UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME , SEMAINE 19, l’ascension

 

C’est une semaine catastrophique pour le travail mais idyllique pour le repos, car impossible de travailler en ces jours, le curé ne l’eut pas permis, excepté pour les bêtes qui elles se foutaient bien des rogations et de l’ascension.

Car nous y voilà au jeudi, obligation formelle d’être à la messe. Le péché aurait été trop grave pour cette commémoration marquante de notre religion. Encore une fois ce fut la bagarre des mots, Antoine m’entreprit sur le sujet en me disant qu’il n’était pas possible que quelqu’un monte au ciel comme cela subitement. Vraiment j’avais à faire à un idiot, bien sûr que c’était l’entière vérité vraie.

Le Christ mort sur la croix pour nous, puis ressuscité apparaissait une dernière fois à ses disciples. Il montait ensuite au ciel rappelé par son père.

Ultime passage sur notre terre, comme la transmission d’une mission, il ne nous abandonnait pas mais laissait à ses disciples le soin de partir en mission. Il ne sera plus présent sur terre mais le restera dans les sacrements.

Mon frère me regarda plein incrédibilité, on aurait dit un aveugle qui retrouvait la vue où une catin qui retrouvait son pucelage.

Ces hommes étaient bêtes à manger du foin, ils faisaient les fiers devant moi, se moquaient des termes que j’employais pour expliquer l’inexplicable et me raillaient de ma foi. Mais lorsqu’ils se trouvaient face au curé aucun ne s’avisait de contredire les évangiles, des agneaux, des petits garçons devant leur mère. Ils tremblaient devant la rhétorique implacable de l’homme d’église. Le père Gauthier en notre langage savait expliquer, savait dire les choses. Je surprenais ces gredins, ces fiers à bras, ces tourmenteurs de femmes à boire les paroles du curé.

Païen au cabaret, ils redevenaient moutons du troupeau du Seigneur à l’église. Ces êtres frustres qui ne vivaient que de coutumes savaient bien prier Dieu lorsqu’ils ne maîtrisaient pas quelque chose.

Alors pourquoi m’embêter à me contredire et se moquer de ma dévotion.

Ma petite sœur me regarda avec son air de sainte Nitouche et déclara que la chose était impossible que nous ne pouvions voler et que seuls les oiseaux pouvaient le faire. Si je n’avais pas pu gifler mon frère je le fis pour ma petite sœur, c’était injuste mais en temps que future femme elle se devait de se mettre en tête les choses de la religion. Elle alla se réfugier sur les genoux de Stanislas qui pour son édification lui cassa quelques noix. Heureusement que l’éducation des enfants ne reposait pas sur les épaules des hommes, si non où irait le monde.

Nous étions donc encore repartis vers l’église, comme tout le monde. La foule des paroissiens formait arrivant de toutes les directions comme les grains d’un chapelet. La campagne grouillait d’une animation toute chrétienne de paysans endimanchés. Chacun s’efforçait de paraître un peu, même ceux qui n’avaient rien. Nous étions fiers et une remarque sur une robe , sur un sabot , un fichu de tissu ou un bonnet défraîchi et c’était l’irrémédiable honte qui s’abattait sur la famille et même la parentelle. Stanislas disait que j’exagérais, que personne jamais ne nous regardait et que surtout personne ne nous jugeait. Comment est-ce que j’avais pu me marier avec un tel idiot, il ne remarquait rien et ne voyait rien. Sauf que je me rendis compte qu’il avait bien vu que la robe de Victoire était neuve. Comment celle ci avait-elle fait pour se payer une telle merveille. M’est d’avis qu’elle n’avait pas du serrer les cuisses.

Cette fête n’avait aucun rituel profane particulier, nous n’avions pas le droit de travailler et c’était tout.

Mon père et mon mari restèrent à jouer aux cartes au village, moi avec ma petite sœur et ma fille j’étais assez limitée en mes occupations, alors doucement je rentrais à la Gaborinière en compagnie de Louise et Thérèse. Nous passerions l’après midi entre nous à discuter mais aussi à faire du petit ouvrage. La couture n’était pas labeur proscrit par l’église. A nous trois nous accumulions assez de ragots pour en causer un après midi.

Nous nous faisions aussi des confidences et je leurs révélais la façon dont Stanislas m’avait prise le dimanche dernier.

Elles furent d’abord indignées, outrées, elles me demandèrent aussi des détails, comme si ce que je racontais n’était pas suffisant. Ce n’était pas un conte de veillée, mais je sus que leur curiosité m’était acquise. Je réveillais en elles quelques voluptés innomées, Louise se tortillait sur son séant comme une jeune fille en son premier rendez vous, Thérèse buvait mes dire comme un avé maria.

Je n’avais pas devant moi deux femmes compatissantes mais deux femelles qui se délectaient comme une jouissance de mon infortune conjugale.

Louise en vint aux confidences et au peu d’enthousiasme que mettait son homme au devoir conjugal. Thérèse nous raconta la monotonie des rapports entre elle et René.

Je compris mieux pourquoi la vision de ma galipette sylvestre les mit en joie.

A moins d’être une idiote toutes auraient compris que se plaindre de l’acte de Stanislas eut-été vain.

Je n’aurais pas été écoutée et encore moins soutenue. La réputation de Stanislas en aurait été grandie et moi je serais passée pour une cul pincée.

Je crois simplement que nous étions là pour subir le bon vouloir de ces messieurs.

 

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