UN FUNESTE DESTIN, Épisode 17, une nuit de mort et de chagrin

Le jour de la fête de la vierge, mon fils René ne se sentit pas très bien, de sa turbulence habituelle il ne restait rien, il eut de la fièvre, vomit, eut la diarrhée. Sa mère le coucha courut chercher le jeune médecin de la Rochelle, celui qui avait remplacé monsieur Potet maintenant malade et épuisé.

Le docteur Pros vint examiner le petit, il hocha le tête en signe d’impuissance, Marie était désespérée, elle le veilla toute la nuit. Le matin j’entendis un cri déchirant de bête que l’on traquait, accrochée au cou sans vie de notre fils. Elle hurlait de désespoir et je dus le lui enlever des bras de force.

Sans était fini pour lui mais hélas aussi pour elle, prise de malaise son corps lâcha, entrailles, estomac elle se vida je ne savais que faire, nous les hommes nous ne sommes pas doués pour cela.

J’appelais ma sœur, mais de peur d’être contaminée elle ne voulut pas me suivre, alors je courus à la cure pour ramener l’une des deux sœurs hospitalières qui étaient venues de la Rochelle pour aider la population. Pleines d’abnégation, remplies d’amour pour leur prochain, on trouva ma femme dans ses déjections évanouie et tenant encore son petit roide comme une buche de noël.

Ce fut terrible, la pire nuit de ma vie, une femme mourante, un fils mort dans son petit lit. Personne d’adulte avec moi, le petit Jacques vint sur mes genoux et s’endormit et François en ainé de neuf ans nous réchauffa une soupe.

Je ne dormis pas de la nuit, Marie râla et agonisa, elle ne pouvait plus respirer. Le curé vint lui administrer les derniers sacrements. Avant de partir elle me recommanda Jacques, je lui promis ce qu’elle voulait. Après un petit moment de sursaut où elle embrassa son fils Jacques et François, elle nous quitta pour toujours.

Sans pleurer sur mon sort car ce n’était pas le moment j’étais veuf pour la quatrième fois.

Il me fallut quand même réagir, j’avais deux cadavres dans la maison et mon fils mort la veille avec cette chaleur commençait à sentir une doucereuse odeur.

C’est seul que je suivis la morne charrette, j’avais eu assez d’argent pour payer une bière à ma femme mais malheureusement sans le sou je dus me résoudre à entourer mon fils d’un simple linceul. Dans la carriole brinquebalante cette petite forme blanche faisait contraste avec la rudesse des planches de sa maman chérie.

Il avait aussi fallu que je graisse la patte aux fossoyeurs pour que les deux soient enterrer côte à côte

. Le curé bâcla l’oraison, il lui fallait courir à l’autre bout du village pour sauver une âme moribonde.

Nous étions au pic de l’épidémie, j’avais perdu ma mère, ma femme et mon fils. J’étais comme un vaisseau perdu sur l’océan, je rentrais chez moi et je bus, encore et encore.

Le lendemain j’étais malade à mon tour, la tête me faisait mal j’avais vomi dans mon lit, j’étais sale, nauséeux et honteux de ma conduite. Mes fils me regardaient plein d’incrédulité, il fallait que je me reprenne. Comme personne ne voulait de mes enfants je juchais le plus petit sur mon dos et accompagné du grand François on alla s’occuper de nos terres.

Mais pourquoi alors que des foyers entiers étaient épargnés, pourquoi alors que l’épidémie semblait régresser j’eus encore une dernière épreuve à subir.

La loi des séries, une damnation céleste, un manque de chance évident, un sort que l’on m’aurait jeté

Je n’avais pas de mot et bientôt je n’aurais plus de larmes. Jacques lorsque l’on revint du champs où il avait gambadé avec d’autres garnement et en pleine insouciance, ne se sentit pas très bien.

Je voulais sans doute refouler mes inquiétude en pensant que ce n’était que de la fatigue. Mais dans la nuit il me réveilla et malheureusement les symptômes étaient les mêmes que pour mon autre fils.

Jacques mourut le soixante quatorzième sur les quatre vingt trois dus au choléra, moi j’étais proche de l’anéantissement, les morts d’enfants sont évidemment légions dans notre dure existence mais tout de même.

J’étais presque seul à le porter en terre, cela aussi était très dur, un enterrement sans le monde, tous derrière, tous derrière et moi devant . Au cimetière la terre des tombes de ma mère , de mon fils et de ma femme n’était pas encore tassée. Les rares fleurs qui avaient été déposées, étaient maintenant bien séchées, presque poussières. Aucune croix, aucune pierre, rien que des monticules de terre qui bientôt s’effaceront pour laisser place aux autres morts qui viendront.

Moi je sombrais immédiatement dans une sorte de néant, comme un trou de sable dont les bord s’effondre lorsque vous tentez de remonter.

Je me mis à boire un peu, beaucoup, j’avais déjà touché le fond une fois mais cette fois il me semblait qu’en toute logique on viendrait à mon aide.

Voila c’est cela je buvais pour qu’on vienne à mon secours, mais personne ne se présenta, Anne ma sœur ne m’adressait plus la parole, son mari bon et généreux m’accordait un signe de tête lointain.

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