Marie François Isidore Groizier
Commune de Verdelot département de la Seine et Marne
1827
Nous étions en mai quand mon deuxième enfant naquit, mon fils aîné n’avait encore pas deux ans. Ma femme n’avait pas été spécialement contente de retomber enceinte aussi vite. Pourtant elle allaitait consciencieusement Jean Baptiste Isidore, comme quoi cette vieille croyance colportée de mère en fille qui disait que l’allaitement éloignait les grossesses n’avait guère de fondement.
Après un fils ce fut une fille, moi je m’en moquais,de toutes façons je n’avais rien à leur transmettre.
Si j’exagère j’étais tuilier, ce n’était pas rien et mon savoir après tout valait de l’or. Enfin de l’or il ne faut rien exagérer, de toutes façons la fabrication de tuiles ne se faisait pas toute l’année, alors quand j’étais inoccupé je retournais à la terre. Je préférais la confection de mes tuiles mais à quoi bon.
On appela ma fille Clarisse Adélaïde, une idée de ma femme. L’accouchement se passa bien, aucune complication, la sage femme lui dit ma fille tu as des hanches pour faire des gosses. Tout doux,c’est pas le tout d’en faire il faut les nourrir .
Mais de toutes façons à moins que je ne touche plus ma femme d’autres enfants arriveront.
La cousine de ma femme Marie Angélique venait d’avoir un enfant et elle a 47 ans, lui est encore plus vieux, il m’étonnerait que cette petite fille voit vieillir ses parents. Dans le village on jase un peu et l’on dit que les Perrin c’est pire que des animaux. C’est bien des conneries de grenouilles de bénitier, il faut pas se mentir tout le monde fait pareil, certains ont simplement de la chance.
Bon en parlant de cette famille Perrin de Pillfroid, bah ma femme est le portrait craché de leur fille Denise, c’est sûrement un hasard mais c’est un peu gênant car les villageois cancanent de bon cœur.
La mère de ma femme est la meilleur amie de la femme Perrin et accessoirement sa belle sœur alors je ne crois pas à une incartade de cette dernière. Ma femme est aussi un peu gênée lorsqu’elle rencontre sa cousine car confusément elle sent une sorte de fraternité qui va bien au delà d’une amitié entre cousins.
Il faut aussi dire que le Nicolas il n’a pas une bonne réputation ce berger, il a activement participer aux troubles de la révolution, a été soldat,et est aussi soupçonné d’être un leveur de jupons.
Je n’aimerais guère que mes enfants entrent dans cette famille.
Rosalie Joséphine Cré
commune de Verdelot département de Seine et Marne
1830
La chaleur, encore la chaleur, j’ai un ventre pire qu’une barrique à vin, je m’en vais vers des mauvais jours.
Je n’ai pas redouté les précédents enfantements, cela sera mon quatrième, mais allez savoir celui là me terrorise.
Je vais sûrement manquer les moissons c’est un manque à gagner pour nous,Isidore est passablement méchant sur le sujet et m’accuse presque de retenir l’enfant pour feignanter.
Si la peur d’une gifle ne me retenant pas je lui dirais bien de remballer son engin et d’aller voir ailleurs, certains le font. Mais lui je crois, manque de courage et d’audace sur le sujet.
Au village il y a de l’énervement dans l’air, les esprits s’échauffent et à l’auberge on parle fort. Il paraît que les libertés sont menacées et notamment celles sur les journaux.
Je ne sais trop de quelles libertés ces agités parlent, nous quoi qu’il arrive on est penché sur notre terre, on crève dessus, elle nous nourrit péniblement. La plupart des terres ne sont pas à nous, alors à quoi bon. En plus moi les journaux je ne les lis pas et pour cause je ne sais pas lire.
La véritable révolution serait peut-être de substituer la faux à la faucille ou bien d’améliorer l’amendement des terres. Mais voilà quelques uns veulent la république en lieu et place de notre bon roi Charles.
En attendant je suis seule avec mes petits en attendant la délivrance, Clément a 2 ans et il tournoie autour de moi en me fatiguant avec son babillage, Adélaïde a 3 ans et du haut de son premier mètre croit pouvoir gérer son monde. L’aîné Isidore a 5 ans c’est lui qui doit aller chercher du monde si jamais il me prend l’idée d’accoucher alors que tout le monde est au champs.
Bien m’en a pris j’ai perdu les eaux pendant la nuit du 10 juillet 1830, aussitôt tout c’est mis en branle, ma mère Augustine en voisine est arrivée aussitôt, mon père est allé quérir la sage femme.
Elle a eu à peine le temps d’arriver qu’un petit me venait, il brailla tout de suite. On le frotta, puis on l’emmaillota.
On le nomma Félix Narcisse Médéric, il fut baptisé le lendemain mais moi j’étais bloquée à la maison pour cause d’impureté.
Après quelques jours je dus me remettre sur mes jambes la maison était transformée en dépotoir, mon mari étant absolument incapable de faire une tâche domestique. A part brailler et talocher les petits il était dans l’incapacité de faire quoique ce fut. Certes ce n’était pas son rôle, mais moi j’allais bien aux champs.
Maman me fit remarquer que 4 enfants était déjà une belle performance et qu’il faudrait peut-être que Isidore se tempère ou que je me débrouille autrement pour la satisfaction de ses sens. Ces propos dans la bouche de ma mère me choquèrent un peu, avait-elle mis en pratique ce qu’elle préconisait dans mon couple?
Super récits j’attends toujours avec impatience vos petites histoires sur la vie de nos ancêtres merci beaucoup cordialement
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