UNE VIE PAYSANNE, ÉPISODE 34, au jeu de l’infidélité

 

Nicolas Perrin

commune de Verdelot département de Seine et Marne

année 1830

Enfin merde j’ai bien cru qu’elle allait revenir cette foutue république. Les étudiants et les ouvriers de Paris ont pourtant bien fait leur travail, faire tomber ces salopards d’ultra, ces suppôts d’ancien régime.

Le maréchal Marmont, le traître, le roi de la ragusade a bien essayé de défendre le trône du Charles.

Mais rien n’y a fait la couronne est tombée et notre courageux sir s’est enfui avec sa famille.

Seulement et c’est ce qui me met en rage, ce n’est pas ceux qui l’ont fait tomber, qui vont la ramasser mais les magouilleurs habituels, la girouette Talleyrand, le fat la Fayette et le banquier Laffite.

Ramassant le convoité couvre chef ils l’offrirent au fils du Philippe Égalité ,un raccourci de la terreur. Bel exemplaire que celui là , traître à sa patrie, richissime rejeton de noblesse s’abaissant à faire semblant de mener vie bourgeoise. Allié de la haute finance et respectueux de l’ordre établi, bien loin de nos préoccupations. C’est bien la peine que ces pauvres gens luttent et meurent pour que nous ayons Louis Philippe 1er comme Roi.

Au village ce fut un peu agité, on a eu les nouvelles sporadiquement alors difficile de se faire une idée. J’ai failli foutre une peignée au maire du village le Henri Didot. C’est mon fils Nicolas qui s’est interposé.

Méchant mois que celui là, les journées du 27, 28 et 29 juillet étaient porteuses de joie, le 9 aôut nous avions officiellement une monarchie bourgeoise. La satisfaction était d’avoir retrouvé nos belles couleurs tricolores.

Mais un autre bonheur plus terre à terre m’arriva aussi. Je retrouvais le nid douillet d’Augustine. Cela se fit naturellement sans qu’on le recherche l’un l’autre. Un matin je l’ai cueillie chez elle, le François était avec son troupeau au loin cela je le savais et moi je faisais paître les miens non loin de là.

Marie Louise était au bourg donc du coté de Pilfroid j’étais tranquille. Je suis donc rentré chez elle mû par le sur instinct d’être attendu.

Bien qu’elle ne fut plus aussi belle qu’autrefois son charme était encore indéniable, ses cinq maternités n’avaient pas abîmé sa silhouette. Elle s’était simplement un peu empâtée. Son visage ne portait guère les traces des affres du temps et un sourire engageant m’accueillit quand elle se retourna.

On ne reprit pas ce jour là notre liaison, mais un baiser gratifiant me fit comprendre qu’elle allait s’offrir à nouveau à moi. Il nous restait à être prudents et je lui proposais de me rejoindre au pacage.

Marie Louise Cré, femme Perrin

Commune de Verdelot, département de Seine et Marne

Année 1830

Ma dernière avait trois ans, Marie Louise Augustine qu’on l’avait nommée. Cela faisait une belle famille, neuf enfants avec seulement trois décès. J’avais mérité du repos et je ne voulais absolument plus d’enfants, seulement voilà j’étais réglée comme du papier à musique , une vraie gamine. Alors le seul moyen était de réguler les ardeurs du vieux berger, car lui aussi un vrai enfant, toujours prêt.

Sauf que le grigou approchait de la soixantaine et qu’il était peut-être bon de jouter comme un jouvenceau mais faire naître un enfant qui ne verrait pas son père était d’une vile inconscience.

Donc tout y allait, mal aux dents, mal au ventre, mal de tête, simagrée chrétienne comme le carême et l’avent. Pour sûr des fois il s’énervait et je devais m’employer à mes devoirs conjugaux, la trouille d’être grosse me coinçait un peu et j’avoue que je regardais le plafond et comptait les moutons.

Mais c’est bizarre depuis quelques semaines le vieux satyre ne me demandait plus rien, je questionnais les enfants, le Joseph du haut de ses dix ans savait-il quelque chose, la Denise espiègle femelle de 21 ans connaissait-elle les mystères de son père. Ils ne purent rien me dire. Je me gardais bien de demander aux aînés, ils étaient trop vieux et bien trop proches de leur père qu’ils révéraient , jamais ils ne m’auraient révélé quoique ce soit.

Avait-il repiqué au jeu de l’infidélité, je n’étais pas dupe de ces fredaines et je crois que je m’en accommodais . Sauf que j’avais une notable exception, la Augustine ma belle sœur. C’était pour sûr le grand tourment de ma vie de ne pas savoir.

Je le sentais et mon instinct de femme bafouée ne pouvait me tromper. De plus la fille d’Augustine et de François ressemblait tellement à Denise que c’en était une provocation.

Donc je me décidais un jour à suivre mon bougre de bonhomme. En fait rien n’y fit et de femelle cachée je n’en n’ai point trouvée. Soit ce diable lisait en moi, soit je n’étais qu’une cruche.

Je me décidais à laisser mon imagination vagabonder pour l’instant et m’occuper à surveiller mes filles.

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