DESTIN DE FEMMES, Épisode 24, les malheurs de Rosalie

Il fallait l’avouer, ma situation n’était pas florissante, un gamin, un salaire de misère et un loyer à payer qui pour bas qu’il était, ne me laissait guère le loisir de manger à ma faim.

C’était le régime des pommes de terre au lard sans lard. Heureusement que nous avions tous un petit jardin et un poulailler.

Mais avec tout cela je n’avais guère le temps de baguenauder et de prendre soin de moi pour me trouver un bon mari. Donc comme une pie sans cervelle je ne me rendis point compte que mes règles avaient disparu et que je m’arrondissais un peu.

Bon dieu de poissarde, c’est à croire que dès que je voyais les affûtiaux d’un homme je tombais enceinte. Une seule fois, je m’étais laissée aller, ironie du sort se faire engrosser au mariage de sa mère. La question traditionnelle qu’on allait me poser, à savoir qui était le père, me taraudait aussi.

Je n’avais vu cet homme qu’une seule fois et je trouvais que ce n’était pas assez pour en faire un mari et un père, alors je me convainquis,  qu’il était préférable de taire son nom.

J’ai été prévenir ma mère, elle causait avec une souillon nommé Césarine et n’a jamais voulu que cette dernière s’en aille pour que je lui dise mon secret.

Elle avait compris que j’étais encore pleine,et que j’allais rejoindre le cercle très fermé des doubles filles mères.

Que voulez-vous qu’elle me dise?

-Dans la famille  Ruffier, je voudrais les malchanceuses

Avec mon gros ventre on m’embauchait plus, alors plus de travail plus rien à manger.

Je fus obligée de me mettre à la colle avec un jeune bouvier, je ne l’aimais pas et je crois même qu’il me dégoûtait un peu. Pourtant habituée aux odeurs fortes des animaux ce jeune mâle en rut puait comme notre bon roi Henri et m’incommodait par son acre flagrance. Mais bon il me nourrissait moi et mon fils. Ce qui l’intéressait c’était mon cul il en profita tant que dame nature l’accepta.

Lorsque ma proéminence fut un frein aux joies de l’amour , enfin de la sienne, il m’abandonna me laissant le ventre creux.

D’expédient en expédient j’arrivais à terme et le 17 janvier 1846 assistée de maman j’accouchais sur ma triste paillasse pleine de vermines.

Étant un peu sous alimentée j’avais les mamelles plates et il me fallait trouver une nourrice. Je n’avais pas les moyens de la  payer. Le curé de la paroisse vint à mon secours car aucune villageoise ne voulait prêter ses nichons à une petite bâtarde. En chaire le dimanche suivant, son sermon rappela à toutes que même nés hors mariage les enfants étaient créatures de Dieu et qu’il serait péché mortel que de laisser crever et jeter au fumier cet enfant fusse-t’-il issu de la pire ignominie.

C’est une pauvresse qui un soir frappa à la porte et offrit à Désirée le nectar générateur de vie. C’était merveille à voir ,que cette forte paysanne dodue assise les deux tétons sortis nourrissant son petit et le mien. On en était devenues amies et bientôt on ne se quittait plus. Ne nous emballons pas, son homme mit le holà rapidement car mon petit bouvier profiteur en racontait de belles sur moi.

Je dus mettre ma fille au lait de vache, elle ne le supporta guère, vomissements, diarrhées et affaiblissement général car elle rejetait presque tout. Maman me dit de persévérer, devant le peu de choix qui s’offrait à moi j’ai continué.

Le Vingt huit novembre 1846 âgé de dix mois ma fille Rose rejoignait le carré des enfants dans un coin du cimetière.

Soyons franche et ce n’est pas trop chrétien ce que je vais dire mais je ne fus guère affectée.

La vie a repris le fardeau qu’elle m’avait déposé sur les épaules, comme je n’avais rien demandé je n’ai donc pas protesté lorsque dame nature me l’a retiré.

Je ne me considérais pas comme une mauvaise femme de penser cela, peut être aurais-je dû voir en cette privatisation de lait maternel une punition divine. Mais je n’étais pas assez imprégnée de religiosité pour me croire punie d’avoir relevé mon jupon une nuit d’ivresse au mariage de ma génitrice.

Bon avouons que la famille ne fut guère chanceuse, ma fille point encore décomposée que c’était mon beau père qui partait, une quinzaine s’était donc écoulée quand on vint me chercher pour me prévenir du drame.

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