Baptême de Jésus dans les eaux du Jourdain
En cette journée du 17 janvier 1745, il fait très froid, une bise venue du nord balaye les collines morvandiautes.
Marie Bouriou, la femme au François Trémeau que les méchantes langues appellent la vieille vient d’accoucher d’un petit garçon. Surnommée ainsi, non pour ses 40 printemps mais pour sa différence d’âge avec son mari François qui lui est un jeunot de 24 ans.
Le couple et les 3 enfants de Marie habitent au village de Bazoches et plus précisément au hameau de Champignol le haut. De leur bâtisse, ils aperçoivent le château Vauban, propriété de la famille du célèbre Maréchal. Ils sont laboureurs, elle est veuve, lui vient du hameau de Montjoumé où se trouve le château de Bazoches et une communauté de tuiliers dont fait partie l’ensemble de la famille de François.
Il est décidé juste après la naissance de se rendre à l’église Saint Hilaire de Bazoches pour y faire baptiser le bébé.
Le baptême en cette lointaine époque était le passage obligé du tout à chacun, il marquait l’entrée dans la communauté chrétienne.
Le mot baptême dérivé du mot grec baptizein signifie plonger. En effet les premiers baptêmes se faisaient dans l’eau et l’immersion était complète.
Jésus christ fut, on le rappelle baptisé dans les eaux du Jourdain par Jean ( que l’on nommera Jean Baptiste ). Cette scène décrite dans l’évangile de Saint Mathieu voit descendre sur Jésus à sa sortie de l’eau l’esprit de dieu.
A la vérité ce baptême procède de la purification par l’eau et, est commun avec beaucoup de religions
Bien que le baptême chrétien ne soit pas issu de la religion juive au sens propre du terme , ces derniers pratiquaient des ablutions fréquentes et des bains afin de se purifier ( acte sexuel, touché de cadavre ).
Les hindous pratiquent dans le Gange des bains purificateurs.
En tous lieux et depuis des temps immémoriaux, l’eau a été un élément purificateur et a tout naturellement été introduite dans certaines religions modernes
La matrone ou bounne mé emmaillote le petit Jean Louis dans la »tavaiole » ( pièce de lingerie fine) et en compagnie du parrain et de la marraine, sort malgré les conditions climatiques.
Le baptême doit se faire le jour même.
Il n’en fut pas toujours ainsi de cette cérémonie précoce, les premiers chrétiens se faisaient baptiser à la fin de leur vie , pour effacer le maximum de pêchés. Dès le IV les chrétiens devaient suivre un catéchuménat ( temps d’instruction religieuse ).
Baptême de Clovis, élément fondateur du royaume Français
Ce n’est qu’au 12ème siècle, devant la forte mortalité infantile que l’on se résoudra à baptiser les enfants. Puis un siècle plus tard le baptême du nourrisson sera généralisé. Si les nourrissons non baptisés venaient à mourir, ils se voyaient condamnés à errer perpétuellement dans les limbes .
Le limbe pour résumer est une sorte d’endroit ou d’état intermédiaire, les enfants n’ayant pas commis de graves péchés ne pouvaient aller en enfer, mais ils ne pouvaient à contrario se rendre au paradis car ils étaient entachés par le péché originel.
Invention tardive dans la scolastique chrétienne qui date du XIIIème siècle et qui n’est remise en question qu’en 2007.
Mais prévoyante, l’église a donné le droit aux sages femmes d’ondoyer l’enfant si il est en péril de mort et des sanctuaires à répit s’élevèrent sur l’ensemble du royaume. Ces chapelles se voyaient déposer les enfants morts dans l’attente d’un signe de vie. Le moindre mouvement organique était considéré comme tel et le baptême avait lieu.
Disons le crûment, on baptisait des enfants morts.
Au bout de 30 minutes de marche dans le froid ils arrivent à l’église de Bazoches où par chance se trouve le curé Javelot qui prépare la fête patronale.
Petit édifice datant du 16ème et 17ème siècle, elle comprend un porche surmonté d’un clocher aux fenêtres géminées à arcatures. La nef est à 2 travées de style gothique. Sur la gauche une chapelle où se trouve le baptistère.
C’est en cet endroit que se déroule la cérémonie, tout est en latin personne ni comprend rien, cela n’a aucune importance, ils connaissent tous le rituel .
Le curé fait le signe de croix sur le front de Jean Louis , puis l’asperge à 3 reprises. Il termine par l’onction avec le saint chrême
Le cierge Pascal brûle de sa forte flamme et assure la présence réconfortante du Christ
La famille est maintenant tranquille, l’enfant quoi qu’il arrive ne sera pas damné.
Le curé prend son registre et transcrit l’acte de baptême, le petit se nomme Jean Louis. Son parrain Jean Louis Renaudot procureur et fermier à Saint Martin du Puy lui a donné ce prénom peu usité dans la famille. Personnage important pour le petit laboureur qu’est François, ce parrainage fait la fierté de la famille. Parrain de fait, mais non présent il est représenté par Léonard Chesne laboureur au moulin d’Empury et oncle par alliance de la femme de François. La marraine est damoiselle Marguerite Renaudot.
La cérémonie est terminée et le petit cortège retourne à Champignol avec le bébé. François reviendra payer le curé avec quelques présents en nature. Il remercie vivement le parrain et la marraine et tous maintenant autour de la table se régalent du » broûto » ( banquet ). Les parrains et marraines doivent se soumettre au cérémonial de l’embrassade pour que leur filleul ne bave pas.
Marie alitée revoit avec satisfaction son fils et son mari revenir. Pourvu que le petit n’est pas pris froid et survive à cette deuxième épreuve ( après celle de la naissance ).
Jean Louis est maintenant aux mains des femmes et passera ses premiers mois emmailloté, croupissant dans sa merde et son urine. Il ne sera pas lavé car il est bien connu que la crasse protège et ses croûtes de lait ne seront pas retirées. Quand aux poux quel bienfait, alors pourquoi ne pas les laisser !!.