École primaire rue de la République Nangis 77 ( aspect inchangé depuis 50 ans )
Mon enfance
Avant que le temps n’efface mes souvenirs et que les années qui s écoulent, noient les bribes de mon enfance, je vais coucher sur cette feuille virtuelle les lambeaux d’histoire de ma jeunesse.
Gageure, que de raconter l’histoire banale d’un enfant d’ouvrier à qui il n’est rien arrivé de spécial. Je ne suis pas le fils d’une célébrité et j’ai été à l’abri de toutes vicissitudes. J’ai peut être été heureux, mais l’est- on totalement quand on est enfant ? Mystère…
Ne mettant jamais posé la question à cette époque, je suis bien en peine d’y répondre aujourd’hui.
Ces bases étant posées, par l’intermédiaire de ces lignes mes enfants connaîtront le ciment sur lequel je me suis construit et subséquemment comprendront comment ils sont devenus eux mêmes
Nous sommes tous le fruit de quelqu’ un et notre construction est la résultante d’une conjonction d’éléments discordants. Mon fils Julien appellerait ça le déterminisme social.
Comme mon biographe n’est sans doute pas encore né, je commence ma petite histoire
Je vis le jour le vingt mars 1961 c’était un lundi, mais personne ne s’en souvient. Aucun événement marquant ne s’est passé ce jour là, si ce n’est la rupture des relations diplomatiques entre Cuba et les État Unis d’Amérique.
L’année avait d’ailleurs commencé calmement.
L’URSS poursuivait à travers l’espace sa guerre froide avec l’occident et s’apprêtait à remporter la première manche avec le vol de Youri Gagarine qui fut le premier homme propulsé dans l’espace. Elle gagnerait également la seconde en obligeant les allemands de l’Est à construire un mur pour les séparer du monde occidental.
Les américains quand à eux préparaient en grand secret le débarquement dans la baie des Cochons avec des exilés Cubains pour faire tomber le régime Castriste .
Le danseur russe Rudolf Noureiev pensait sûrement à son évasion vers un pays plus libéral.
En France un groupe de six activistes préparaient leur futur attentat contre le chef de l’état, pendant que des généraux en colère pensaient à fomenter un coup d’état.
Le général de Gaulle président de la république depuis trois ans poursuivait son train de réformes avec comme point d’orgue la fin de l’Algérie française, d’où le futur attentat et le futur coup d’état.
Michel Debré était son premier ministre, Couve de Murville son ministre des affaires étrangères, François Mauriac couvrait de sa voie rauque les affaires culturelles.
Je vis donc le jour en cette année banale, ma mère avait 34 ans et mon père 37. La parturiente avait déjà accouché trois fois. Une première fois d’un petit mort né qu’ils nommèrent André, puis une deuxième fois de mon frère aîné Gilles . Nous étions juste après la seconde guerre et les femmes accouchaient encore chez elle, ma mère ne fit pas exception pour ses deux premiers. Il n’en fut pas de même 7 ans après, lorsque les douleurs de l’enfantement apparurent, ma mère fut dirigée à l’hôpital de Melun où ma sœur Mireille naquit sans soucis.
Nous entrions dans une ère nouvelle, où les femmes assistées de spécialistes, pourraient se reposer et apprécier sans danger la naissance de leur petit.
Ma mère fit le choix du roi, un gars et une fille, un exercice parfait.
Je ne sais donc pas par quel miracle ou par quel accident je suis arrivé 7 ans après ma sœur.
Mon père aura beau alléguer qu’il m’avait gardé préférentiellement et avait enterré de nombreux bébés dans le jardin pour ne garder que moi, j’eus quand même du mal à le croire, malgré ma naïveté enfantine. ( L’humour caustique de mon père est- elle à l’origine de celle de son fils et de ses petits fils )
Mais il faut croire qu’il fut assez persuasif car pendant de nombreuses années je regardais avec inquiétude les plates bandes du jardin familial
Quoi qu’il en fut en ce premier jour de printemps ma mère se retrouva cette fois ci à Provins dans l’antique Hôtel Dieu , d’où mon goût pour les vieilles pierres, allez savoir…
J’apparus sur terre à 6 h 15 avec le poids raisonnable de 3 k 508, j’ai crié tout de suite et fit la fierté de mes parents, enfin j’imagine.
