rentré en grâce, je me suis retrouvé chef des jeunesses communistes de Poitiers

Ensuite je suis entré à l’université, j’y suis resté jusqu’en 1942 , le parti communiste était dans la clandestinité depuis qu’Hitler avait déclaré la guerre à Staline. On m’a alors demandé de m’engager dans l’armée pour y installer des cellules communistes et organiser une résistance communiste.

C’est ainsi qu’au sein du 404ème DCA, j’ai fait œuvre de résistance, nous avons caché des armes puis lors de l’invasion de la zone libre par les allemands nous les avons combattus.

J’ai été fait prisonnier puis relâché, ensuite je suis rentré chez moi dans la Vienne . C’est à ce moment là que mon père , maire de la commune de Joussé a appris que j’étais communiste.

Je n’étais plus dans l’armée mais sous les ordre d’Amilcar (3) et j’organisais des sabotages sur les lignes de chemin de fer.

Ce dernier m’a confié la responsabilité de l’organisation de résistance dans l’arrondissement de Civray. J’ai monté un maquis dans les environs de Bellac en Haute Vienne, nous étions environ 250 en 1943.

J’ai été condamné à mort par contumace par les allemands et ces derniers ont offert une récompense pour ma capture. J’ai d’ailleurs été arrêté par la police de Poitiers mais j’ai réussi à m’enfuir avec la complicité d’un policier..

Après quoi je suis resté constamment dans la clandestinité et je vivais dans les bois.

Un peu avant le débarquement, on nous donna des grades et je fus nommé lieutenant et commandant d’une compagnie qui comportait 170 hommes.

Tous mes hommes ont été courageux au feu mais je déplore le comportement d’un grand nombre. Beaucoup d’exactions contre les particuliers, viols, vols, pillages. Je n’avais que 20 ans et peut être pas assez d’expérience pour contrôler un tel nombre d’hommes.

En septembre 1944 ma compagnie était décimée, nous n’étions plus que 4 sur 170, Amilcar mon chef m’enjoignit de rejoindre le régiment des francs tireurs partisans, dénommé Soleil,  dirigé par le commandant René Coustelier en Charente Maritime. Mon activité là bas était de contrôler l’activité des civils sur la ligne de front et de servir d’agent de liaison entre Amilcar et Coustelier.

En Charente Maritime où avec d’autres maquis, Soleil finissait de bloquer les allemands dans la poche de La Rochelle, Coustelier m’attendait, il me donna plusieurs hommes et ma mission commença.

Je faisais des enquêtes sur des civils suspects et je les transmettais à Soleil qui lui les transmettait plus haut. Je dois dire que souvent les personnes sur qui j’enquêtais, étaient abattues avant la transmission de mon rapport.

C’est ainsi que j’ai eu  l’ordre d’enquêter sur Breton , qui aux yeux de Soleil était un collaborateur. Sur place, dans le village du Gué d’Alleré, je ne trouvais aucune preuve de collaboration et mon rapport fut négatif sur une quelconque activité de collaborateur.

Soleil n’apprécia pas et me demanda de refaire mon rapport, il voulait à tout prix quelque chose de défavorable sur Breton. Devant mon refus il me mit aux arrêts.

Lorsque ceux-ci furent terminés, il m’ordonna d’arrêter Breton de perquisitionner son domicile de le transférer à la prison de Niort.

 

LE MEURTRE DE GASTON BRETON, Partie 1/3, La poche de La Rochelle

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