1906 – 1909, la Gendronnière, commune de la Chapelle Achard
Charles Guerin époux de Clémence Ferré
Ma vie de métayer c’ est arrêtée pour des raisons économiques, à quoi bon s’échiner sur des terre qui ne vous appartiennent pas et qui ne vous rapportent pas grand choses, autant redevenir journalier , le travail ne manquait pas, bien que l’apparition de batteuse mécanique à vapeur et des faucheuses mécaniques commença à réduire la demande pour le bétail humain.
Avec ma femme et mes enfants nous nous installâmes à la Gendronnière, un petit hameau juste à coté du bourg et non loin de Puy Gaudin, où nous étions au auparavant.
Pour sur le même train train que précédemment, Marie mon aînée travaillait à la Garlière, cela faisait un moment qu’elle était partie et je ne la surveillais que de loin en loin, Ernestine était chez les Puaud à la Minzerie. Elle était plus entreprenante que sa sœur et pouvait facilement se laisser tenter par les garçons.
Mes deux dernières Angèle et Elisabeth suivaient le cour de leur scolarité à la communale du Girouard, je pensais les placer rapidement, être servante était une bonne école de la vie.
Comme garçon je n’avais que le Clément sous la main, il allait certes encore à l’école mais il terminerait bientôt. Le plus vieux, Gustave était déjà valet mais point trop finaud je crois que nous allions le récupérer bientôt.
Mon frère André depuis la mort de papa avait la charge de maman, depuis qu’il était veuf elle lui tenait son ménage, le pauvre sans femme errait comme un malheureux , point de veuve à l’horizon à part la veuve poignet.
Pierre avec sa femme Marie tenait d’une main de maître une métairie au vieux Chaon
1906 – 1909, la Minzerie, commune du Girouard
Mathilde Ernestine Guerin fille de Charles Guerin et de Clémentine Ferré
Bon ce n’est pas tout, entre voir un homme nu se lavant, et en faire l’objet de ses rêves, fantasmer sur ses galbes et sur les caresses qu’il pourrait vous prodiguer et en avoir un dans ses bras il y avait comme un chemin qu’il n’était pas facile de parcourir.
Avec ma sœur aînée et les amies nous dépensions beaucoup de notre énergie pour plaire aux garçons . c’était en fait tout un cérémonial qui présidait, nous jouions un notre rôle de fille et les garçons jouaient du leur.
Un 14 juillet 1909 pour la commémoration il y avait fête au village, j’avais fait serment que je me trouverais un galant, je rutilais, j’avais fait une grande toilette dans ma chambre ce qui n’était pas des plus facile avec mon voisin le beau domestique. Je m’étais aspergée d’eau de Cologne, ma coiffe était immaculée et mes cheveux lissés en arrière à la perfection. Marie était moins coquette que moi mais elle aussi brûlait du même désir que moi.
Le bal commença et les garçons comme au grand marché faisaient le tour du foirail, rodomontades, hâbleries, rires, compliments, propos salaces, invitations, tout y passaient pour que nous baissions notre garde. Un homme s’arrêta soudain devant moi, pas très grand, les cheveux châtains, le visage rond encore poupin avec un nez assez rond. Il me tendit le bras pour nous joindre à la ronde. Je n’hésitais guère, mon cœur commençait à fondre dès ces premières minutes. Ce furent des instants de pur bonheur, la terre ne vous porte plus, vous vous envolez, une vie future s’ouvre à vous. Mon corps à son contact se délitait, plus la journée passait, plus mes barrières s’abaissaient. A ce moment il m’aurait demandé de me dévêtir que je me serais débarrassée de mes vêtements, il m’aurait demandé que je le laisse me caresser, ma peau toute entière aurait été à lui, il m’aurait demandé de lui offrir mon corps, que pour sur je lui offrais ma virginité.
Mais ma sœur était là et surtout un redoutable cerbère qui de son regard impitoyable réprouvait la rapidité de l’intérêt que je donnais à ce garçon. En effet ma mère supplée par mes pestes de petites sœur n’entendait pas que je me livrasse au minotaure qui se nommait Jean Marie Proust.
Pas une seule fois je ne pus m’isoler pour voler un premier bisou, une première caresse, mère poussa même la sollicitude à me ramener sur la Minzerie. Sur place elle causa même avec ma patronne pour qu’elle me surveille et qu’elle empêche toute intrusion de coq dans son poulailler domestique.
Imaginez vous ma frustration, la semaine fut longue, mais au fond de moi j’avais la préséance que mon avenir était avec celui que les filles appelaient le beau hussard.
Je savais aussi que la concurrence serait rude et qu’il ne faudrait pas trop jouer à la mijaurée, s’offrir à lui sans passer pour une fille facile, lui concéder suffisamment pour qu’il ne volette pas ailleurs et qu’il ne se lasse pas d’une attente trop longue.
Le dimanche suivant alors que je me rendais au bourg en passant prendre ma mère et mes sœurs je le vis au détour d’un chemin à m’attendre. J’étais seule, mais le temps nous était compté, il me fit un sourire, me prit par la taille et m’embrassa. Il disparut car il ne fallait pas ternir ma réputation, faire les choses dans l’ordre, ne pas brusquer mes parents et l’opinion villageoise.
Autant vous dire que je ne fus pas très attentive à l’office, Jean Marie n’allait pas à la messe et de toute façon il n’était pas de la commune. En sortant je le vis attentionné à une partie de palets.
J’ hésitais à venir le rejoindre, il abandonna sa partie pour moi quelques instants. En m’adressant la parole publiquement il indiquait ainsi qu’il portait intérêt à ma personne. Comme je répondis positivement cela valait acceptation, la cour officielle pouvait commencer.
Peu à peu nous nous enhardîmes et mes parents furent mis au courant, il n’y avait aucun problème particulier à cette relation, il était fils et petit fils de métayer, les Cloutour et les Proux avaient bonne réputation sur le canton, mon père connaissait bien Barthélémy le père de Jean Marie. Ce dernier avait la réputation d’un coureur de jupon et on lui attribuait quelques aventures, c’était somme toute de l’exagération, mais sa maîtrise de l’art agricole et de l’élevage des bestiaux faisaient l’unanimité .
Mes parents ne s’opposèrent donc pas à ma relation avec lui et dès lors nous pouvions nous voir sans contrainte.