UNE VIE PAYSANNE, ÉPISODE 17, Un premier embarras

Nicolas Perrin

commune de Verdelot département de Seine et Marne

année 1805

Nous nous aimions avec ma femme ma longue attente dans le choix d’une épouse avait servi à dénicher la perle rare.

Chaque soir avec fougue j’y témoignais de ma passion pour son jeune corps. Lorsqu’elle refermait les rideaux et qu’en silence assise sur le lit elle se déshabillait je n’avais de cesse de la posséder.

Parfois elle ne voulait pas mais ma mâle insistance la contraignait à la plier à mon plaisir.

Nous tentions de faire l’amour en silence, les beaux parents se trouvaient à faible distance. On s’habitue à tout mais il est vrai que la présence occulte de parents obscurcissait l’atmosphère de plaisir. Marie Louise était tétanisée à chaque raclement de gorge ou à chaque froissement de drap.

On eut dit une petite fille, surprise en train de se toucher.

Le pire était les soirs où mon beau père vert et encore amoureux avait l’autorisation d’honorer belle maman. Marie Louise honteuse se réfugiait sous les draps et moi pour rire faisait rire de les accompagner dans leur momerie.

Marie Louise m’annonça qu’elle était enceinte, je dois avouer que cela me fit plaisir. Elle devint grosse comme une dinde de noël, son ventre enfla comme une belle miche de pain. Ses seins devinrent l’unique objet de ma convoitise, grosse comme elle était je ne pouvais la toucher, alors j’avais le prime honneur de pouvoir gouter avant mon fils aux délicieux mamelons.

Le 24 février 1805, on vint me prévenir que la mère était au plus mal, avec mon frère on se rendit à son chevet.

Lorsque je rentrais chez Maman, la pauvre était étendue sur son lit de misère, elle avait beaucoup maigri depuis les quelques mois où nous ne l’avions pas vue, elle flottait dans sa chemise.

Elle était méconnaissable , la poitrine qui nous avait nourris, avait comme disparu, le long de ses bras maigres courraient de grosses veines. Je ne voyais que cela et n’arrivait pas à me détacher de ses bras de travailleuse maintenant décharnés. Son visage n’en était plus un, les joues creuses, les yeux rentrés dans des lointains orbites. Une lueurs de vie subsistait pourtant dans le cristallin de ses beaux yeux bleus. A quoi pensait-elle, à sa jeunesse, à mon père, à nous?

Je ne sais si elle perçut notre présence, en tous cas elle ne bougea point et ses yeux toujours portés vers un lointain ne cillaient même pas quand on lui parlait.

Le curé vint lui administrer les derniers sacrements, puis vers deux heures du matin alors que je m’étais assoupi mon frère me secoua. Elle râla, s’agita une dernière fois, son corps en une dernière convulsion se souleva puis ce fut la fin.

J’étais triste mais en cœur dur que j’étais, je m’efforçais de me détacher de cette dépouille charnelle.

Les femmes présentes commencèrent la veillée par la toilette des morts, puis elles se confondirent en prières et en lamentations.

Au petit jour, j’allais trouver le maire Jacques Delestain avant qu’il ne parte à son champs, on déclara le décès. Puis on organisa l’enterrement. Ce fut rapide le soir elle était dans son trou, portant un linceul pour seul vêtement.

On fit avec mon frère l’inventaire de ses biens, quelques vilaines vaisselles, des habits éculés, une quantité énorme de draps, de torchons et serviettes de lin.

Un vieux coffre vermoulu, un lit à colonne , une couverture, un édredon. Des chandelles, un métier à filer.

Pour toute richesse un anneau que lui avait offert mon père, simple bijou de fer blanc.

Mon frère le récupéra et moi je pris son chapelet de buis, patiné, usé, je l’avais toujours vu avec et je me faisais fort de toujours le garder avec moi.

De la vente, on retira quelques francs, on paya le curé et le fossoyeur ainsi que le coup à boire pour les participants à la cérémonie d’adieux. Il ne nous resta presque rien hormis nos souvenirs.

Comme souvent dans les familles la roue de la vie tourne et mon petit se devait d’arriver.

Le 3 mai 1805 ce fut un joli combat à Pilfroid, Marie Louise gagna la bataille, elle survécut sans encombre et me donna un joli fils aux yeux bleus.

On eut dit à bien regarder ce chef d’œuvre, qu’il ressemblait fort à sa cousine Rosalie.

Marie Louise qui s’en doute était heureuse ne le montra guère. Elle me battit froid et se désintéressa du paquet de langes qui hurlait en attendant d’avoir le droit d’être nourri.

Comme c’était le premier enfant on lui donna mon nom. C’est une fierté évidemment d’avoir un mâle, un héritier en quelques sortes. Mon frère Jean Baptiste et mon beau père me servirent de témoins, ensuite on alla boire un canon, puis deux, puis trois.

Le lendemain on baptisa le petit, seule ma femme resta à la maison, pas d’église pour cette impure, elle y retournerait pour y faire ses relevailles.

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