A cette époque on ne vous virait pas de l’hôpital au bout de 2 jours et je découvris
avec maman, la maison de Nangis que le 27 mars, j’avais déjà pris 200 grammes grâce au lait Alma demi écrémé. Mes biberons contenaient ce précieux nectar et 80 grammes de lait d’évian.
Je ne sais si ma mère me nourrit à l’eau d’Evian très longtemps, mais les marques commençaient leur forcing dans les maternités . Eh oui déjà !!!
Nous habitions une petite maison, sise 33 rue des Fontaines, elle n’était pas bien grande mais était propriété familiale depuis presque 60 ans.
Construite en pierre meulière elle était constituée d’un rez de chaussée surélevé et d’un étage.
L’antique entrée était déjà bouchée à ma naissance et seul restait un escalier en pierre, lieu futur de mes nombreuses batailles de petits soldats..
Un autre escalier avait été pratiqué à l’autre extrémité de la maison et menait dans notre cuisine.
Pénétrons maintenant dans cet espace, une cuisine, traditionnelle pour l’époque formée d’une table, des chaises et d’un buffet, le tout en formica bleu. Les ouvriers s’étaient débarrassés de leurs vieux meubles familiaux en bois brut pour cette uniformisation ornementale. Comme maintenant la désaffection des meubles en bois brut pour l’univers aseptisé des meubles du géant suédois.
Comme chauffage, un poêle à fioul trônait à la place de l’ancienne cheminée, la description ne serait parfaite si l’on omettait de décrire la machine à laver avec le tuyau que l’on mettait dans le lavabo, ce qui occasionnait parfois des accidents humides.
Une gazinière et un frigidaire complétaient le tableau.
Nous passions rapidement dans l’autre pièce, elle servait de chambre pour mes parents et de salle à manger.
Je fus installé, je pense dans cette pièce avec eux et je me souviens du petit canapé qui me servait de lit. Les plus anciens s’en souviendront, c’ était un petit meuble en velours dont les deux extrémités se dépliaient, il y en avait dans toutes les maisons.
Nous étions un peu l’un sur l’autre mais quand on est petit l’exiguïté vous parait moins grande.
A l’étage il y avait deux chambres mansardées, la première était occupée par mon grand père , et oui il y a 50 ans, au siècle dernier on gardait ses vieux, étonnant non … la deuxième par mon frère et ma sœur.
Voila pour le décors, voyons maintenant pour les acteurs.
Mon père était ouvrier menuisier dans une sucrerie, ma mère faisait des ménages un peu partout et plumait les poulets chez un épicier ( d’où mon aversion pour les gallinacés ).
Mon frère était déjà un jeune adolescent au moment de mon arrivée et fut envoyé en apprentissage de serrurerie dans une école à Varenne . Ma grande sœur que je prénommerai » tetoeur » avait 7 ans.
Quelle perception avais- je de cet environnement ?
Quels sont mes premiers souvenirs ? Difficile à dire , tant le voile est opaque. Peut être une vaccination ou un soin que j’ai reçu à la maison et qui me rattache à mon petit lit entouré d’une panthère noire en peluche. Souvenir qui ne m’a pas laissé de traumatisme car je n’ai pas peur de me soigner. Je me revois également à l’école maternelle avec un grand sapin dans la cour ( il s’y trouve encore ) et je revois la cour arrière, celle qui donnait sur les boulevards avec ses jeux d’enfants. Je me revoie également faire le trajet de l’école à la maison seul et sans accompagnant.
Il y avait certainement d’autres enfants qui faisaient le même chemin mais je ne m’en souviens pas.
