Les tombes des soldats de la grande armée Napoléonienne sont relativement rares et leur découverte au hasard d’une allée de cimetière revêt un caractère assez magique.
Lorsque un jour d’hiver cherchant la tombe d’un soldat de la seconde guerre, la stèle d’un vaillant grognard m’est apparue .
Son épitaphe relatait sommairement sa vie, mettant en avant sa magistrature communale et son élévation à la dignité de chevalier de la légion d’honneur. Ces renseignements attisèrent ma curiosité et l’opportunité d’écrire une jolie histoire se faisait jour.
Porte Dauphine avec les casernes en second plan.
1812
L’ocre Corse dévore ses enfants.
Alors que la grande armée ne s’est pas encore consumée dans les steppes Russe, il appelle déjà son armée de demain.
Les décrets tombent et les Senatus consultes se succèdent.
Celui du 1er septembre demande 120 000 hommes à prendre dans les classes 1813.
La conscription en cette époque était régi par la loi Jourdan- Delbrel. Chaque jeune homme de vingt à 25 ans était inscrit sur une liste on les appelait les conscrits.
Chaque commune avait établi la sienne. Ensuite venait le temps du tirage au sort, le maire en présence des conscrits, d’un officier de recrutement ou de gendarmerie mettait dans une urne autant de bulletin qu’il y avait de conscrits. Chaque jeune homme puisait son bulletin à tour de rôle et plus le numéro était élevé plus les chances de ne pas partir étaient élevées. C’était bien sur vrai au début de l’empire mais en 1812 les levées étaient plus importantes et les chances de ne pas partir s’amenuisaient .
Lorsqu’on avait tiré le mauvais numéro on passait le conseil de révision. Visite rapide, taille requise 1 m 54, aucune infirmité et le tour était joué.
La mascarade se poursuivait ensuite dans la rue où la musique militaire jouait la sarabande, on accrochait ensuite un petit ruban à son chapeau et l’on finissait dans une auberge pour boire et chanter.
La fièvre retombait rapidement et c’est avec anxiété que les futurs partants attendaient leur feuille de route.
A Ferrières petit village de la province d’Aunis le scénario fut en tous points conforme à ceux des autres villages Français.
Antoine Delavaud né le 7 décembre 1793 dans la commune était donc de la classe 1813, fils d’un cultivateur il était très attaché à sa terre et rechignait à la quitter.
Ce jour là sous les yeux d’André Dubois le maire, il tira un mauvais numéro. D’une taille avoisinant les 1 mètre 75, musclé par les travaux des champs, notre paysan n’avait aucune chance de se faire recaler au conseil de révision.
L’un des gendarme lui prédit même qu’il se retrouverait dans les grenadiers.
Il se retrouva bon pour le service qui était d’une durée de 5 ans, autant dire une éternité
Il ne possédait pas les 1500 francs qui lui aurait permis de trouver un remplaçant, si toutefois il avait pu en trouver un. Ces derniers se faisaient très rares, la conscription légère au début de l’empire pesait maintenant de tout son poids sur la jeunesse française et les pauvres bougres attirés par la somme rondelette du remplacement se faisaient plus que discrets .
Antoine Delavaud se retrouva le numéro 55 sur la liste de désignation du canton de Courçon
Ce jour là Antoine ne fut pas le seul du village a être appelé sous les drapeaux, Feutre Joseph, Drapeau Jean et Jousselin Henri furent également requis au service.
En novembre 1812 chacun reçut sa feuille de route. Le premier rassemblement se trouvait à La Rochelle mais la destination finale était le dépôt de la ville de Brest.
L’ensemble des conscrits du canton de Courçon , de Surgères et d’Aigrefeuille se vit attribuer la même destination.
Le régiment qui allait accueillir nos conscrits Aunisiens était le 15ème régiment de ligne.
Le jour du départ, la famille et les amis des 4 infortunés de Ferrières se réunirent pour leurs souhaiter bonne chance.
Après avoir moult fois embrassés leurs proches, ils prirent la route.
Antoine embrassa sa mère Marguerite et donna une accolade à François son père.
Il ne reverra plus ce dernier.
Le cœur gros et plein d’anxiété ils s’ éloignèrent du clocher de leur petite église.
La Rochelle, la maritime était à 5 heures de marche, une peccadille pour ces paysans rompus à la marche.
Rejoints sur la route impériale Paris La Rochelle par un gars du Gué d’Alleré et par les conscrits de Saint Sauveur D’Aunis, ils formèrent bientôt un petit groupe.
Sur leur gauche les moulins de Saint Sauveur dressaient leurs ailes comme pour un adieu, un peu plus loin celui de Nuaillé d’Aunis les salua également.
Ils arrivèrent bientôt dans le village de Nuaillé, au delà de ces marécages, la terre incognita commençait pour certains.
Ensuite poursuivant les mornes paysages, ils laissèrent Loiré sur leur gauche puis Usseau sur leur droite. Ils avaient parcouru la moitié du chemin et cassèrent une croûte.
Ils traversèrent enfin le village de Dompierre, encore un effort et la belle cité leurs tendrait les bras.
Les Brandes, La Motte , La Vallée, Beaulieu puis après une légère montée, des moulins en grand nombre. Ce lieu élevé, appelé des Justice offrait une vision grandiose de la fière cité.
Antoine était déjà venu, mais d’autres découvraient cet univers aussi lointain que proche pour la première fois.
Ces tours de pierres blanches, ces clochers nombreux et ces remparts suscitaient l’admiration. La ville ceinte de murs, s’ ouvrait aux campagnes environnantes par des portes, Royale, Dauphine, Saint Nicolas et porte Neuve. Antoine Delavaud et ses comparses se présentèrent à la porte Dauphine qui desservaitla les routes menant à Nantes et à Niort . Non close en cet après midi, les sentinelles leurs indiquèrent la direction à prendre.
Rien de plus simple, les casernes se trouvaient juste à coté, nommées la jeune et la vieille ou Bravoure et Subordination en référence à la date de leur construction ou à la dénomination révolutionnaire, ces bâtiments typiques de l’architecture de Vauban se dressaient fièrement dans l’axe de la triple porte construite par Ferry
Accueillis par des ordres gutturaux avant goût de la vie militaire nos jeunes conscrits inaugurèrent leur vie militaire.
Un coin de paille et une soupe furent leur ordinaire.
Chacun se groupa par village et par canton, on était entre Pays.
Ils apprirent par les premiers arrivés qu’ils repartiraient rapidement . La Rochelle n’étant qu’un lieu de transit . La majorité des conscrits de la région rallièrent dans la journée.
Très peu de défections ou désertions, le Pays avait bon esprit et la peur des représailles contre les proches annihilait toute velléité de jouer à cache cache avec les gendarmes.
Antoine n’avait pas connu la royauté et les exploits des grognards avaient été son catéchisme.
Antoine, Joseph, Jean et Henri se casèrent où ils purent pour dormir et d’un sommeil agité par des mauvais rêves passèrent leur première nuit sous l’état militaire.
C’est toujours avec un réel plaisir que je lis ces épopées d’antan, m’imprégnant de ce qu’était la société de nos aïeux, cette société qui nous est bien étrangère et qui pourtant a préparé le socle de notre société d’aujourd’hui
Encore merci
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