Nicolas Bansard se souviendra longtemps de ce 5 février 1780, outre le fait qu’il se mariait pour la 3ème fois, il assista à un événement peu ordinaire.
Autour d’eux se pressent ,une nombreuse parentelle et bon nombre des habitants du petit village d’Orly sur Morin. Les maisons blotties autour de la petite église Saint Pierre-Saint Paul ne sont guère éloignées des rives du Petit Morin. Certains des noceurs sont venus de Coulommiers, une rude marche de 20 km, d’autres de Rebais un peu moins éloigné.
Les cloches de l’église Saint Pierre-Saint Paul d’Orly sur Morin sonnaient à pleines volées en ce samedi 5 février 1780.
Deux fortes paysannes discutant sur la place du village se disaient en elle même qu’un mariage un samedi ne pouvait que porter malheur.
Ce diable de Nicolas Bansard ne pouvait- il faire comme tout le monde et se marier en semaine.
Notre vigneron se moquait éperdument du jour de ses noces, les traditions au bout du troisième mariage il s’en fichait. Nous étions en période creuse pour le travail de la terre, les invités avaient pu se libérer et les prédictions des vieilles du village ne l’inquiétaient pas .
Sa future la Thérese Visard aurait préféré un jour traditionnel, mais Nicolas avait décidé et il avait bien fallu, en passer par sa volonté.
Les 2 futurs n’étaient pas des lapins de 3 semaines, Nicolas avait 54 ans et Thérèse 43, il était veuf pour la 2ème fois et elle pour la 1ère. Mariage de raison, Nicolas possédait quelques arpents de vigne, il n’était qu’un petit vigneron, mais à force de travail avait pu constituer un petit capital.
Thérèse amenait aussi quelques terres dans la corbeille. Les 2 biens réunis formeraient un petit ensemble qui les mettraient normalement à l’abri de l’indigence.
La noce réunit autour du curé De Toussaint allait pénétrer dans l’enceinte sacrée quand soudain, à l’horizon apparut un dragon, immense, sa gueule crachait du feu. Pendant un long quart d’heure il menaça de ses flammes les villageois apeurés. Personne ne se décida à aller le combattre, il hésita un moment puis disparu.
Un » nom de dieu » échappa au curé, les femmes présentes se signèrent, des enfants se mirent à hurler et les hommes stupéfaits évoquèrent aussitôt le diable.
Le bon père à qui on avait rabâché l’ancien testament croyait aux dragons que très faiblement, mais l’apparition d’un monstre au dessus de sa paroisse le laissait à part ce bref juron sans voix.
Pierre Le Gouge le meunier des Brus fut le premier à reprendre ses esprits, il tenta de calmer la foule. Chacun se mit à deviser, Antoine Mathieu le vigneron s’inquiétait pour sa vigne, Jacques Mauclerc le maréchal ferrant pour un cheval qu’il avait à ferrer. Pierre Visard le corpulent maçon de Sablonnières avait été obligé de s’asseoir, ses jambes ne le portaient plus.
Le curé n’avait pourtant pas abusé de vin de messe et les noceurs n’avaient qu’à peine touché à la piquette, destinée au repas.
Véritable dragon, tout le monde le pensait, une vraie malédiction.
Nicolas, sortit le prêtre de sa torpeur en lui demandant si le mariage était annulé. Après réflexion il fut décidé que non et Thérese Visard devint madame Bansard.
Bien entendu, le dragon de feu fut l’unique objet de discussion pendant la noce et la nouvelle fit le tour du canton de Rebais à une vitesse phénoménale. L’évêque de Meaux en fut averti, le curé De Toussaint fut la vedette du clergé briard pendant quelques temps.
A tête reposée il repensa au fait et en scientifique qu’il était, devint de plus en plus septique. Mais le religion l’emporta sur la rationalité et il prêcha en chaire sur le thème de la lutte contre le mal de nombreuses semaines.
Le malheur, comme l’avait prédit les 2 commères s’abattit sur Nicolas car sa femme ne vécu que très peu. Mais ne pouvant décidément pas rester seul il se remaria encore 2 fois.
L’apparition du dragon fut noté par le curé dans le registre paroissial et les paysans dans les chaumières en parlèrent un bon moment.
Vrai dragon, phénomène météorologique, hallucination collective, phénomène mystique à chacun sa réalité.
Le curé De Toussaints n’était pas un ignorant et n’était pas plongé dans les ténèbres de la religion, il était érudit et s’intéressait aux sciences, à la médecine, à la géographie et à la météorologie. Il faisait également de la généalogie. A t’ il cru réellement à l’apparition d’un dragon, on peut à juste titre en douter en lisant la fin de sa phrase.
La ZAD d’Orly a donc débuté en 1780 !! environ 140 ans avant les premiers vols de dragons (à moteur). Et dire qu’on croyait que l’affaire NDDL n’avait que trop duré … 😀
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