Je descendais donc la rue Noas, passait avec inquiétude devant l’hospice des vieux .( Ce n’était pas très rassurant le bâtiment était vieux, avec des barreaux aux fenêtres, les anciens nous appelaient mais nous ne répondions pas, tant la vieillesse dans sa laideur nous faisait peur) .
Je traversais le carrefour principal aidé de Mr Cuperlier garde champêtre en uniforme avec son tambour, puis je filais en traversant les halles et la place du marché, je me retrouvais enfin dans ma rue . J’avertissais ma mère de mon arrivée en hurlant de loin , » Maman j’suis la ». Je ne mangeais pas à la cantine et d’ailleurs je ne sais s’il y en avait une.
Le fait de rentrer seul de la maternelle peu étonner à l’heure actuelle, mais dans les années 60 et même dans une ville de 6000 habitants les voitures n’étaient pas légion et les pédophiles semblaient être moins nombreux que maintenant, ou alors comme la télévision n’ en était encore qu à ses premiers balbutiement , les affaires ne terrorisaient pas encore les parents.
Les nouvelles à cette époque arrivaient par voie de presse, mon père lisait le Parisien ( fidèle il le lit encore ). La télé n’est arrivée chez moi que vers la fin des années 60, l’objet devenu banal maintenant était un gros investissement pour un couple d’ouvrier. Nous n’avions d’ailleurs pas le téléphone non plus. Le pire c’est qu’on arrivait à vivre sans, nous étions vraiment bizarres à cette époque. En fait, je ne sais si chez moi la télé est arrivée avant le téléphone ou le contraire.
Je n’ ai évidement pas souvenir des soirées post télévisuelles, pour ma part j’allais me coucher.
Un lointain souvenir me relie à mon grand père, car c’est lui qui m’a payé mon premier vélo, il était blanc et nous avions été le chercher chez le marchand de cycle de la ville ( Décathlon n’existait pas )
Je ne sais qui des deux fut le plus fier.
Puis le poste de télévision arriva enfin, en noir et blanc et avec deux chaînes, nous ne restions pas devant toute la journée, car les émissions ne commençaient que le soir.
Moi je me rappelle du manège enchanté, de kiri le clown et de saturnin et de bonne nuit les petits, mais je me rappelle aussi que j’allais dormir juste après.
La télé était regardée dans la cuisine et était posée sur une petite table roulante (ancêtre des meubles télé ).
Je grandis donc tranquillement à coté de parents aimants et me retrouvait à l’école primaire
A l’école primaire, carrefour important dont je ne me souviens guère. J’ai débuté à l’école des garçons rue de la République, la mixité n’était pas encore de mise.
Je me souviens de la cour de l’école où nous jouions aux osselets . Avoir été pour quelques mois dans l’antique école du parc, école qui avait été celle de mon père et de mon grand père.
Puis vint l ‘époque du grand changement, les filles et les garçons dans les mêmes classes . Cela ce traduisit pour moi par un changement d’école, je me retrouvais à l’école primaire de la rue Noas.
Je n’ai pas souvenir que cela ait posé de problème. Au jeux de balles ( eh oui on avait le droit ) et d’osselets nous pouvions dorénavant ajouter le jeux de l’élastique ( avec la chanson au palais royal est un beau quartier où toutes les jeunes filles sont à marier, Mlle untel est la préférée de Mr Untel qui veut l’épouser )
Seules des bribes me reviennent, l’apprentissage du calcul avec des bûchettes, les cours d’instruction civique avec inspection des mains.
Les dictées où j’avais toujours 0 ( pensez donc 4 points par faute…….. )
Je me souviens aussi d’avoir pris une gifle pendant une récrée par une institutrice remplaçante, j’avais été victime « d’une erreur judiciaire, » elle s’était trompée de Pascal. Croiriez vous qu’elle se serait excusée, non pas, en cette époque un enfant n’était pas suffisamment considéré pour qu’une maîtresse ne s’abaisse à cela. Bon je m’en suis remis n’en parlons plus mais je tiens depuis le corps enseignant en général comme une caste pas très fréquentable ( toutes les autres considérations sont venues se rajouter sur ce fond d’hostilité )
Autre souvenir, partagé par tous les anciens, la fin d’année avec le cirage des tables, la bonne odeur de la cire et celle non moins bonne des vacances.
Il y avait aussi le retour de l’école avec le passage chez un antique épicier nous achetions pour quelques centimes de bonbons, évidement les différences sociales se faisaient sentir dans les quantités. Les blouses avaient été abolies de l’école, de toute façon, blouse ou pas nous savions qui était riche et qui était pauvre ( c’est bien une connerie de vouloir de nouveau affubler nos bambins de ces horribles vêtements )
Je ne me souviens d’aucun nom de maître ou maîtresse, seul me revient le surnom d’un vieux maître en blouse grise surnommé « nonosse », je ne l’ai pas eu personnellement, mais il nous terrifiait ( vous savez les vieux instituteurs d’avant guerre qui vous décollait les oreilles, vous tirait les pattes de cheveux et vous assenait des coups de règle ). Heureusement ce genre de pratique tirait à sa fin pour ma scolarité.
Car enfin arrivaient sur le marché du travail les instituteurs soixante-huitards.
Nous en avions touché un vrai pour mon année de CM2, dernière année de primaire mais aussi celle de la classe de neige.
Notre bon maître avait proposé outre la mixité qui était somme toute récente, que les garçons et les filles prennent leur douche ensemble pendant la colo. Vous n’ imaginez même pas le tolet général de la part des parents. Cette impudicité, voir cette perversité ou cette modernité, allez savoir, ne fut pas comprise, j’allais devoir attendre encore un peu pour voir une fille toute nue. Nous ne fumes pas évidement, nous les élèves ,consultés sur la chose, les référendums dans les classes n’étaient pas de mise et je ne sais si les naturistes étaient nombreux parmi la classe.
S i je ne pus découvrir les poitrines naissantes des jeunes filles en fleurs je garde un sublime souvenir de mon séjour dans les Alpes. Nous alternions cours et sortie en ski, je n’ai pas le souvenir d’un gros apport pédagogique, l’apprentissage du ski ayant requis toute mon attention.
J’ai eu mes cristaux sans problème, j’étais assez bon en sport ( plus qu’en dictée ).
Il est bon aussi de relater que nous avions des cours de catéchisme , dans l’année de la grande communion il était impensable de manquer aussi longtemps de nourriture spirituelle. Cela nous gavait énormément, pendant ce temps là, les petits athées avaient quartier libre. Mais le ciel vint à notre aide, car le curé du coin eut un accident de ski, un arbre s’était volontairement ou non jeté sur la trajectoire du bon prêtre. Nous avons pleuré de rire et de contentement, le malheur des uns fait souvent le bonheur des autres.
A la maison cette période fut marquée par les ennuis de santé de la mère, mais nous évoquerons tout cela dans un prochain numéro.
saturnin : https://www.youtube.com/watch?v=asud_7Z6CrM
Les Aventures de Saturnin est une série télévisée française en 78 épisodes de 14 minutes, créée par Jean Tourane, produite par Maintenon Films et diffusée de 1965 à 1970 sur la première chaîne de l’ORTF.
kiri le clown : https://www.youtube.com/watch?v=QXDMigN53Dk
Kiri le clown est une série télévisée d’animation française en 65 épisodes de 5 minutes, créée par Jean Image et diffusée à partir d’octobre 1966 sur première chaîne de l’ORTF, puis diffusée en couleur dans le cadre de Colorix le programme pour la jeunesse de la deuxième chaîne couleur.
Bonne nuit les petits : https://www.youtube.com/watch?v=7r7s4rr3cO8
Bonne nuit les petits est une série télévisée française en noir et blanc, créée par Claude Laydu et diffusée à partir du 10 décembre 1962 sur RTF Télévision puis sur la première chaîne de l’ORTF. 568 épisodes de 5 minutes et cinq émissions spéciales ont été réalisés entre 1962 et 19731.